«J’ai toujours été très meuble», lance-t-il avant d’éclater de rire. A la conférence de presse, il fait son show. Tout ce qu’on attend de lui. Debout, à côté de l'écran, dans les sous-sols de l’hôtel Marignan des Champs-Elysées, Eric Judor fait l’humoriste de service. Son second degré fait toujours son effet. La dizaine de journalistes présents – toujours un peu rouillés avant 10heures – se détendent. Et la bonne humeur l’emporte. Conforama a gagné son coup, l’audience rit.
Il est rare que les réalisateurs de films soient présents aux avant-premières de publicité. Mais pour l’enseigne de meubles, Eric Judor est plus que l’homme derrière la caméra. Cette égérie française des «blagues-pas-drôles-qui-en-fait-sont-drôles» représente à merveille l’irrévérence que la marque veut imposer à ses consommateurs. Il sait se faire remarquer. Tout ce que veut l'enseigne... «Nous avons beaucoup changé, et nous devons maintenant le faire savoir. Depuis trois ans, nous avons revu 100% de notre offre», martèle Alexandre Nodale, PDG de Conforama. «Et bim!», ironise en écho Eric Judor. «85% des produits viennent d’Europe de l’Ouest, et 45% de France» détaille le PDG. «Et re-bim!», poursuit l’humoriste. Grâce à lui les arguments font mouche.
Séduire à nouveau dans un marché peu stable
L’enseigne du groupe sud-africain Steinhoff veut montrer qu’elle a revu sa copie. Pour son design, elle travaille avec le cabinet Nelly Rodi. Ces dernières années, elle s’est lancée dans le segment de la cuisine en kit, elle a «omnicanalisé» ses magasins. «Omnicaquoi?», interroge Eric Judor. Le show ne s’arrête pas. Le web totalise désormais 7% des ventes. Mais dans un marché du meuble à peine stable, face à des concurrents (Ikea, Maisons du monde) qui ont fortement communiqué ces derniers mois, et surtout face à des dizaines de pure players d’ameublement qui se sont lancés sur internet, Conforama doit à nouveau séduire ses consommateurs. Et leur dire que s’ils viennent chez elle, ce n’est pas que pour le prix.
Alors, après trois ans d’absence du petit écran, la marque revient avec un film signé Proximity BBDO et réalisé par Eric Judor, avec pour maître mot l’irrévérence. «Des scripts de pub, j’en reçois tous les jours, raconte Eric Judor, sur un ton sérieux cette fois. Mais celui-là m’a tout de suite emballé. J’adore le ton, cette autodérision et… la chute!»
Tourné dans le magasin de la ville d'Orange avec des employés pour figurants, le spot écrit par Matthieu Elkaïm, directeur de la création de BBDO, met en scène un directeur de magasin qui fait sa ronde avant l'ouverture. Comme un crieur public, il parle aux consommateurs et, peu à peu, commence à sortir tous les préjugés que l’on peut avoir sur Conforama. «Made in China», «housse de couettes avec des imprimés dauphin»..., tout y passe, et Conforama, ce n’est pas que ça. Et l’homme de vanter les prix bas de l’enseigne pour convaincre. Si vous ne voulez pas en profiter, «tant pis pour vous», conclut, hésitante, une caissière. La nouvelle signature «Il ne tient qu’à vous d’en profiter», vient alors clore le spot.
Prochaines déclinaisons par univers
Les deux comédiens principaux (Michel Nabokoff et Camille de Leu), choisis par Eric Judor, font la différence et donnent au texte humoristique tout son pouvoir. «On oublie souvent l’“acting” dans la pub, car on est trop préoccupé par le message de la marque, analyse-t-il. Moi, je préfère tourner avec des comédiens de théâtre ou des vrais acteurs.»
Le spot, qui sera diffusé 600 fois en quinze jours, pour un total de 400 GRP, jouera lui aussi son rôle: laver la marque de son image «cheap» dans l’esprit des consommateurs, qui ne se souviennent que du slogan historique «Le pays où la vie est moins chère». Le but est de «réparer l’injustice» dans la tête des consommateurs, pour reprendre les mots du PDG de l’enseigne.
«Le plus intéressant, c’est d’avoir un annonceur qui ose retourner le discours, observe Olivier Rippe, CEO de Proximity BBDO et BBDO Paris. Plutôt que de dire, “Venez chez nous, ce qu'on fait est bien”, il dit “Nous avons ces qualités, si vous pensez l’inverse, vous vous vous trompez, mais libre à vous de ne pas en profiter”.»
Mais la campagne ne s’arrête pas là. D’autres films sortiront dans quinze jours, par univers, cette fois-ci (cuisine, ameublement, décoration, etc.).
Pour financer cette vaste opération, l’enseigne reverra son mix média cette année. Son budgets médias, de plus de 62 millions d’euros en 2015 selon Kantar Media, était à 0% en télévision depuis deux ans, au profit du web. Cette année, c’est le prospectus papier qui devrait en faire les frais. A moins qu'Eric Judor arrive à faire rire en journal...