L’accessibilité aux événements et à l’emploi pour les personnes en situation de handicap n’est pas encore acquise, mais le sujet progresse, poussé par des acteurs soucieux de montrer l’exemple.
L’inclusion dans l’événementiel gagne du terrain. Jean-Paul Mignard, fondateur d’Axsol, une entreprise de vente et de location de matériel pour les personnes à mobilité réduite, en sait quelque chose. Quatorze ans après la création de sa société, il fait un bilan positif de son aventure : « L’effectif actuel est de 18 personnes. Nous sommes sollicités sur environ 150 événements par an et nous avons été l’un des opérateurs “accessibilité” sous-traitants pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. »
Si les mentalités évoluent dans le bon sens, l’inclusion n’est pas encore une pratique courante. Nicolas Turpin, vice-président de Lévénement en charge des transitions, compte sur le rôle moteur des donneurs d’ordres : « Ils doivent être beaucoup plus conscients, plus parties prenantes et plus exigeants sur ce sujet. Si cette exigence est plus explicite dans les cahiers des charges, alors cela fera bouger les agences qui, elles-mêmes, peuvent être force de proposition. Il faut engager un dialogue avec l’ensemble de l’écosystème. »
Les organisateurs aux avant-postes
Après avoir longtemps évité le sujet, Lévénement a finalement inscrit l’inclusion à l’ordre du jour et prépare un guide sur l’accessibilité qui devrait sortir début 2025. « C’est un sujet qui a été mis sous le tapis pendant trop longtemps pour des raisons sociétales, culturelles, et c’est aussi un peu lié à une forme de méconnaissance, explique Nicolas Turpin. Ce guide va permettre une montée en compétences sur le sujet et il va également servir de base de discussion avec nos parties prenantes, notamment les pouvoirs publics. »
Certains acteurs ont déjà pris les devants. Ainsi, le Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget impose depuis dix ans à tous ses exposants d’être accessibles. La Fédération française de jeu vidéo, organisatrice de la Paris Games Week, a adopté la même démarche. Le concepteur de stand Galis a ainsi réalisé un stand de 700 m² adapté aux différents handicaps. « Nous avons conçu un espace dédié aux personnes à mobilité réduite ainsi que des assises destinées aux accompagnants qui sont souvent oubliés. Nous avons aussi organisé le stand avec des allées suffisamment larges et des pentes douces pour faciliter les accès », explique Pauline Teyssedre, la directrice de la stratégie et de la RSE. L’entreprise propose désormais systématiquement des portes de réserve d’une largeur de 90 cm, au lieu de 70 cm habituellement. « Cela demande un petit investissement, mais on peut réutiliser ces différentes portes de réserve pour d’autres manifestations », précise Pauline Teyssedre.
Faire bouger les lignes
L’emploi, l’autre versant de l’accessibilité au secteur pour les personnes en situation de handicap, reste encore une terre de mission, estime Grégoire Decaux, fondateur de l’agence Inspirience, une entreprise adaptée : « Pour de trop nombreuses agences, le handicap est toujours une histoire de quotas, alors que c’est avant tout une question de citoyenneté qui doit animer aujourd’hui toutes les structures. Il faut faire bouger les lignes parce que finalement, si les acteurs du secteur ne recrutent pas, ce n’est pas parce qu’ils n’en ont pas envie, mais parce qu’ils ne savent pas faire. »
Un problème dont Lévénement s’est emparé en publiant en 2023 un guide intitulé « Handicap, le pari gagnant de l’inclusion ». « L’objectif était de dresser un panorama de la situation, mais surtout d’apporter des solutions concrètes, explique Nicolas Turpin. Ce guide a pour but d’inciter les patrons d’agence à adopter un autre regard sur le handicap et à passer le cap. »
Pour le vice-président de Lévénement, la marche à suivre n’est pas si complexe : « Dans ce guide, il y a des plans d’action et des recommandations pour les patrons d’agence afin qu’ils puissent accueillir convenablement les personnes en situation de handicap. Il ne suffit pas de se dire qu’on va embaucher quelqu’un, tout cela se prépare. La qualité de l’onboarding est très importante. Il y a vraiment la nécessité de déployer une culture de la diversité au sein des agences. Quand on recrute une personne en situation de handicap, on recrute avant tout un collaborateur avec ses hard skills et ses soft skills. »
Sur le terrain, les opportunités sont réelles, estime de son côté Élise Legris, COO de l’agence Green Événements : « C’est un secteur qui peut offrir de vraies possibilités de débouchés pour les personnes qui vivent avec un handicap. Les formats courts proposés permettent de se tester sur de nouveaux métiers et d’avoir une grande flexibilité en termes d’horaires et de fatigue dans la mesure où ces personnes ne s’engagent pas sur des contrats à durée longue. Côté organisateurs, c’est l’occasion de travailler avec une main-d’œuvre volontaire et engagée. » Autant de pistes pour augmenter le taux de personnes en situation de handicap dans la filière, estimé aux alentours de 3 %, soit bien en dessous de l’obligation légale de 6 %.
Une passerelle vers l’emploi
En 2020, l’agence Inspirience, une entreprise adaptée qui compte 55 % de personnes en situation de handicap dans ses effectifs, a lancé le dispositif Passerelle événementielle. « Ce dispositif repose sur l’idée que, hors des effectifs permanents, nous pouvons aussi venir en aide à des personnes qui ne peuvent travailler que quelques heures par jour ou qui ont besoin de temps pour se projeter dans un emploi à long terme, explique Grégoire Decaux, dirigeant de la société. Dans l’événementiel, il y a des emplois de courte durée, que ce soit l’accueil sur un événement, la tenue d’un vestiaire, l’aide pour guider les gens vers leur place, la distribution de badges. » Il estime que ces missions peuvent être confiées à des personnes au départ faiblement qualifiées mais qui ont envie de découvrir l’événementiel et de monter en compétences.
Inspirience utilise le dispositif Passerelle événementielle pour ses clients, et d’autres agences y ont aussi désormais recours. Une étape importante pour changer le regard porté sur le handicap, estime Grégoire Decaux : « Ce dispositif est un bon moyen pour créer le premier pas dans les agences afin de leur dire : “Regardez, c’est possible aujourd’hui d’accueillir des personnes en situation de handicap.” » Plus d’une trentaine de missions ont déjà été menées à bien en 2024, soit une progression nette par rapport à 2023 qui s’était soldée par un bilan final de 25 missions.