L’ADN des métiers de l’événement peut-il encore séduire de nouvelles générations qui clament haut et fort un besoin d’équilibre plus fort entre vie personnelle et vie professionnelle ? La filière, consciente de ces nouveaux besoins, fait sa part. Mais est-ce suffisant ?

À compter le nombre d’agences ayant esquivé nos sollicitations, peut-être parle-t-on là du prochain grand défi du secteur. Même si certains, à l’image de Diane d’Amécourt, directrice associée et head of experience chez Double 2, assument au contraire cette réalité pour mieux préparer l’avenir : « La quête du candidat idéal devient plus chronophage car nous recevons moins de CV. Au-delà des fonctions digitales qui assèchent le marché des jeunes diplômés en communication depuis quinze ans, la grande coupable reste la crise covid avec, depuis, une perte d’entrants. »

Pour Hubert Dupuy, directeur de l’Institut de l’événement, école et CFA réputés qui forment aux métiers du secteur, cette période historique a en effet fondamentalement modifié le rapport au travail : « Un changement de posture opère partout et conduit plus spécifiquement la jeune génération à penser différemment, avec un travail qui se consomme comme tout autre produit et une grande volatilité. »

Recherche d’épanouissement

La jeune génération n’accepte en effet plus les règles d’antan, comme l’explique Jordan Vesian, jeune consultant du cabinet de conseil en communication Iconic : « Nous sommes prêts à nous engager mais pas à n’importe quelles conditions. Nous avons envie de carrières moins linéaires, avec des progressions qui peuvent se faire dans différentes entreprises et sur des temps plus courts. L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle est important, la recherche d’épanouissement également. Cette dernière notion, variable d’une personne à l’autre, nécessite d’ailleurs un accompagnement plus personnalisé qu’auparavant. » Certains s’intéresseront ainsi à l’emploi du temps, à la politique de déconnexion, à la pratique du sport ou au fait de pouvoir venir à vélo. Pour d’autres, il s’agira plutôt de passer au crible le sens des missions confiées, la responsabilité de l’entreprise, la facilitation du rapport hiérarchique ou encore le degré de responsabilisation et les possibilités d’évolution.

À chacun ses besoins, mais dans tous les cas, le CDI n’en est plus un, quelques nouveaux entrants allant jusqu’à privilégier le statut de freelance dès la sortie de l’école. Pour Norman Ouakil, étudiant à l’EM Normandie voulant faire carrière dans les métiers de l’événement, « l’idée n’est pas de moins travailler. À titre personnel, je ne compte pas mes heures et je refuse le télétravail qui me forme moins vite. En revanche, ce travail n’est plus un refuge mais un outil d’épanouissement. Sont donc privilégiées les entreprises qui donnent tout de suite plutôt que celles qui promettent pour plus tard. »

Une meilleure qualité de vie au travail

La filière, consciente de ces changements, se met en ordre de marche, confirme Béatrice Cuif-Mathieu, coprésidente de l’Unimev : « Les questions des compétences et de la marque employeur sont essentielles et dans l’agenda de notre mandature. » Les chantiers débutent, comme ce nouveau partenariat avec l’Apec pour mieux flécher les publics spécifiques, dont les jeunes. Lévénement, association représentative d’une centaine d’agences, a, elle, reclarifié les choses en matière de rémunération avec une étude qui malmène certains poncifs. Stéphane Abitbol, son président, martèle ainsi sans relâche : « Avec des collaborateurs qui restent en moyenne 6,6 ans dans leur structure et un salaire moyen de 3 885 euros bruts, le secteur n’a rien de précaire. Nous avons écouté cette jeune génération et la qualité de vie au travail a grandi. »

Les entreprises s’adaptent, chacune soignant la formalisation de son package d’entrée. « Si nous avions avant le sentiment de choisir nos candidats, c’est maintenant eux qui nous choisissent, avec une culture d’entreprise qui devient fondamentale. Clients, typologie de projets, vision à long terme, politique RSE… Quelqu’un qui ne peut pas parler de ses valeurs passe à côté des recrutements », analyse Jean-François Hollender, directeur général de With Up Com. Pour cela comme pour le reste, tout est scruté avec attention et les agences rivalisent de créativité : voiture partagée chez Double 2 pour trajets professionnels et personnels, locaux où seront bientôt proposés des cours de yoga, de boxe et de cuisine chez With Up Com… Chez Havas Events, le quotidien est tout aussi prometteur avec une salle de sport intégrée et la possibilité de rejoindre Refresh, un groupe de sorties culturelles et gastronomiques.

Des atouts pour recruter

Tout cela change-t-il la donne ? Pas forcément pour les plus soucieux de leur vie personnelle, rien ne pouvant changer l’ADN d’un milieu structurellement très impliquant. Pour les amateurs de métier passion en revanche, le jackpot peut être au rendez-vous, souligne Hubert Dupuy : « Beaucoup de jeunes recherchent encore la valeur réussite. Ils bénéficient alors d’un levier spécifique au secteur, celui d’un ascenseur social rapide avec une responsabilisation forte. » Même analyse pour Stéphane Guerry, président d’Havas Play et coprésident d’Havas Events : « Avec cette adrénaline propre au live, une intensité relationnelle rare, nous avons des atouts sans égal pour recruter une nouvelle génération qui veut vivre des expériences fortes. »

La richesse créative du métier reste enfin un atout unique, souligne Guillaume Pommier, directeur général de Double 2 : « Nous bénéficions d’une liberté folle car non contrainte par le média, avec la possibilité de travailler l’ensemble du spectre culturel, dont la musique, l’artistique, la technique, le scénique… Peu de métiers sont aussi pluridisciplinaires. La diversité des formats et des secteurs reste aussi extrêmement enrichissante. » Un supplément d’âme que confirment ceux qui y ont goûté.

L’Unimev relève en effet que 62 % des employeurs du secteur ont embauché des alternants à l’issue de leur formation et 78 % un stagiaire. Le baromètre Havas Says, outil de suivi des collaborateurs du groupe, relève de son côté que 98 % des stagiaires souhaitent poursuivre en fin de période. Alors oui, l’événementiel fait encore rêver, à charge pour le secteur de mieux se raconter dans une société qui a profondément changé. La magnificence des JO pourrait-elle être un début ? Stéphane Guerry veut le croire : « Cet événement à résonance mondiale a raconté au monde entier un savoir-faire tricolore extraordinaire. De nouvelles vocations vont évidemment naître. »