Sport
Bientôt disparus les stades aux noms de personnages illustres ? La France commence à s'habituer aux marques pour baptiser ses enceintes sportives.

Adieu les stades Courbertin et aux autres hommages aux illustres sportifs ? La France semble être moins rétive à l'idée que les sponsors des compétitions marquent de leur sceau lieux et rencontres, même si des freins entravent encore la tendance au naming.

Seize stades et arenas sont aujourd'hui concernés par ce type de contrat, dont neuf ont démarré depuis 2016, d'après les données du Centre de droit et  d'économie (CDES) de Limoges présentées le 12 octobre à «l'observatoire du  naming» de Sporsora, l'association des acteurs de l'économie du sport. Une hausse «significative», selon le responsable des études du CDES Christophe Lepetit: d'une part, «ça montre que la technique est en train  d'être acceptée par les consommateurs finaux», supporters ou téléspectateurs; d'autre part, «ça se développe car les annonceurs y trouvent leur compte et  commencent à voir leur nom repris par les médias», explique-t-il.

Le marché a aussi profité des rénovations ou constructions de stades de l'Euro 2016. Après la Ligue 2 Domino's Pizza depuis 2016, puis la Ligue 1 Conforama depuis 2017 (pour près de 25 millions d'euros sur 3 ans, l'un des plus gros  montants en France), la Pro A de basket a disparu sous les roues de la Jeep Elite. Et l'Asvel de Tony Parker a démarré la saison avec un nouveau nom, LDLC Asvel, le club de Villeurbanne troquant même son vert historique pour un noir et blanc plus proche du vendeur de produits high tech.    

Encore loin de l'Amérique du nord, où la moyenne des contrats pour les stades s'élève 5 millions d'euros annuels selon les chiffres de Lagardère  sports (1,9 million en France selon le CDES), la France n'est plus ce pays où la MMArena du Mans faisait figure de précurseur isolé au début des années 2010, là où c'était déjà une habitude pour la voile et les équipes cyclistes.        

Un recul culturel ?      

«On peut imaginer, demain, des contrats plus petits, sur des équipements structurellement déficitaires et pourtant importants pour le territoire, comme des patinoires ou des piscines. Des collectivités, dans un contexte financier très contraint, pourraient s'ouvrir à ces opérations pour alléger la facture,  surtout si une entreprise a une stratégie territoriale», pronostique Christophe Lepetit. Rares sont ceux qui aujourd'hui dénoncent un recul. «C'est un symptôme de la privatisation du sport et de la baisse des financements publics», déplore le responsable sport du Parti communiste, Nicolas Bonnet Oulaldj, qui s'était battu en vain en 2015 contre la rebaptisation de la mythique salle de Bercy en Accor Hôtels Arena. «C'est aussi un recul culturel», affirme l'élu parisien. «Quand un stade  prend le nom d'un sportif qui a marqué l'histoire, il y a une mémoire qui est transmise. Cette transmission, elle fait partie des valeurs du sport».    

S'il progresse, le phénomène ne balaie pas tout sur son passage. «Ca se développe mais certains freins persistent encore. Les Français sont  encore attachés aux noms des stades, qui sont souvent reliés à une histoire  locale ou nationale. Ils n'aiment pas trop que les marques aillent sur ces territoires», relève Matthieu Masquelier, responsable du sponsoring sportif à la Société Générale, très investie dans le rugby.    

Des contre-exemples existent, comme le stade Pierre-Mauroy où évolue le club de Lille depuis son inauguration en 2012. Ou le futur stade de Montpellier, bien parti pour prendre le nom de Louis Nicollin, un cas atypique car le groupe de traitement des déchets de l'ancien président du club, décédé en 2017, en est aussi le principal actionnaire.

Dans d'autres cas, le nom original est trop inscrit dans l'histoire pour disparaître, comme au Vélodrome de Marseille, devenu l'Orange Vélodrome en 2016. D'où un autre frein possible pour les investisseurs, parfois déçus par des reprises médiatiques trop faibles à leurs yeux.

«Si des budgets importants sont engagés, c'est un peu comme une publicité sans logo. Ce n'est pas très efficace», note Matthieu Masquelier.    

Côté médias aussi, le sujet n'a rien d'anecdotique, certains craignant que des reprises trop généreuses dans les articles ne dévalorisent les espaces publicitaires classiques.    

Dans ce contexte, les sponsors optimisent leur investissement en multipliant les opérations autour de leur partenariat, par des animations dans les stades ou sur les réseaux sociaux. Pour les acteurs du secteur, un «bon naming» doit pouvoir s'installer dans la durée et ne pas se résumer au simple achat d'une visibilité.

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