Dossier
Le paysage des acteurs du big data est si éclaté qu’il est parfois bien difficile de s’y retrouver. Des implications organisationnelles au choix des bons partenaires, petit aperçu de la marche à suivre.

Article initialement publié en mai 2014 dans le cadre du dossier Big Data, l'or noir du XXIème siècle

 

En 2013,  la société Steria se demandait si les entreprises européennes étaient matures au sujet du big data. A travers une enquête, elle a démontré que si elles sont convaincues que la data constitue un levier de croissance, elles ne sont toutefois pas encore prêtes à en exploiter le potentiel. Si le défi technique n'est plus à l'ordre du jour tant les technologies, type Hadoop (un système de fichiers distribués), sont accessibles, il reste un important enjeu d'acculturation et de réorganisation interne.

 

Le tsunami digital supposait que les silos entre les différents services devaient tomber. Le big data achève la mue et nécessite une réorganisation des entreprises. Si le sujet n'intéressait que les DSI (directions des systèmes d'information) il y a encore quelques années, c'est d'une synergie entre les services techniques, le marketing et la direction générale que naîtront les entreprises «data-driven» qui sauront tirer tout le bénéfice du big data.

 

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Enjeu de taille pour les entreprises qui entendent miser sur le big data, la montée en compétences pour absorber le savoir-faire nécessaire à la pratique du big data et la naissance de nouvelles qualifications à la croisée des chemins entre la science et le marketing. «Aujourd'hui, toutes les entreprises sont tournées vers la data, mais elles n'ont pas forcément les compétences pour la gérer», note Raphaël Savy, directeur général France de Teradata Applications.

 

Une valeur stratégique car la data est partout

 

Ces profils, le Graal des chasseurs de tête, ce sont les «data scientists» ou «data analysts» qui savent faire parler les données qu'ils traitent pour prendre de meilleurs décisions business. Gourous des temps modernes, ils semblent être la nouvelle fonction clé, mais 24% des entreprises questionnées par Steria estiment qu'elles n'ont pas les experts nécessaires. Une pénurie que le cabinet McKinsey, dans un rapport fondateur sur le big data publié en 2011, estime à 190 000 en 2018, rien qu'aux Etats-Unis.

 

Pour répondre à la demande croissante, de nombreux cursus de data science voient le jour dans des universités auxquelles sont associées des acteurs qui prennent le sujet big data à bras le corps, comme Havas Media qui soutient la chaire Big Data de Paris Dauphine, Deloitte et Criteo qui s'investissent dans les chaires de Paris Tech ou encore Axa qui participe au cursus d'HEC.

 

Mais les défis ne sont pas seulement de ressources humaines pour les entreprises qui voudraient faire de la data leur principal atout stratégique. La réorganisation des équipes semble inévitable pour que le sujet s'instille dans toutes les strates des entreprises. Pour certaines sociétés, la stratégie optimale à adopter est de créer une administration centrale pour la data qui irriguerait ensuite chacun des services de ses résultats.

 

Après le «chief marketing officer» (CMO) se profile l'avènement du «chief data officer» (CDO), un responsable des données de l'entreprise qui éclairerait les décisions stratégiques grâce aux analyses tirées de ces datas. Des données auxquelles il faut faire très attention, car «elles ont une valeur stratégique et il faut être en mesure de les réinternaliser à tout moment et d'avoir les compétences pour le faire», rappelle Romain Chaumais, cofondateur de l'agence-conseil en technologies digitales Ysance.

 

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Autre défi, aller chercher «la bonne donnée par rapport à la bonne exploitation marketing, rappelle Yan Claeyssen, directeur générale d'ETO(Groupe Pubicis). La medium data, c'est exploiter de la donnée client, de la donnée contact, de la donnée prospect. Le big data, c'est avoir une vision globale de la data. Les DSI essaient de s'approprier les sujets big data, car la data est partout dans les organisations.»

 

Collecter et interroger la bonne donnée signifie également ne pas engranger à tout-va, mais se concentrer sur la donnée nécessaire. Ce qui pourrait également être un gage de confiance pour les consommateurs, qui sauraient que les marques ne disposent que de ce dont elles ont besoin pour fournir les produits et services les plus optimisés possibles, et non pas qu'elles ont engrangé jusqu'à plus soif de la donnée la plus diversifiée.

 

«Réinvention complète de l'agence»

 

Il convient aussi de savoir bien s'entourer. Et la tâche peut s'avérer ardue au vu de tous les acteurs qui se positionnent sur le sujet et qui mettent en avant une compétence big data, qu'ils la possèdent… ou pas. L'Adetem, l'association nationale des professionnels du marketing, a ainsi transformé son club marketing direct en un club big data pour orienter les annonceurs dans ce paysage explosé de prestataires, dont les compétences ne sont pas toujours clairement identifiées et délimitées. «Le but du club est de faciliter l'acculturation des membres sur le sujet du big data. Nous avons commencé à essayer de cartographier l'ensemble des acteurs, mais c'est extrêmement compliqué. Aujourd'hui, tout le monde prétend savoir tout faire», regrette Christophe Cousin, coprésident du club et président-fondateur de la société Camp de bases.

 

De nombreuses agences, celles de médias en tête, ont investi sur de nouvelles compétences et parfois même sur la création de départements dévolus au big data, comme Havas Media et son processus stratégique DDOG (pour Data Driven Organic Growth) qui est, selon son directeur général, Raphaël de Andréis, «la matérialisation d'une réinvention complète de l'agence. Nous devons bâtir un instrument pour les marques capable d'appréhender et de manager ce nouvel environnement.»

 

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Aegis Media a son agence spécialiste du sujet, Iprospect, Starcom a développé un département chapeauté par Armel Bursaux, ex-directeur data services et management d'Orange, et Mediacom a revu son organisation pour que chaque compte soit suivi par un data manager.

 

Les autres agences attendues sur le sujet sont bien évidemment les agences de marketing relationnel. Ogilvy One a ainsi une équipe pour le big data, emmenée par Stéfan Galissié, CDO, tandis que d'autres étoffent leurs compétences en faisant l'acquisition de poids-lourds de la donnée, comme Publicis Dialog/Modem avec ETO.

 

«On voit se développer des relations beaucoup plus constructives entre la technologie, l'agence et l'annonceur, salue Eric Clémenceau, directeur général de Rocket Fuel France. Notamment parce que les annonceurs intègrent des profils de plus en plus pointus qui ont une meilleure compréhension du sujet technique. Des agences développent leurs propres technologies et internalisent au maximum, d'autres sont davantage du côté conseil, mais l'acculturation aux technologies leur permet d'apprendre plus vite et mieux. Les agences ont également un rôle de facilitateur, qui permet de gagner du temps et d'être plus percutant.»

 

Clé de conversion

 

Si les agences ont leur épingle à tirer du jeu du big data, pour certains acteurs, c'est surtout une condition de survie. «Le futur de l'industrie de la communication passe par la capacité qu'auront les agences à jouer un rôle central dans la bataille des big datas. Aujourd'hui, des acteurs comme Twitter, Facebook, Google… sont en mesure d'entretenir une relation avec les annonceurs car ils connaissent tout de leurs consommateurs. Ce que ces acteurs savent est d'une importance critique pour les marques, alors pourquoi passer par ces entités archaïques que l'on appelle agences?, lance Pascal Beucler, vice-président de MSL Group (Publicis). Le rôle d'une agence de communication n'est pas de produire de la data, mais d'exploiter stratégiquement et créativement cette source d'informations et de faire valoir notre capacité à avoir une clé d'accès aux bonnes datas, mais surtout une clé de conversion.»

 

L'analyse et l'interprétation stratégiques des données semble être le nouveau fer de lance des agences mais… «que tout le monde veuille comprendre, ait un point de vue, c'est indispensable, rappelle Raphaël de Andréis, d'Havas Media. En revanche, que tout le monde puisse être consultant et un architecte de la big data, ce n'est pas gérable.» Pourtant, relève Pascal Beucler, «le ticket d'entrée n'est pas inabordable, car la data a quelque chose de démocratique et tout le monde peut y avoir accès».

 

Résultat, les prestataires techniques se développent dans le conseil et les agences-conseils se dotent des compétences techniques. «Les éditeurs eux-mêmes ont envie de monter dans la chaîne de valeur et de devenir intégrateur-conseil», avertit Bruno Teboul, directeur scientifique R&D et innovation de Keyrus. «Mais il faut être réaliste, conclut Raphaël Savy,de Teradata Applications, peu d'acteurs sont capables d'intervenir sur l'ensemble de la chaîne de la data.»

 

Reste donc à faire appel «à différents partenaires et différentes données selon des objectifs clairement identifiés», conseille Yan Claeyssen, d'ETO. Une chose est sûre, la bataille du big data ne fait que commencer.

 

Les principaux acteurs du big data

Stockage et serveurs. HP, EMC, IBM, Dell, Hitachi, Fujitsu, Oracle, NEC, Acer, Cray, Bull, Hitachi, SGI, Stratus Technologies, Unisys, Cisco, Lenovo…

Bases de données. SAP, Oracle Exadata Database Machine, IBM (DB2, Netezza, Informix et Solid DB), Teradata, HP Vertica et Autonomy, EMC Greenplum, Microsoft SQL Server, Sybase, Quartet FS, My SQL, Postgre SQL, Numergy…

Analytics. Teradata, SAS, Microsoft, HP Vertica, HP Haven, Coheris, IBM, Vivisimo, Palantir, Dataspora, Splunk, Platfora, Tibco Spotfire, Karmasphère, Datameer, Skytree, Oracle

Advanced Analytics, Microstrategy, Actian…

Datavisualisation. Tableau, Datawatch, Opera, SAS Visual Analytics, Data Applied, Metalayer, Infogram, Pentaho, Visual.ly, Vizify…

Conseil. Synomia, Accenture, Deloitte, Fifty five, Ysance, PWC…

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