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Lancé à la fin des années 2000, le réseau social d'entreprise ne peut fonctionner que s'il est co-construit, animé et soutenu par une vision d'entreprise. Certains sociétés se donnent les moyens de leur mise en place. Avec succès.

Article initialement publié en avril 2014 dans le supplément digital de Stratégies.

 

C'est le premier réseau social interne d'une grande administration prestigieuse. Son nom ? « Diplomatie ». En juillet 2014, le ministère des Affaires étrangères (MAE) lancera officiellement sa plate-forme ouverte à ses 15 000 agents répartis sur toute la planète, mais aussi à 5 000 autres fonctionnaires qui travaillent à l'international. « Le but est d'unifier les flux d'information, de les hiérarchiser et de permettre d'y accéder en mobilité, explique Nicolas Chapuis, le directeur du service d'information du MAE. L'idée est aussi de partager une partie de la correspondance diplomatique avec d'autres acteurs comme les entreprises, les centres de recherche, les médias, les ONG... »

 

Sur « Diplomatie », les groupes fonctionnels par directions ou services cohabiteront avec des communautés d'intérêt non hiérarchisées qui pourront travailler de manière transversale sur des sujets liés à l'actualité diplomatique. Ici, la vie privée n'aura pas droit de cité, mais les syndicats auront voix au chapitre et pourront s'adresser à l'ensemble des agents. « Nous ouvrons aussi des espaces wiki à l'image de ce qui a été fait aux États-Unis avec Diplopedia [une sorte d'encyclopédie diplomatique réalisée par les services du Secrétariat d'État] », précise Nicolas Chapuis. Désormais, il faut passer du « need to know » au « need to share ».

 

Lire : les articles du supplément digital

 

Si l'administration française et les collectivités se tournent aujourd'hui vers les plates-formes collaboratives internes inspirées des célèbres Facebook ou Google+, des entreprises pionnières comme Danone ont ouvert la voie dès les années 2008-2010. Le réseau social d'entreprise apparaissait alors comme un outil permettant de favoriser la cohésion sociale, l'innovation et la productivité en cassant le travail en « silos ». Il peine aujourd'hui à se déployer, tempère l'étude 2013 de l'Observatoire de l'Intranet et de la stratégie numérique.

Selon cette enquête du cabinet Arctus, seules 16% des entreprises hexagonales interrogées ont eu, en 2012, une pratique régulière des outils sociaux internes contre 14% l'année précédente. Et elles ne sont que 20% à avoir de tels projets dans leurs cartons. « Il y a eu un effet de mode autour de ces réseaux internes, convient Anthony Poncier, directeur associé de Publicis consultants et auteur aux éditions Diatéino de l'ouvrage LesRéseaux sociaux d'entreprise. Mais certaines entreprises ont été déçues par le retour sur investissement. Converser pour converser fluidifie un peu la communication, mais d'un point de vue opérationnel, c'est limité. »

 

Quelques-unes ont même connu des échecs retentissants. Par exemple, la SNCF, qui avait lancé, en 2010, un réseau social pour sa direction innovation et recherche. Des fonctionnalités complexes et des règles de confidentialité mal maîtrisées ont amené les salariés à déserter une plate-forme qui n'avait même pas de nom... Elle a été remplacée par une nouvelle version en octobre 2013. « Les entreprises commencent à être conscientes que la mise en place d'un outil seul ne suffit pas, décrypte Anthony Poncier. Il faut donner envie aux gens de se connecter et avoir une véritable politique d'accompagnement. »

 

Pour Ziryeb Marouf, directeur applicatifs RH Groupe et réseaux sociaux chez Orange et directeur de l'Observatoire des réseaux sociaux d'entreprise : « La confiance est la bande passante du réseau social d'entreprise. Les salariés n'hésiteront plus alors à répondre aux sollicitations et échangeront sans craintes », affirme-t-il.

 

Chez l'opérateur de télécom, la mise en place d'une plate-forme en décembre 2010 a pris appui, avec succès, sur une poignée de communautés nées spontanément dans certaines divisions. « Nous avons identifié les meilleures pratiques existantes et nous avons réalisé en parallèle des focus groups pour écouter les collaborateurs et connaître leurs attentes », rappelle Ziryeb Marouf, auteur chez l'Harmattan de Réseaux sociaux numériques d'entreprise.

 

« Notre plate-forme a été conçue pour s'adresser au plus grand nombre dans le cadre d'un projet global et d'une stratégie d'entreprise clairement identifiée. » Baptisé « Plazza » par les salariés d'Orange, ce réseau revendique 42 000 utilisateurs et 1 800 communautés. Parmi elles, 80% sont orientées métier et business, 20% « passion » (lecture, sport, engagement humanitaire...). « Le projet doit avoir du sens, il doit être co-construit avec les salariés », insiste Ziryeb Marouf. Valorisés par cette démarche d'écoute, ils deviennent ensuite les premiers ambassadeurs du réseau au sein du tissu social de l'entreprise. »

 

Chez Renault, la naissance, en juin 2012, de la plate-forme MyDeclic, du nom de l'Intranet, a bénéficié d'une forte campagne de promotion en interne. « Nous avons par la suite mené d'autres vagues de communication pour mettre en avant "les best practices" montrant concrètement comment le réseau interne et les communautés améliorent le quotidien et l'efficacité des employés, souligne Patrick Hoffstetter, directeur digital à la direction client du constructeur. Ces communautés sont très variées. Certains membres vont, par exemple, échanger pour améliorer tel ou tel aspect de ZOE, l'un des véhicules de notre gamme électrique. D'autres vont donner des astuces pour mieux utiliser leurs Blackberry. »

 

Près de 15 000 salariés de Renault, répartis en 3 000 communautés à usage professionnel, alimentent aujourd'hui régulièrement le « mur » de MyDeclic. Women@Renault, la plus active, compte 4 000 membres qui collaborent dans le cadre d'un plan visant à améliorer la représentation féminine à tous les niveaux hiérarchiques de l'entreprise. « Nous avons fait un gros effort de formation in situ et en ligne pour montrer l'utilisation du réseau et des réseaux sociaux au sens large, complète Patrick Hoffstetter. Une charte a été mise en place ainsi qu'un comité de régulation mais nous n'avons jamais eu de débordements. »

 

Chez Renault comme chez Orange, l'adhésion des salariés tient aussi à l'animation du réseau par des community managers. « Pour les communautés spontanées, leurs créateurs assurent cette fonction sans nuire à leur objectif métier. Et, pour les communautés initiées par le groupe, ce sont des salariés mandatés ou des consultants qui vont proposer par exemple de nouvelles façons de travailler», remarque Ziryeb Marouf. « Une communauté ne s'autogère pas, quelqu'un doit l'organiser, la nourrir et la faire vivre », conclut Anthony Poncier. Plus largement, une instance de gouvernance doit aussi porter une vision d'avenir du réseau social d'entreprise, pour le faire évoluer en fonction de sa maturité mais aussi des évolutions que connaissent la technologie et l'entreprise. » Tout un art.



FOCUS. BYOD : les Français font de la résistance

L'essor des nouvelles technologies favorisant la mobilité professionnelle et le développement des réseaux sociaux d'entreprise (RSE) amènent certains salariés à utiliser leurs propres terminaux, smartphones, ordinateurs portables ou tablettes, en dehors du bureau, voire  à leur domicile. Ce phénomène baptisé Bring your own device (BYOD) s'étend surtout aux États-Unis et en Asie.

 

Les Français, eux, font de la résistance, comme l'indique un sondage Ipsos réalisé en septembre 2013. En effet, 61% des salariés interrogés assurent n'utiliser aucun appareil personnel au travail. Beaucoup redoutent que les employeurs ne puissent accéder à leurs données personnelles. Ils souhaitent une séparation étanche entre vie professionnelle et vie privée. De leur côté, les responsables d'entreprise craignent que le BYOD ne génère des conflits concernant le temps de travail. Un salarié pourrait estimer avoir travaillé pour l'entreprise lorsqu'il a traité des mails en urgence à toute heure du jour et de la nuit.

 

Si le code du travail inclut, depuis 2012, des dispositions sur le « télétravail », le BYOD n'est pas directement visé. Côté sécurité, les directeurs des systèmes d'information (DSI) s'inquiètent des risques possibles de fuite ou de piratage sur des appareils peu sécurisés ou accessibles aux proches du salarié. Aujourd'hui, le BYOD semble cependant plus toléré par certaines entreprises rechignant à investir dans des flottes de terminaux.

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