Cosmétique
Si le marché de la beauté tarde à prendre le virage digital et technologique, des start-up avancent leurs pions et forcent les grands groupes à s’adapter.

«Le risque d’ubérisation du marché de la beauté est bien plus limité que dans d’autres secteurs», assure Philippe Jourdan, cofondateur du cabinet Promise Consulting. Par rapport à l'univers de la restauration, des transports ou de la presse, par exemple, la cosmétique et les soins tardent à opérer une transformation digitale et technologique. Le besoin de sentir, de toucher et de tester est sans doute une des raisons principales de ce retard. «La technologie, si elle est un facilitateur de services, n’est pas au cœur de la valeur ajoutée des offres et ce quel que soit le segment: maquillage, soins, produits pour le corps, etc. Les produits achetés sont avant tout expérientiels», confirme le consultant. Si la disruption n’est pas d'actualité, c’est aussi que ce secteur fait régulièrement évoluer son offre. Ici, l’innovation est constante, poussée par une pression de renouvellement et de lancements de produits. «Le risque de disruption est sans doute plus prononcé dans l’univers du maquillage, alors qu’il est moindre dans l’univers du soin, mais d’une façon générale, la beauté ne réunit pas les conditions d’une ubérisation à court terme», insiste Philippe Jourdan.

Accès direct à la consommatrice finale

Cependant, cet univers économique attire les start-up, bien décidées à proposer des modèles alternatifs ou complémentaires aux marques historiques. «La beauty tech est un concept encore flou en France, qui a ses limites, mais qui commence à se structurer autour de différentes stratégies: le mobile, le social media, l’expérience client, le booking, la personnalisation, la réalité augmentée…», expliquent d'une seule voix Mallorie Sia et Marie Sermadiras, les cofondatrices de Treatwell.fr. Les jeunes pousses de la beauty tech se positionnent sur trois segments. D'abord, les innovations autour des produits: création de nouvelles formules, exploration de nouveaux canaux de communication et de commercialisation, etc. Puis, les innovations autour des services (coiffeurs, instituts, spas…): réservation en ligne, personnalisation de la découverte, transparence de l'information (avis, prix, photos, contenus), etc. Enfin, les objets connectés et les soins s'appuyant sur l'utilisation de la technologie.

Cet écosystème profite d’une audience qui, depuis quelques années, s’est déplacée massivement vers les réseaux sociaux. «Les barrières à l’entrée du marché de la beauté n’ont jamais été aussi faibles, affirme Thomas Owadenko, cofondateur et CEO d’Octoly, start-up spécialisée dans la mise en relation des marques et des influenceurs du web. De petites marques hyper-malignes et talentueuses l'ont compris et attaquent les grosses marques en accédant directement au consommateur final.» Grâce aux influenceurs d’Instagram ou de You Tube, les jeunes marques 100% digitales jouent la proximité avec les clientes et s’imposent sur un marché français longtemps dominé par des maisons historiques.

Rapprochements

Pour lutter, les grandes marques se lancent dans des acquisitions: le géant français L'Oréal multiplie les rachats d’acteurs «millennials», comme Urban Decay, NYX et IT Cosmetics. Même stratégie pour l’américain Estée Lauder, qui a acquis Too Faced et Becca Cosmetics. «Beaucoup de groupes traditionnels peuvent se sentir un peu perdus. Ils optent pour des rapprochements et recherchent des solutions externes, des briques technologiques complémentaires», note Thomas Owadenko. Ces grands groupes voient dans les nouvelles technologies une occasion de travailler leur image de marque. Pour garder un œil sur l’innovation, L'Oréal a noué un partenariat avec Founders Factory, un accélérateur et incubateur digital implanté à Londres, qui entend «soutenir la prochaine génération de technologies et d’entrepreneurs de la beauté», selon Esohe Omoruyi, senior vice-présidente des services et des innovations digitales de L'Oréal. Pour répondre aux besoins changeants de nos consommateurs, il est essentiel d’identifier de nouvelles idées de rupture et de développer de nouveaux services.»

La beauty tech est un nouvel écosystème où chacun a besoin de l’autre. «Il ne faut pas considérer la relation des start-up et des grands groupes comme une compétition. Les jeunes sociétés technologiques apportent leur rapidité et leur approche “test and learn”, les grandes entreprises leur expérience, leur réseau et leur expertise du marché, qui peut parfois manquer aux start-up», soutient Esohe Omoruyi.

La French Tech en beauté

Le pôle de compétitivité Cosmetic Valley a lancé le projet Beauty French Tech en mars 2016. Ce réseau national d’innovation spécialisé dans la cosmétique regroupe 800 start-up ainsi que des entreprises déjà installées. Objectif: mutualiser les compétences et les contacts, et ainsi développer un grand réseau d’innovation numérique qui permette l’ouverture à l’international et le rayonnement de l’industrie de la cosmétique française à travers le monde. La stratégie de cette coalition repose sur trois axes: le Beauty data Lab, pour tout ce qui concerne l’utilisation des données dans l’appréhension du consommateur; la French Beauty Platform, pour ouvrir davantage les PME à l’international; et la Fabrique de la beauté connectée, un incubateur-accélérateur de start-up.

 

3 start-up de la beauté

Birchbox , les cosmétiques en boîte

Les box beauté sont arrivées en France en 2011, avec la création de la start-up Jolie Box par Quentin Reygrobellet et Mathilde Lacombe. Fusionnée en décembre 2012 avec l’américain Birchbox, précurseur de ce concept en 2010, date de son lancement à New York, la jeune pousse connaît une ascension fulgurante. Le concept: une sélection de cosmétiques à recevoir chaque mois adaptée au profil et aux besoins du destinataire. La vraie bonne idée est d'utiliser la plus value d’internet et des datas pour proposer une expérience d’achat meilleure que dans les circuits traditionnels de distribution, grâce à la recommandation personnalisée. Depuis, les box se déclinent à toutes les sauces. En France, on en recense pas moins d’une trentaine, rien que dans le secteur de la beauté. A l’instar d’Evidence Box, par exemple, qui surfe sur la vogue du bio, du naturel et de l’éthique.

Treatwell, le rendez-vous beauté

Internet a simplifié la prise de rendez-vous. A la manière de l'application La Fourchette pour les restaurants, Treatwell est une place de marché spécialisée dans la réservation de soins de beauté et de bien-être. Rebaptisée en janvier 2016 Treatwell, la jeune pousse Zen Soon a été créée en juin 2012 par Mallorie Sia et Marie Sermadiras, alors étudiantes à HEC. Le rachat par le groupe anglais Wahanda trois ans plus tard a propulsé la start-up française en Europe, puisqu'elle est désormais présente dans onze pays. Cette application est un guide qui recense plus de 1 900 instituts, spas et salons de coiffure partenaires et permet de réserver 24heures sur 24 et 7 jours sur 7 le soin de beauté et bien-être de son choix. Chaque lieu est noté et la méthode de réservation s'effectue directement sur le planning des centres: pratique et intuitif.

Romy Paris , le mini-laboratoire 

Surnommée le «Nespresso de la beauté», la start-up Romy Paris fait sensation avec son appareil à beauté connectée baptisée Figure. Il s'agit d'une machine qui permet de composer soi-même son produit cosmétique. Après cinq années de recherche et développement, Romy Paris opère une véritable rupture technologique dans le marché de la beauté haut de gamme en offrant la possibilité d'ultra-personnaliser sa crème de soin. Concrètement, Figure agit comme un mini-laboratoire qui combine des capsules contenant les principes actifs cosmétiques (antioxydant, anti-âge, protecteur, etc.) aux bases de texture. Une solution qui a notamment l'avantage de réduire les risques de contamination et d’oxydation des formules cosmétiques.

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