Domotique
Les opportunités publicitaires autour des objets connectés qui peuplent la maison sont encore très prospectives. Tout reste à imaginer… Mais déjà, les géants du web poussent leurs pions.

C'est la star des salons high-tech… depuis plus de dix ans. Mais qui possède un smart fridge? Ce frigo intelligent est capable de faire subtilement du placement de produit à partir de recettes composées d’aliments qu’il contient. Si le marché s’accorde sur le fait que les opportunités publicitaires d'une maison connectée sont prometteuses, pour l’heure, les freins sont encore nombreux (lire encadré). «C’est un sujet sur lequel toutes les grandes marques travaillent activement. Il est évident qu’un certain nombre d’objets connectés vont devenir de nouveaux points de contact pour adresser les consommateurs», confirme Muriel Raffatin, directrice marketing de Consumer Intelligence chez Kantar Media. Dès lors, les géants des nouvelles technologies s’affrontent pour devenir l’acteur qui fera converger cet écosystème et, potentiellement, se muer en régie globale de ces nouveaux espaces publicitaires. Plusieurs modèles commencent à se dessiner autour de différents médias ou vecteurs possibles.



Le smartphone

En 2014, Google expliquait: «Nous pensons que la notion même de “mobile” va évoluer à mesure que les dispositifs “intelligents” vont gagner du terrain sur le marché. Par exemple, d’ici quelques années, nous et d’autres sociétés pourrions fournir des publicités et d’autres contenus sur des réfrigérateurs, des tableaux de bord de voiture, des thermostats, des lunettes et des montres pour ne citer que quelques possibilités» (1). Avec son système d’exploitation Android, Google est en effet en première ligne pour piloter la maison publicitaire. «Le smartphone, déjà blindé de data et d’applications, est l’objet idéal pour venir connecter les autres objets», confirme Raphaël Fétique, cofondateur de Converteo, cabinet de conseil en stratégie digitale et data. Du reste, sous Android ou sous IOS, le mobile est déjà le cerveau qui peut commander la chaîne hifi, la télévision, etc. «Interagir avec l’objet lui-même, ce n’est pas tant une recherche que de pouvoir le contrôler à distance. Pour interroger son frigo depuis chez soi, le plus simple est encore d’aller l’ouvrir. En revanche, recevoir des recommandations pertinentes, des promotions depuis son lieu de travail selon le contenu du frigo, est intéressant.» Dans ce scénario, le smartphone reste le vecteur de diffusion de la publicité, mais en fonction des autres objets.



Les boutons

«L’enjeu aujourd’hui serait plutôt de sortir du mobile pour aller directement dans l’objet. La cuisine est un lieu partagé, or les applications sont personnelles», considère Sébastien de la Bastie, directeur général d’Invoxia, fabricant d'objets de télécommunication. En ce sens, les «boutons connectés» ont fait leur apparition sur le marché. À l’instar de Danone, qui a mis en place un dispositif baptisé «Smart Drop», un petit objet en forme de goutte que les consommateurs collent sur leur réfrigérateur, afin de se faire livrer directement des bouteilles d’Evian à domicile. On pense aussi aux «dash buttons» d'Amazon qui permettent de faire ses courses sans se déplacer ni passer commande sur son ordinateur. Ces interrupteurs connectés, capables de commander leurs propres consommables, sont un premier pas vers l’entrée des messages promotionnels dans le foyer.



Les assistants vocaux

Pour aller plus loin, Amazon a introduit sur le marché son enceinte connectée Echo, rapidement suivi par Samsung et ses Smart Things, Google et son dispositif Home, etc. Les assistants vocaux ont le vent en poupe. Pour Sébastien de la Bastie, directement impliqué dans la conception de Triby, l’objet qui intègre l’assistant Alexa d’Amazon, le géant de l’e-commerce est «en bonne position pour truster l’éventuel inventaire publicitaire de la maison. Amazon a réussi à entrer dans le foyer des Français qui consultent sa plateforme depuis leur canapé. Ce qu’un Carrefour ou un Leclerc a encore beaucoup de mal à répliquer». Surtout, Amazon serait sur le point de mettre en service un petit écran sur son enceinte pour offrir la possibilité aux marques de mettre en avant leurs contenus et services. «Il s'agit d'un écran peu intrusif du même type que celui des liseuses, noir et blanc, pas trop agressif, confie Sébastien de la Bastie. En outre, l’interface possède un certain nombre de capteurs de mouvements et permet la collecte de données».

 

La télévision connectée

Orange, qui a lancé son offre phare «Home Live», possède un atout de taille: cette base se branche directement sur la Livebox. «Nous réfléchissons vraiment à faire entrer les box dans l'écosystème des objets connectés. La télévision étant déjà un espace de diffusion publicitaire dans le foyer, il apparaît cohérent de la connecter aux objets», explique Christian Bombrun, directeur divertissement et nouveaux usages chez Orange France. Dès lors, peut-on imaginer, par exemple, un frigo connecté à la box qui enverrait un spot publicitaire à la télévision en fonction des aliments qui manquent? «Je suis très prudent sur la question, insiste Christian Bombrun. Si technologiquement, ce scénario est envisageable, pour l’heure, les limites de l’acceptation du consommateur sont encore à franchir.» En tout cas, Orange se positionne activement sur le sujet de la télévision programmatique (achat d'espace automatisé et ciblé). Entre cibler une personne pour son âge, son sexe, ses centres d’intérêt ou parce qu’il manque des yaourts dans le frigo, il n’y a qu’un pas... 

Chiffres clés

20,8 milliards. Nombre d’objets connectés en circulation d’ici à 2020 dans le monde, selon Gartner.

4 000 milliards de dollars. Montant du marché mondial en 2025, selon Machina Research.

2,8 millions. Nombre de foyers français déjà équipés, selon TNS Sofres-Connected Life 2016.

30. Nombre d'objets connectés par foyer français dès 2020, selon GFK.



Les freins

Les compétences technologiques existent pour constituer un parc d'espaces publicitaires au sein de la maison. Mais plusieurs freins entravent sa faisabilité. Au premier chef figurent bien sûr l’intrusivité de la publicité à domicile. «Nous sommes déjà dans une situation de surpression qui déclenche un rejet de la pub, et le phénomène d’ad-blocking qui en découle, s'inquiète Muriel Raffatin. Attention, la surcouche publicitaire peut même constituer un obstacle à l’adoption des objets connectés. Pour l’heure, il faut se concentrer sur le volet serviciel». La question de la sécurité est également une résistance importante. «Plus on connecte les objets autour de nous, plus on favorise l’échange d’informations entre ces machines si personnelles, plus on a de chances de se retrouver dans des situations peu sécurisées», prévient Raphaël Fétique de Concerteo. Enfin, les objets connectés représentent encore un coût élevé. Il faut par exemple compter plus de 5000 euros pour s’offrir un «Family hub refrigerator» de Samsung.

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