Dossier Médias
Le lecteur connecté offre aujourd’hui une foule de données aux éditeurs médias. De quoi révolutionner les pratiques et les offres de leurs régies. Le point sur les dernières initiatives pour mieux les exploiter.

Les internautes, mobinautes et tablonautes sont devenus des lecteurs incontournables pour la presse écrite, le terreau de leur développement futur. En octobre 2015, ils représentaient près de la moitié de leur audience (voir encadré). Ils ont aujourd’hui toute l’attention de  leurs régies. Les nouveaux usages multi-écrans leur permettent en effet de mieux connaître et de mieux valoriser l’e-lecteur auprès des annonceurs. La data occupe une place centrale dans leurs offres publicitaires. « Elle permet d’affiner le ciblage et d’améliorer la couverture sur les cibles travaillées avec l’annonceur, souligne David Folgueira (photo p. 32), directeur commercial digital de la régie Média Figaro. L’objectif est de mieux répondre aux attentes des clients et d’augmenter la valeur des inventaires. » Approche similaire chez Lagardère Publicité. « La data concerne maintenant le display classique comme les opérations spéciales, précise le directeur général adjoint au pôle digital et presse grand public, Alix Pandrea (photo). Tous les modes de vente, de gré à gré ou programmatique sont concernés ».

L’éclosion des DMP

Si l’accumulation de données sur les internautes fréquentant les sites de presse ne date pas d’hier, leur exploitation réelle est plus récente. « Le Monde a été le groupe média précurseur en France, revendique Corinne Mrejen, présidente de M Publicité–Régie Obs (photo). Dès 2012, la régie a construit la data management platform (DMP) du Groupe. La première approche était centrée sur la collecte, l’analyse, la segmentation et l’activation des données first party. » Autrement dit, toutes les informations transmises par les abonnés, ainsi que celles laissées par les internautes durant leurs passages sur les sites. Quatre ans plus tard, la data concerne, selon la dirigeante, 10 % du chiffre d’affaires réalisé dans le numérique. Avec par exemple 25 campagnes au quatrième trimestre 2015 durant lequel la régie a déployé la plate-forme de Weborama pour enrichir la qualification de ses audiences avec des données d’intentionnistes. Un parti pris adopté par Les Échos Médias, qui a, en 2013, élaboré sa propre DMP avec trois objectifs : publicitaires pour les annonceurs ; marketing pour le recrutement ou la fidélisation d’abonnés et éditorial pour travailler les contenus. « L’an dernier, les publicités associant de la data ont représenté 20  % du chiffre d’affaires digital et 13 % du volume globale des campagnes réalisées », souligne Béatrice Lhopitallier (photo p.32), directrice data du groupe. Cette exploitation, créatrice de valeur, est envisagée sur L’Équipe. Elle sera dupliquée en 2016 sur Le Parisien au sein de la régie Team Media.

Une approche content data

Mais, pour ce qui concerne les intentionnistes, « un éditeur n’aura jamais de données aussi fines que celles des GAFA et des opérateurs de e-commerce, nuance Renaud Grand-Clément (photo p. 30), directeur général adjoint de 20 Minutes France. Avec 60 % de notre audience mobile via Facebook, une partie des données se trouve dans les réseaux. » D’où une approche privilégiant d’abord « le content data, c’est-à-dire la constitution de communautés larges d’individus à travers la création de contenus, comme le high-tech, précise le dirigeant commercial. Mais aussi des contenus très spécifiques, qui vont permettre de constituer une communauté sur une problématique très particulière ». 20 Minutes a réalisé par exemple de l’éditorial sur le diabète afin de repérer des internautes potentiellement intéressés par le produit d’un laboratoire.

« Nous parlons de co-création, explique Renaud Grand-Clément. Avec son propre contenu, on mesure mieux l’engagement. » Lagardère Active Publicité est adepte de cette démarche, qui a « une double vertu, selon Alix Pandrea. Elle augmente, d’une part, la diffusion des campagnes sur des environnements performants ; et d’autre part, l’audience de segments pertinents ». Conséquence : la régie de Paris Match et Elle a d’ores et déjà réalisé une cinquantaine de campagnes basées sur les données. Objectif 2016 : atteindre 15 à 20 % du chiffre d’affaires. Quant au Figaro où l’on s’enorgueillit de tout faire en interne pour garantir la qualité des informations recueillies (qualification de la donnée, diffusion, protection des datas...), la trentaine d’opérations publicitaires exploitant chaque semaine les données de la plate-forme créée il y a maintenant deux ans fournirait déjà aux environs de 30 % de l’activité digitale. Une proportion qui risque de progresser avec l’acquisition et l’intégration de CCM Benchmark début 2016.

Pratiques responsables

Dans ce contexte, les structures commerciales ont développé plusieurs types d’offres, soit standardisées soit construites sur mesure. À l’instar de Prisma Média, qui propose « un ciblage socio-démographique et comportemental, avec une centaine de segments disponibles en vente directe et programmatique ; et le “lookalike” ou “jumeaux statistiques” qui permet de créer des cibles ad hoc pour les clients, détaille Karine Rielland-Mardirossian (photo), la directrice déléguée digital. Grâce à la pose d’un tag sur le site de l’annonceur, nous scannons le profil des visiteurs pour aller chercher des profils similaires sur nos marques et commercialiser des inventaires ciblés sur le fixe et/ou par du reciblage et de l’emailing. » Cette dernière démarche, ainsi que le croisement avec les bases de parties tiers (agences médias, trading desks…) se généralise progressivement sur le marché. « L’avenir est davantage dans ces logiques, proches de l’opération spéciale », estime Béatrice Lhopitallier (photo).

Mais l’utilisation des données demande d’adopter des pratiques responsables. « Il faut une transparence totale dans la création de segments. En indiquant par exemple à l’annonceur si nous utilisons de la donnée déclarée, observée ou récupérée ailleurs, insiste la directrice data du groupe Les Échos. Et l’échange de datas doit être utilisé uniquement dans l’objectif assigné au départ, il ne doit pas faire l’objet de détournement. » Une intention louable, actuellement discutée au sein du Syndicat des Régies pour être formalisée.



46% de lecteurs digitaux

D’après la dernière étude One portant sur octobre 2015, ils  contribuent déjà, via leurs écrans, à 46 % à la lecture des titres. Et, « pour 100 lecteurs sur le print, le digital apporte en moyenne 52 lecteurs supplémentaires », ajoute l’enquête trimestrielle de l’Alliance  pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM). Tout en précisant  que « l’ordinateur reste le moyen privilégié », mais que « les lectures  sur les supports de mobilité représentent 46 % des lectures numériques,  un chiffre en constante progression ».

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