Dossier
Corporate. Certains le prédisaient en déclin, mais le réseau social d’entreprise poursuit sa croissance au sein d’entreprises en quête de transformation numérique. De nouvelles offres, de Facebook à Slack, pourraient faciliter son utilisation.

Attention, la concurrence n’a qu’à bien se tenir. Le marché des Réseaux Sociaux d’Entreprise (RSE) compte un nouvel intervenant : Facebook At Work. L’américain teste sa nouvelle offre dans une trentaine de sociétés en France dont Lagardère et Century 21. «  Il dispose de sérieux atouts pour rattraper son retard, affirme Julien Codorniou, son directeur des partenariats globaux. Non seulement, il est doté de la même architecture que sa version grand public à laquelle 1,5 milliard de Terriens sont déjà familiarisés, mais il propose à ses clients de ne facturer que les membres actifs. Et ce à raison de quelques euros par salarié et par mois ».

Indispensable

L’offensive de Facebook n’est que la dernière manifestation de l’intérêt que suscitent les RSE, un marché sur lesquels se positionne une bonne trentaine de solutions, dont une dizaine à fort potentiel telles que Bluekiwi, Yammer, Chatter et surtout Slack. Cette dernière qui compte déjà plus d’un million d’utilisateurs dans le monde a réalisé une percée récente grâce à sa praticité : Slack offre sur une même plate-forme des outils de messagerie instantanée, d’archivage et de recherche de contenu. Ou encore la possibilité d’y intégrer de nombreuses applications externes type Google Drive, Dropbox ou Twitter. Qui plus est, Slack a été conçu pour s’adapter à tous les écrans du smartphone au PC. Enfin, il a adopté une stratégie freemium pour accélérer son développement : l’entreprise paie à partir d’un certain niveau de consommation un abonnement mensuel de quelques euros par salarié.

Les 58 % des grandes entreprises qui disposent déjà d’un Réseau Social d’Entreprise (RSE), les 26 % qui envisagent de s’en équiper et les 2 % qui ont un projet en ce sens ont donc l’embarras du choix pour ce qui est des solutions. Ces chiffres tirés de l’étude 2016 de Lecko, cabinet de conseil pour la transformation numérique, prouvent une chose : pour la majorité des grandes organisations, il ne s’agit plus de savoir s’il faut déployer un réseau social, mais quand, comment et à quelles fins. Et celles qui persistent à bouder cette innovation prennent des risques, avertit Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub Institute, un think tank digital. « Si vous ne mettez pas en interne ce service à disposition des salariés, ceux-ci seront tentés de communiquer par des outils

externes grand public moins sécurisés ».

Si les RSE deviennent indispensables, c’est parce qu’ils accompagnent la transformation numérique des entreprises, sujet phare du moment. Leur promesse : mobiliser l’intelligence collective en décloisonnant la communication interne et en révolutionnant la manière dont l’information circule dans l’entreprise. Le salarié confronté à un problème cherche d’abord une réponse dans sa communauté. S’il ne trouve rien, il le soumet à un cercle interne plus large. Libre à quiconque de l’aider. Une fois mise en ligne, la réponse qui peut être évaluée par les utilisateurs enrichit la base de connaissances de l’entreprise à laquelle tous les collaborateurs ont accès. Mutualisation, partage, enrichissement en continu des savoirs et expertises constituent les fondements de tout RSE qui se respecte.

Intelligence collective

Le développement de ces outils se heurte cependant à plusieurs obstacles. Certains salariés réduisent les réseaux sociaux à leur dimension loisirs et personnelle. Ils doutent de leur utilité sur le lieu de travail. Ainsi, si d’un côté le nombre d’entreprises équipées augmente : 80 % des sociétés du CAC 40 disposent d’au moins un RSE en 2014, contre 70 % en 2013 selon l’étude Lecko 2016. De l’autre, les fréquences d’utilisation demeurent assez basses : seulement 25 % des managers utilisent le RSE tous les jours. Ensuite, les RSE peinent à s’implanter dans certains univers. « Tout dépend de la capacité d’une organisation à transformer sa culture pour créer plus de transversalité et d’intelligence collective. Dans le contexte actuel, c’est plus difficile dans les administrations. D’autant qu’elles souffrent de restrictions budgétaires », analyse Arnaud Rayrole, Président de Lecko. Au sein même des multinationales, le taux d’utilisation varie en fonction des filiales et métiers : les salariés qui exercent une activité pointue dans des filiales distantes de la maison-mère ressentent plus le besoin d’échanger avec des collègues géographiquement éloignés que ceux qui peuvent trouver des réponses dans le bureau d’à côté. Enfin, certains secteurs avancent avec prudence pour des raisons qui tiennent à la culture hiérarchique, à des contraintes réglementaires spécifiques type

délits d’initiés pour les banques, ou à la crainte de fuites dont profiterait la concurrence. Pour surmonter ces obstacles, les directions doivent s’impliquer dans le dossier, faire preuve de pédagogie ou de savoir-faire. Au Crédit Agricole SA, le réseau social d’entreprise, testé pour le moment sur la communauté interne mondiale de 5 000 informaticiens, sort d’une approche purement professionnelle. «  Après deux ans d’existence 50 % des collaborateurs concernés sont devenus membres de cette plate-forme. 10 % à 15 % sont actifs au moins une fois par mois dans l’un de ses 180 forums de discussion ». La plupart sont à vocation professionnelle, « mais nous n’interdisons pas de partager des centres d’intérêt personnels comme le sport. Une fois qu’ils ont noué le contact en ligne, les salariés sont plus motivés pour s’entraider », constate Daniel Azais, animateur de la Ligne Métier SI de Crédit Agricole SA. Le marché

attend maintenant les premiers retours d’expérience de l’implantation des réseaux type Facebook et Slack.

Orange : 1 000 nouveaux membres par semaine

 

Pionnier en matière de RSE, Orange a créé dès 2010 Plazza, un réseau maison accessible à l’ensemble des 154 000 salariés dans le monde. Parmi les 27 870 inscrits, 30 % sont considérés comme actifs car ils postent, likent ou partagent des contributions en 20 langues au moins une fois par mois. Bien que

ce taux de 30 % d’inscrits actifs soit satisfaisant au regard de la moyenne, Orange entend aller au-delà avec sa nouvelle version plus ergonomique accessible via mobile. « Plazza gagne 1 000 nouveaux membres par semaine. Il devrait compter 50 % d’actifs d’ici à 2018 », espère Ziryeb Marouf, Directeur des applicatifs

RH Groupe et réseaux Sociaux d’Orange. L’outil proposait début février 91 000 communautés d’entraide de toutes tailles traitant de tous les sujets : expérience client, télétravail, fibre optique, ressources humaines... Et les flux commencent à être conséquents : d’octobre à janvier 2015, les salariés qui ont posé

sur Plazza 15 000 questions, ont obtenu 6 200 réponses jugées utiles.

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