Portrait
Atypique par nature, Elisabeth Quin, journaliste du 28 minutes d’Arte, s’est créé une place à part dans le monde de la télévision en faisant de son exigence de qualité un plaisir partagé en première partie de soirée.

Depuis sept ans, elle fait du magazine d’actu d’Arte 28 minutes un rendez-vous où la pertinence et l’impertinence cohabitent intelligemment. Sans l’ombre d’un élitisme. À son image, en fait. Loin de l'image de diva un peu raide que certains pouvent avoir. « Je n’ai aucun égo. Je suis une vieille bourrique qui en a vu d'autres », tranche-t-elle, indifférente aux clichés. Ceux qui la côtoient démentent cette idée préconçue. Et saluent la cheffe de bande : « C’est un bonheur de travailler avec elle, soutient Renaud Dély, son chroniqueur-joker et animateur de l’émission du samedi. Elle est vive, rapide, avec un grand sens de la répartie, très impliquée dans ce qu’elle fait et faisant la part belle à son équipe. Si je devais lui concéder un défaut, ce serait l’exigence, envers elle-même... Et si elle n'est pas contente en fin d'émission, on le sent tout de suite. » « Elle est l'une des personnes les plus faciles avec lesquelles j’ai eu à travailler, complète Renaud Le Van Kim l'un des créateurs du format. Intelligente, cultivée, elle a un ton singulier. Lorsque je l’ai rencontrée pour lui proposer l’émission, après avoir vu cinq autres candidats, elle était encore spécialisée en cinéma. Je lui ai demandé si elle pourrait abandonner les projections et les festivals de ciné pour s’immerger dans les revues de presse dès 6 heures du matin. Elle a dit “banco”. » Sept ans plus tard, le 23 novembre 2018, l’émission frôle le million de téléspectateurs et affiche 700 0000 personnes et 2,6 % de PDA à 20h en moyenne, quand la concurrence fait rage.

Petite annonce, grands effets

Comment parvient-elle elle à émerger ? « En étant une femme de 55 ans, je tranche par rapport au biotope de la télé, s’amuse-t-telle. Et je n’ai plus la problématique de m’imposer à n’importe quel prix ». Mais l’a-t-elle jamais eue ? Son enfance confortable de fille unique dans le 7e arrondissement, auprès d’une mère issue de la bourgeoisie compassée de province et d’un père plus fantaisiste aux racines écossaises l'incite à s’immerger dans la littérature. Elle décrypte les racines de la comédie humaine chez Dumas, Tolstoï, Sylvia Plath avant de se passionner pour « le vaste zoo humain, pathétique et merveilleux ». Mais c’est une petite annonce dans Libé qui change sa vie. Une radio associative, « Ça bouge dans ma tête », cherche une animatrice. Avec « un mélange de manque de confiance total en soi qui devient du culot », elle se présente sans expérience à ce qui deviendra Oüi FM. « Mon interlocuteur était un branquignol comme tous ceux avec qui j’ai travaillé, à commencer par Jean-François Bizot à Radio Nova. Ils se sont tous bien gardés de me formater ou de me dire ce qu’il fallait faire. Tout cela s’est fait dans une liberté totale parce qu’on était sur des antennes alternatives. » Elle apprend sur le tas et s’impose par son travail précis, ses convictions et cette aisance intellectuelle et verbale qui font son style : « Elle a extrêmement bien mené sa barque sans jamais trahir ce qu’elle aimait faire » confirme François-Pier Pélinard-Lambert, rédacteur en chef au Film français, alors chroniqueur sur Nova.

En pleine lumière

« Pour remplir des quotas de cinéma, Paris Première m’a ensuite demandé de faire des commentaires critiques en voix off sur des images de bandes-annonces. Jusqu’à ce que, catastrophe, la chaîne ait assez d’argent pour acheter des caméras. J'ai donc continué en apparaissant à l’antenne et j’ai gardé mes lunettes ». Elle participe ensuite à Rive Droite Rive Gauche, Le Masque et la Plume, Rapp Tout (de Bernard Rapp), Ça balance à Paris et son émission dédiée CinéQuin. Elle y rencontre son meilleur ami, Philippe Tesson, avec lequel elle partage la même clairvoyance mâtinée d'une tendresse impitoyable pour ses congénères. Vingt cinq ans après ses débuts, celle qui ne se regarde toujours pas à la télé voit le sujet de sa vue prendre une place prépondérante dans sa vie. Après quatre romans, elle signe un essai La nuit se lève chez Grasset. Où elle révèle souffrir d’un double glaucome pour « faire parler de cette maladie trop absente dans les médias ». À la voir éblouie par les variations d’intensité lumineuse, dans les loges du 28 minutes, on mesure la vigueur du mal qui la ronge. « J’espère rester à la tête du 28 Minutes tant que mes yeux me le permettront. » Elle retrouvera peut-être ensuite la radio, cette caverne d’où elle aime faire parler les autres. « Parce que je suis plutôt une petite souris du genre timide. Une bonne fille... mais il ne faut pas m’emmerder. »

Parcours

1963. Naissance à Paris

1986. Premier pas sur «Ca bouge dans ma tête»

1990. Paris Première

2006. Début de sa collaboration avec Madame Figaro.

2009. Chargée de mission pour les industries de haute couture et du prêt-à-porter par Christian Estrosi, ministre de l'Industrie

Depuis 2012. Présentatrice du 28 minutes, sur Arte.

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