Formation
Alors que le Conseil d’analyse économique rappelle, dans une note publiée le 10 octobre, l’importance de la confiance, de la coopération et de l’autonomie dans la réussite scolaire, le succès de la méthode développée par Simplon.co pourrait bien préfigurer l’éducation de demain. Explications de son président, Frédéric Bardeau.

Après cinq ans d’existence, où en est Simplon.co?

Frédéric Bardeau. Nous avons trouvé notre modèle économique. Nous avons franchi le premier stade critique et entrons dans la phase de consolidation, de structuration et de poursuite de la croissance. Nous enregistrons une croissance de 100 % par an depuis notre création. Nous avons actuellement 150 salariés, nous formons environ 1000 personnes par an, à travers 40 écoles et notre chiffre d’affaires se situe entre 9 et 10 millions d’euros. Dans un an, tous ces chiffres auront presque doublé. Nous avons déjà beaucoup d’écoles hors de France. Nous sommes déjà présents dans sept pays: Espagne, Belgique, Algérie, Maroc, Sénégal, Côte d’Ivoire et Gabon. C’est un développement que nous n’attendions pas car le modèle de financement est forcément différent. Nous allons ouvrir une école dans un camp de réfugiés du HCR situé à la frontière libano-syrienne. Nous sommes en train de traduire toute notre documentation en anglais. Nous avons déjà un projet en Inde.

 

À qui s'adresse vos formations?

Simplon a pour mission de créer des écoles présentielles gratuites qui forment en six mois à différents métiers du numérique des personnes éloignées de l’emploi dans des territoires défavorisés: des décrocheurs, des demandeurs d’emploi de longue durée ou des réfugiés. Nous formons aux langages de programmation pour le web (PHP, Java, Python, etc.) ou pour le mobile (Swift), à l’intelligence artificielle [IA], à l’IoT [Internet des objets] et à la cybersécurité. Notre pédagogie s’inspire des bootcamps américains. C’est une pédagogie intensive, une immersion permanente dans l’informatique, avec une courbe d’apprentissage assez forte. Au bout de six mois, les personnes formées ont un niveau III, de niveau bac+2, équivalent à un BTS ou un IUT.


Peut-on devenir un expert de l'intelligence artificielle en six mois?

Pour les formations à l’IA, il faut avoir déjà avoir des bases en programmation, en mathématiques et en statistiques, ou avoir déjà suivi une autre formation. On ne peut pas partir de zéro comme dans la cybersécurité où nous formons des techniciens chargés de la protection des serveurs ou des postes utilisateurs avec l’installation de firewall ou d’antivirus. Dans un deuxième temps, il est possible de les former à la cybersécurité web s’ils ont des notions de programmation web. Les formations à l’IoT restent rares dans le système de formation classique. C’est une matière optionnelle dans certains CFA ou dans les troisièmes cycles, mais cela reste ponctuel ou embryonnaire. Chez Simplon, c’est un cursus inclusif tourné vers les métiers techniques. Les personnes formées sont en mesure d’installer des bornes Sigfox ou Lora, de les paramétrer et de les configurer.

De quels résultats pouvez-vous vous prévaloir?

Parmi nos trois principaux publics, les décrocheurs, les réfugiés et les demandeurs d’emploi de longue durée ou en reconversion, plus de la moitié ont un niveau de formation égal ou inférieur au baccalauréat. Nous avons aussi 38% de femmes et 7% de personnes handicapées. Six mois après leur formation, 77% ont trouvé un emploi, et le taux atteint les 85% au bout d’un an. Cela tient à la pénurie actuelle sur ces métiers mais aussi à un changement de mentalité des employeurs. Ils ont compris que ces postes ne réclament pas un niveau d’ingénieur et il y a aussi une montée en puissance des questions liées à la diversité et à la RSE, ce qui vient encore favoriser une plus grande ouverture à des profils comme ceux que nous formons.


Quelles sont les principaux obstacles?

Le financement reste la difficulté majeure. Pour l’instant, nos principaux bailleurs de fonds restent Pôle Emploi, les OPCA et les régions. Sur 100 euros de financement, environ 35 euros proviennent de subventions et du mécénat, y compris privé. 40 euros, des fonds de la formation professionnelle. Le reste provient de notre modèle de franchise. Environ 60 % des 40 écoles sont des franchisés qui nous reversent une franchise. Nous avons aussi deux autres vecteurs de revenus complémentaires. Nous embauchons une partie des personnes formées pour fournir à l’extérieur des services (construction de sites web) et nous formons aussi des salariés qui sont en difficulté sur le numérique. Ce dernier point est intéressant dans la mesure où ce type de formation est de 4 à 6 fois mieux financé que les cursus pour les personnes sans emploi.


En quoi consiste le modèle open source que vous avez lancé il y a deux mois?

Nous avons lancé notre modèle en open source pour pallier l’inconvénient du modèle de franchise existant. Il permet d’augmenter le nombre d’écoles mais la quittance dont les opérateurs doivent s’acquitter reste trop élevée pour beaucoup de ceux qui veulent monter une école Simplon. Nous avons donc mis en open source tous les éléments qui constituent notre modèle. Nous avons créé une toolbox avec plus de 150 documents qui résument toute l’ingénierie, les processus, le cadre logique, les plannings, les modèles de budget, etc. N’importe quel opérateur peut utiliser ces documents et monter une école Simplon, à condition de respecter notre « code social », c’est-à-dire que les formations proposées doivent être gratuites, s’adresser à des publics défavorisées et éloignés de l’emploi, etc. Il ne s’agit pas de laisser des opérateurs utiliser notre méthode pour aller faire du business en formant des salariés. Ce système en open source est formalisé par un contrat, une licence à réciprocité, par lequel l’opérateur qui crée une école Simplon s’engage à respecter notre « code social ». C’est un contrat qui s’inspire des Creative Commons mais qui dépasse les limites propres à ce type d’outil en introduisant de nouveaux critères sur le coût des formations et les publics visés, notamment.

 

Les évolutions actuelles vont-elles favoriser votre développement?

La réforme de la formation professionnelle aura un impact positif car les 15 milliards d’euros du PIA (Plan Investissement Avenir) sont très fléchés sur le numérique et les publics dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat. La monétisation du CPF (compte personnel de formation) peut aussi nous favoriser car les gens seront en mesure de nous choisir et de nous financer directement. De même, la transformation des OPCA en OPCO peut avoir un impact positif car elle va recentrer ces organismes sur leur rôle d’orientation et d’ingénierie des formations.



 





Dates clés

2013
Création de Simplon, inspiré des bootcamps de la Silicon Valley, par Frédéric Bardeau, Andrei Vladescu-Olt et Erwan Kezzar à Montreuil. Il s'agit d'une version française plus « inclusive » et gratuite, recrutant des profils plus diversifiés.

2014
Simplon crée des structures dans les quartiers prioritaires ou ruraux et obtient l’autorisation de délivrer le certificat de qualification professionnelle (CQP) de « développeur nouvelles technologies ».

2016
Après la Roumanie en 2014, Simplon s’implante à Bruxelles, au Liban, en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud. Une seconde levée de fonds attire d’autres partenaires (France Active, la CDC, Phitrust, Inco, Aviva, Crédit Coopératif, Amundi et Mirova).

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