création
Ils ont moins de 30 ans, mais ont déjà des dizaines de pitchs au compteur. Les trucs de ces serial-présentateurs qui doivent convaincre des investisseurs de les soutenir.

Le rendez-vous était donné presque en face de l'Olympia, temple du music-hall ou des centaines de stars ont fait leur début. Un clin d'œil? En tous cas le public était au rendez-vous dans l'auditorium Cambon pour assister au pitch de huit jeunes, accompagnés par l'accélérateur de start-up de Microsoft, le jeudi 13 novembre dernier. Dans la salle, des investisseurs et des journalistes. Il faut dire qu'il y avait un invité de marque: Satya Nadella, le CEO de Microsoft. Une pression supplémentaire pour les huit entrepreneurs devant monter sur scène pour présenter leur start-up, dans la langue de Shakespeare. «Nous leur demandons d'intervenir systématiquement en anglais car nous cherchons à accompagner des entreprises qui se développeront à l'international, avec un business en anglais», dit Roxanne Varza, responsable des programmes d'accompagnement start-up chez Microsoft.

Pour de nombreux jeunes, la découverte du pitch commence aujourd'hui dès les études. De plus en plus d'écoles prévoient des coachings à la prise de parole en public, certaines écoles ou universités instaurent même des concours de pitchs. Et puis les rendez-vous Ted X s'invitent sur les campus, comme récemment le Ted X HEC Paris ou le Ted X Em Lyon, et promeuvent la «pitch mania». Tous les jeunes qui veulent s'orienter vers la création d'entreprise (et ils sont de plus en plus nombreux) savent qu'ils doivent progresser en éloquence. «Quand on présente son entreprise devant un investisseur, même si le business model tient la route, il faut susciter l'envie: leur prise de décision est très émotionnelle», constate Phil Waknell, à la tête d'Ideas on stage, spécialisée dans le coaching des entrepreneurs (de l'ex Camping, de Microsoft Ventures ou Danone for entrepreneurs).

Sport de haut niveau

Parmi ces jeunes «pitchers» de l'écurie Microsoft il y a Matthieu Leventis, 27 ans, président d'Airdoc Solutions (une entreprise qui remplace les brochures papier sur les salons par un pack de communication numérique, grâce à un bracelet connecté): «A l'école (Polytechnique) j'ai assisté à quelques ateliers de prise de parole en public et une fois à du mediatraining, dit-il. Quand j'ai créé mon entreprise il y a deux ans, j'ai dû prendre très vite l'habitude de pitcher. Mais j'aime beaucoup: j'ai besoin d'incarner le projet, de le représenter, j'ai l'impression de le faire avancer. Il y a une question de vocabulaire business en anglais, il faut savoir faire des phrases “impactantes” et marketing.»

Durant les trois mois où ils sont dans l'accélérateur Microsoft, les créateurs sont beaucoup coaché: «Chaque semaine, il y a une répétition du pitch, détaille Roxanne Varza. On travaille beaucoup sur le story-telling en anglais.» Philippe Wagner et sa société Captain Contrat (simplification des documents administratifs des PME) sont actuellement dans l'accélérateur de Microsoft, mais le baptême du pitch est pour lui beaucoup plus ancien: «Quand j'étais à HEC Entrepreneur, nous avons dû faire quatre missions et à chaque fois il a fallu les présenter, un exercice proche du pitch où l'on apprend à convaincre, relate Philippe Wagner. Et avec Microsoft nous avons été préparés par Ideas on stage, un accompagnement qui va jusqu'au choix des polices les plus percutantes pour le Powerpoint.»

L'entrepreneur a d'ailleurs fait partie des lauréats du concours de pitchs «Web today». «Je trouve qu'il est plus facile de donner envie et de convaincre en anglais qu'en français», poursuit Philippe Wagner. Mais attention, pitcher c'est comme pratiquer un sport de haut niveau, il suffit de s'arrêter quelques semaines pour voir ses capacités baisser brutalement: «J'ai recommencé après neuf mois sans pitch, et c'était une catastrophe, confirme Matthieu Leventis. En plus, à force de pratiquer le pitch, on se rend compte des phrases ou idées qui ont de l'effet sur les gens, ou pas. Donc il faut pratiquer régulièrement et être en forme.» Un sport intense et bref: le pitch dépasse rarement les 5-6 à minutes.

Ce jeudi 13 novembre, un écran avec un chronomètre indique aux présentateurs que le temps des pitchs est terminé. Après les jeunes pitcher, c'est au tour de Satya Nadella, le patron de Microsoft de monter sur scène et il ne peut s'empêcher un petit conseil aux entrepreneurs: «Le secret du succès des entrepreneurs: ils doivent être une source d'énergie constante pour leurs équipes.» Et le pitch a aussi cette vocation, vis-à-vis de l'interne, de ses propres collaborateurs: galvaniser les troupes.

 

Focus. Les 5 erreurs à éviter (selon Phil Waknell, Ideas on stage)


Oublier l'équipe. Un fond investit dans une équipe plus que dans un projet. D'ailleurs un investisseur va préférer une excellente équipe avec une idée moyenne, car il sait que ce n'est pas toujours la première création d'entreprise qui va réussir. Dans la Silicon Valley, les créateurs d'entreprise évoquent toujours leur équipe en début de pitch.
Parler trop vite. Le grand péché des présentateurs (surtout les jeunes), c'est qu'ils s'expriment trop rapidement. A fortiori s'ils s'expriment en anglais. Il faut faire en sorte de parler lentement, clairement, car le public francophone doit bien comprendre.
Manquer de passion. Ce qui est absent de beaucoup de pitch, c'est la passion de l'entrepreneur. On doit sentir qu'il est motivé et croit en son équipe.
Omettre de demander de l'argent. Trop souvent, les entrepreneurs ne sont pas assez clairs sur leurs prétentions: il faut demander de l'argent, êtres limpides sur le montant demandé et les échéances.
Utiliser le verbe anglais «to focus». La prononciation par des Français de certains termes anglais peut être catastrophique. Evitez par exemple le verbe «to focus», mal prononcé, il fera sourire votre public anglophone... qui comprendra «fuck us». Préférez-lui «to concentrate».

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.