«Quand mes clients me demandent de travailler par courriel, j'ai l'impression de revenir à l'âge de pierre!» Pour Sophie Callies, fondatrice de la société de conseil en marketing So Xperts, la cause est entendue: plus elle échange via les réseaux sociaux, mieux elle se porte. À l'instar de Sophie, de nombreux cadres délaissent leur messagerie électronique. Près de trente ans après son invention aux États-Unis, serait-elle menacée d'extinction?
Première certitude, la cote des réseaux sociaux ne cesse de grimper: le nombre d'adeptes de Viadeo, Linked in, Twitter ou Facebook explose, selon la dernière étude Ifop. Quelque 71% des internautes déclarent être membre d'au moins un réseau social en ligne. S'il n'y a pas encore d'indicateur sur l'usage des réseaux sociaux d'entreprise, leur montée en puissance est indéniable. Et se fait au détriment du courrier électronique.
«Le courriel arrive à saturation, juge, un brin définitif, Damien Douani, responsable marketing de Bluekiwi, éditeur d'un logiciel de réseau social d'entreprise. Pour qu'Intel en vienne à interdire l'envoi de messages le vendredi, c'est vraiment qu'il y a un problème. Les sociétés réalisent qu'il n'y a pas que le courriel dans la vie et cherchent de nouvelles solutions pour traiter l'information.» Elles se tournent alors naturellement vers les réseaux sociaux internes.
Accro depuis deux ans, Sophie Callies incite systématiquement ses clients à basculer sur un tel outil. «Je commence par créer un groupe projet en ligne, et la plupart des échanges se déroulent sur cette plate-forme via des posts», explique-t-elle. Résultat, la taille de sa boîte de réception a fondu de 50%, soit 50 à 60 courriels quotidiens en moins. Chez Lyonnaise des eaux-Suez Environnement, la cellule de veille du groupe publie désormais toutes ses informations uniquement sur ces plates-formes. Fini le courriel interne.
Plus rapides et moins formels
Mais qu'ont-ils de plus, ces réseaux internes? «La présentation sous forme de blog et le classement thématique donnent une vision d'ensemble d'un sujet. Et le moteur de recherche intégré permet de retrouver plus facilement une information», vante Damien Douani.
Ces réseaux sont aussi plus simples et plus véloces pour partager des documents. Du coup, quand les échanges s'intensifient, avec plusieurs interlocuteurs sur un même sujet, le réseau social interne remplace avantageusement 50 «Répondre à tous».
Le courriel est aussi plus intrusif, selon Fabrice Poiraud-Lambert, responsable des systèmes d'information collaboratifs du groupe Lyonnaise des eaux-Suez Environnement. «Dans nos 25 communautés, les salariés sont libres de réagir aux sujets postés. Ils sont plus décomplexés que s'ils s'exprimaient via la messagerie.»
Le paradoxe, c'est que la mise en place d'une plate-forme d'échanges internes commence souvent par générer un surcroît de courriels! Pour inciter les collaborateurs à se rendre sur leur plate-forme en ligne, il faut leur envoyer une notification à chaque nouveau «post»… Chez Lyonnaise des eaux-Suez Environnement, où 60% des collaborateurs sont toujours sur le terrain, ces alertes sont indispensables: «Nous sommes obligés de les prévenir sur leur PDA, sinon ils perdraient l'habitude de se connecter au réseau.»
Du coup, tant qu'un réseau social ne se sera pas imposé comme le standard incontournable des échanges professionnels, le courriel gardera un bel avenir, car il restera le plus petit dénominateur commun entre tous les salariés.