Formation
Des campus connectés, des lieux repensés, des pédagogies modifiées, voire «disruptives»… Le numérique fait souffler un vent nouveau dans les écoles de communication et de marketing.

Ils poussent comme des champignons, sont multicolores, ultraconnectés… Les campus numériques sortent de terre un peu partout dans les écoles de communication et les formations au marketing. Il ne s’agit pas seulement d’installer de la fibre, des équipements numériques derniers cris et de repeindre les murs, la transformation est plus profonde: créer des espaces qui correspondent au mode de collaboration dans le digital. Plus de travail en mobilité, davantage d’espaces collectifs, des salles de «design thinking»… Voilà l’une des tendances fortes dans les écoles, tout comme le lancement de nouveaux programmes, la multidisciplinarité ou encore la classe inversée.

A Paris, Lille, Toulouse, entre autres, le mouvement est le même: les campus deviennent numériques. Ce sera le cas pour la nouvelle école W, qui forme au contenu, créée par le CFJ (Centre de formation des journalistes), et qui emménagera à la rentrée prochaine dans un immeuble flambant neuf, rue du faubourg-Saint-Antoine dans le XIIe arrondissement parisien. Le CFJ devrait s'y installer également. Même scénario à l’Iscom Paris, qui a repensé ses deux bâtiments (Paris IXe et Levallois-Perret). L’Iseg (Ionis Education Groupe, qui comprend aussi Sup Internet, E-art Sup…) vient d’inaugurer deux nouveaux campus, à Paris et Toulouse. L’Efap, qui a ouvert en octobre 2015 son MBA Digital Marketing & Business (en partenariat avec le Hub Institute), a choisi d’installer ses étudiants lillois au sein du parc Euratechnologies, qui héberge des start-up. Et dans leurs locaux franciliens, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), l’Efap et l'EFJ ont investi plusieurs centaine de milliers d'euros dans une newsroom, un studio TV-radio… Le réaménagement des campus correspond à de nouvelles façons d’étudier. «Il nous fallait disposer d’un nouveau lieu avec des salles de créativité, de design thinking, car tout le monde travaille en mode projet», explique ainsi Julie Joly, directrice de l’école W et du CFJ. L’immeuble haussmannien de la rue du Louvre ne correspondait plus à un mode de fonctionnement devenu collaboratif.

Innovations pédagogiques

A noter aussi, l’émergence de nouvelles pratiques pédagogiques. Par exemple dans le mastère spécialisé Stratégie digitale de Grenoble Ecole de management (GEM), un système de classe inversée a été mis en place. Dans ce programme, baptisé «Digital-me-up», ce sont les étudiants qui s'organisent et en quelque sorte font classe via un blog, en anglais, qu'ils alimentent en contenus. Des étudiants de l'école partent aussi en voyage d’études durant une semaine dans la Silicon Valley. Les écoles privilégient également les cas d’études réels, plus motivant pour les étudiants: «Nos étudiants répondent à des briefs d’annonceurs dans des domaines comme la stratégie réseaux sociaux, le développement d’applications, explique Arnaud Colleu, directeur de l’ECS Paris. A la fois sur des problématiques stratégiques et d’exécution. Ils doivent être capables d’aller jusqu’à créer le site, l’application. Ils présentent le résultat de leur travail lors de “talent days” devant des recruteurs et des annonceurs.»

De nouvelles matières font leur apparition dans les campus: «Nous avons créé le cours “Géostratégie et géo-économie du digital”, détaille Yann Gourvennec, responsable du mastère spécialisé Stratégie digitale de GEM. Comme la pratique du web diffère selon les pays, langues, réglementation, etc., l’idée est de comparer les projets en Chine, au Canada, en Europe du Nord…» Au sein de l’Efap aussi, la mode est à l’imagination de l'enseignement: «Sur les 450 heures de cours annuels, il y en a 50 non programmées en début de saison, cela me permet d’ajouter des thèmes, note Vincent Montet, directeur du digital de l’Efap et du MBA Digital Marketing & Business. Ainsi, j’ai créé un cours sur le Blockchain [base de données contenant toutes les transactions effectuées dans une crypto-monnaie, par exemple Bitcoin] début décembre 2015, parce que j’ai senti que le sujet était en train de monter.»

Former des stratèges

Originale également, la démarche d'Audencia avec son programme New School: il s’agit d’inventer des programmes pédagogiques disruptifs. L'école nantaise lancera chaque année un appel à projets international pour développer ces nouveaux programmes, qui doivent irriguer les enseignements. A Sciences Com (Audencia Group), les étudiants peuvent suivre un atelier «code informatique», qui vise à sensibiliser et à initier les étudiants au code, afin qu’ils sachent travailler avec des développeurs pour bâtir ensemble des projets, que ce soit en agence ou en entreprise. Toujours pour répondre aux enjeux du digital, d'autres programmes émergent, comme à l’Iscom, qui lance à la rentrée 2016 un bac+5, en alternance, «Marque et management des nouvelles économies». «Avec l’uberisation de la société, de nouvelles entreprises et marques apparaissent, note Virginie Munch, directrice générale de l’Iscom. L’idée est de former les responsables marketing et communication de ces nouvelles entreprises, confrontées à de nouveaux défis d’image et de communication.»

Audencia a créé un mastère «Stratégies marketing à l’ère digitale», en partenariat avec la start-up spécialisée dans le big data Captain Dash et les agences Marcel et Zenith-Optimedia France (Publicis). L’objectif est de former des managers aux stratégies marketing actuelles. A signaler aussi le bac+5 «Creative design branding» de l’Iscom, dans lequel il s’agit d’appliquer les principes de la pensée design à la création de marques innovantes et durable, où sont très impliquées les agences Carré noir et Dragon rouge. Le Celsa, dont le programme Misc (Médias informatisés et stratégies de communication) vient d’être rebaptisé Celsa communication, option médias et numérique, a conservé un positionnement légèrement décalé: «L’idée n’est pas d’adopter sans distance toutes les innovations, mais de former des stratèges de la communication numérique, dit Etienne Candel, maître de conférences au Celsa Paris-Sorbonne. Nos étudiants doivent garder cette distance critique vis-à-vis des innovations digitales.» Pour les étudiants toujours plus nombreux à être intéressés par la création d’entreprise, l’école a créé un bac +6 sur l’entreprenariat et l’innovation.

Pluridisciplinarité

Enfin, pour survivre dans des entreprises où le travail en mode projet s’impose, les communicants en herbe doivent parler la même langue que les autres métiers. Du coup, dans les écoles, c’est cap sur l’interdisciplinarité. Les étudiants de l’école W participeront à des groupes de travail en commun avec l’école 42, créée et financée par Xavier Niel, qui forme au code. «Les étudiants d'Iseg Marketing & Communication School travaillent avec leurs camarades de l'Esme Sudria, d'E-art Sup et d’Epitech lors de semaines transversales, par exemple sur une thématique comme «Robots et objets connectés», où ils créent un objet connecté», détaille Valérie Dmitrovic, directrice nationale d’Iseg Marketing & Communication School. A Paris, les écoles Iseg, Sup Internet et E-art Sup sont rassemblées dans le même campus.

Dans cet esprit, l’ECS (European communication school, Mediaschool Group) va ouvrir à la rentrée 2016 une école à Lausanne, sur le campus de l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne): «Il y aura des échanges et un partage de compétences avec les intervenants locaux», explique Arnaud Colleu, de l’ECS Paris.

Cette pluridisciplinarité est à l’origine de la création du Master 2 Communication et technologie numérique par le Celsa et l’Ecole nationale supérieure des mines d’Alès. Dans le mastère spécialisé Stratégie digitale de Grenoble Ecole de management, la tendance est au mélange des compétences, comme l'explique son responsable, Yann Gourvennec: «Le hackathon permet à nos étudiants, à partir d’une idée, de travailler en binôme avec des ingénieurs pour un business plan, jusqu'à la création d'un prototype.»

L’Iscom entre dans le «multispace»

Les nouveau campus de l’Iscom Paris (quartier Saint-Lazare et Levallois-Perret) ont été conçu comme un lieu de travail partagé, un «multispace», car ils permettent des usages différents. L’école a été conseillée dans cette mue par la designer d'intérieur Caroline Langevin: un design au ton scandinave (matériaux en bois) avec lumière naturelle, des lignes épurées et du mobilier adapté à l’utilisation des outils numériques. Dans de mini-alcôves, les étudiants peuvent travailler en équipe sur des projets, ils disposent de salles de réunion avec écran tactile, d’espaces de détente et d'idéation ainsi que d’une «table sociale» pour accueillir des groupes sur des projets de coworking. Les salles de classe sont équipées de chaises ergonomiques, modulables et collaboratives. Les étudiants peuvent modifier la configuration de l’espace pour se réunir en groupe ou travailler en binôme. Du coup, cela permet de conjuguer enseignement en cours magistral et travail en mode projet dans un même lieu. Des salles sont consacrées aux projets, avec des écrans multiconnectés.

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