Recrutement
Les coups de com’ autour du recrutement se multiplient: Michel et Augustin, l’agence lyonnaise Saentys… Un outil à manier avec précaution.

Des offres d’emploi annoncées à la criée par une DRH, au beau milieu d’une rame de métro bondée… La marque française de biscuits Michel et Augustin est familière de la communication décalée. Sa vidéo diffusée le 16 avril sur You Tube, «Est-ce que quelqu'un connaît quelqu'un qui cherche un job?» a été vue plus de 250 000 fois sur You Tube, et, plus étonnamment, plus de 800 000 fois sur Facebook (lire interview ci-dessous). A la même période, une autre offre d’emploi, émanant de Saentys, une petite agence de communication lyonnaise, se fait surprendre elle aussi par un buzz: «Complétez le visuel et joignez-le à votre candidature», peut-on lire en légende de deux gros points rouges (son logo), associés à la description d'un poste de chef de projets. Diffusée «timidement» sur Facebook, l’annonce tourne rapidement sur les pages consacrées au marketing et fait l’objet d’un article dans le Huffington Post. «On a été heureusement surpris par l'écho que cela a suscité. Notre démarche de départ était vraiment spontanée: aucun calcul, aucun coup de com», explique Gilles Blaise, directeur de Saentys.
Articles de presse, posts de blogs, commentaires sur les réseaux... La diffusion d’une offre d'emploi originale permet de communiquer positivement autour de son entreprise et de générer indirectement de l’earned media (exposition «gagnée» par la marque).

Dans le flot des offres d’emploi en ligne, il est  vrai qu'il importe de se démarquer par des opérations de marque employeur attractives. Selon L'Étudiant, la France fait en effet partie des pays européens qui comptent le plus grand nombre de sites de recrutement: «Entre 400 et 500 jobboards actifs». Plus d'une entreprise sur deux est présente sur les réseaux sociaux (53 % selon une étude de Régions job d’entreprises). Et 56 % d'entre elles utilisent ces outils pour chasser des candidats. «Il y a pléthore de possibilités: entre les sites emplois, les sites spécialisés, les réseaux sociaux et réseaux pros…, les candidats sont un peu largués», note Thibaut Gemignani, directeur général de Figaro Classifieds. Je conseille aux sociétés de se lancer dans les annonces enrichies ou augmentées, pour donner envie aux candidats de postuler. D’ailleurs depuis janvier dernier, il est possible de poster des vidéos avec des offres sur Cadremploi.» D’autant que la consultation des offres d’emploi se fait de plus en plus sur mobile.

Casier digital vierge

Le Web 2.0, un monde parfait pour les recruteurs? Pas si simple. Pour réussir une offre d’emploi virale, il s’agit d’avoir une connaissance aiguisée du langage et des codes propres à chaque média social. Il faut également savoir manier le visuel (vidéo, graphisme...) et l’interactivité. «Ce type d’opération est strictement réservé à des entreprises qui ont la créativité inscrite dans leur ADN. Un décalage entre l’offre et la réalité de l’entreprise, et c’est le bad buzz assuré», met en garde Antoine Jeandet, vice-président de l’agence Quatre Vents, spécialisée en marque employeur. Marie Muzard, auteure de Very Bad Buzz (1), est du même avis: «On devient extrêmement en vue sur le terrain de l'emploi: autant ne pas avoir de cadavres cachés dans le placard...». A ce titre, le coup de projecteur sur Michel et Augustin a fait remonter à la surface un article de Libération de 2013, «Michel et Augustin, le bonheur est dans la communication», contenant des critiques d’anciens salariés… «Il faut avoir un casier digital vierge», insiste Marie Muzard.
Dans le recrutement, toute forme de discrimination reste proscrite et peut faire l’objet d’un recours auprès du Défenseur des droits. Mieux vaut rester vigilant dans le libellé de l'offre. D’autant qu’il y a toujours un risque de mauvaise réputation. En février dernier, l'agence de communication NSL Studio s'est tristement illustrée par la recherche d’un graphiste «si possible pas juif». La plainte de plusieurs associations a abouti au licenciement de l'auteur de l'annonce. Très en vogue sur Twitter également, le hashtag #UrgentChercheStagiaire qui vise à dénoncer les abus des recruteurs. «L'emploi est un sujet sérieux: le contexte économique et la fragilité des demandeurs d'emploi suppose de ne pas jouer avec
eux», appuie Antoine Jeandet. Les appels à contribution doivent être mesurés, comme le souligne Marie Muzard: «Le participatif est en passe de s'essouffler, il ne faut pas trop en demander à un public déjà fragilisé.»

Interview

« Il fallait secouer le bananier »

ANNE-CLAIRE LONG, DRH de Michel & Augustin


Pourquoi avoir orchestré ce buzz?

Anne-Claire Long. Nous sommes 80 salariés chez Michel & Augustin et nous avions six CDI (un webdesigner, un responsable des achats, des commerciaux…) et six stages à pourvoir et nous n’y parvenions pas, malgré les 3000 à 4000 candidatures reçues chaque année. Bref, on avait besoin de secouer un peu le bananier: pas normal qu’avec 10 % de chômage, il y ait des postes difficiles à pourvoir. J’ai décidé de descendre dans le métro pour recruter, et aller à la rencontre des candidats. Je savais que ça risquait de générer encore plus de volume de CV mais c’était aussi une façon de mettre en avant ce que l’on recherche de la part des candidats: qu’ils débordent d’énergie, qu’ils soient acteurs et moteurs du changement.


Quel bilan en tirez-vous?

A.-C.L. Nous sommes adeptes des «trublionnades» mais on ne s’attendait pas à de telles retombées: 300 000 vues sur You Tube, et avec les partages sur Facebook, on atteint presque un million de visionnages au total. D’habitude, nos vidéos plafonnent à 3000 vues. Nous avons reçu 1500 candidatures dont 1000 dès la première semaine. On s'est dit que c'était obligé que dans ces 1500-là, il y ait des pépites.

 

Y a-t-il eu des suites à cette opération?

AC. Nous avons organisé notre propre «forum emploi» le 4 mai, à la «Bananeraie» (siège de Michel & augustin, à Boulogne-Billancourt) à Lyon et New York. Les candidats ont pu rencontrer les opérationnels, visiter la bananeraie, entre 16 heures et 21 heures. Un trublion répondait aux questions sur l’aventure Michel & Augustin… Il y avait aussi des cours de relaxation, de la danse… Ce premier round, nous a permis de recruter le graphiste. Et le stage de coordinateur logistique a été pourvu.

 

ENC Le Medef recrute sur le Tour de France

Pour favoriser la création d’un million d’emplois d’ici cinq ans, le Medef sillonnera cet été les routes du Tour de France (4 au 26 juillet) afin de proposer plusieurs milliers de postes non pourvus ou des offres de stages en alternance. C’est la première fois que le syndicat patronal est présent dans la Grande Boucle. Au départ de chaque étape, un stand présentera l’initiative au grand public et les métiers régionaux. Deux véhicules dans la caravane publicitaire relaieront le message auprès des quelque 10 à 12 millions de spectateurs. Depuis deux ans, le Medef est également associé de l’opération «supporters de l’emploi» déployée dans les clubs de foot. «Nous touchons ainsi une population plus jeune, moins qualifiée, qui ne serait pas venue vers nous autrement», explique Olivier Midière, conseiller auprès du président du Medef (A lire aussi sur Stratégies.fr.)

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