Dans «L’envie, une stratégie», à paraître le 18 février chez Dunod, Olivier Bas, vice-président d’Havas Worldwide Paris, explique comment faire souffler un vent nouveau sur l’entreprise. Interview.

En lisant votre ouvrage, on se dit que le modèle actuel de l’entreprise est à bout de souffle…  

Olivier Bas. La financiarisation de l’économie et la pensée court-termiste transforment les managers en de simples contrôleurs. Un manager ne consacre, en moyenne, que 20 à 30 minutes par semaine à chaque personne de son équipe, soit 10 % de son temps.

La communication elle-même, est engagée dans une course de vitesse. Cela peut aboutir à des discours schizophréniques, comme celui de Marc Lelandais, l’ancien dirigeant de Vivarte (André, La Halle...), à la fois exigeant une transformation de l’entreprise en profondeur (passer d’une culture de la distribution à la mode) et en même temps obsédé par les chiffres et le court terme. Ce diktat financier génère des dommages: les salariés sont démotivés, ou pire encore, ils font semblant.

 

Pourquoi y-a-t-il urgence à remettre l’envie au cœur de la stratégie de l’entreprise?

O.B. La plupart des dirigeants et directeurs de la communication sont conscients du fait que le système est à bout de souffle, qu’ils doivent faire la synthèse entre projet court terme et stratégie long terme. Cela oblige à se poser des questions simples: «A quoi sert mon entreprise?», «Qui elle sert?». L’obsession ne peut pas être le seul profit.

 

Le communicant est lui-même pris au piège de cette course de vitesse…

O.B. Nous sommes tous victimes d’une chose horrible: le digital. Obsédés par la bataille de la vitesse, la nécessité d’occuper le terrain pour faire taire les rumeurs… les entreprises veulent, à tout prix, maîtriser l’information.

Résultat: les communicants produisent des éléments de langages «prêts à diffuser», des Q&A «prêts à utiliser», des kits de communication prêts à l’emploi. Sans même s’en rendre compte, ils produisent du «prêt à penser». A vouloir gagner la bataille de la vitesse, l’entreprise perd celle de l’intelligence.

 

Comment la communication peut-elle redonner «l’envie d’avoir envie» aux salariés?

O.B. Il y a une définition de «communicare» (latin) qui remonte au XIIe siècle et qui signifie «l’art et la manière d’être ensemble». Or le digital a inversé le rapport de force: il nécessite une posture plus ouverte, avec plus de lâcher prise. A l’opposé des discours préconstruits déroulés sans dialogue, ni discussion.

 

Quelles solutions concrètes proposez-vous?

O.B. D’abord limiter le reporting. Orange a répertorié tous ses outils de reporting, et en a recensé 250 différents dans l’entreprise, aussi bien en marketing, ressources humaines, finances… Des systèmes de reporting qui se sont souvent  empilés avec le temps. Et la direction d’Orange a ainsi réussi à diviser leur nombre par trois.

Ensuite, il faut transformer le discours des dirigeants, en réintroduisant de l’émotion. On pense, à tort, que l’émotion est un sujet de psychologie, or l’envie passe par l’émotion, c’est elle qui forge des convictions communes et renforce la cohésion sociale. Fini les prises de paroles trop rationnelles.

Enfin les managers doivent baigner leurs salariés dans un champ d’émotions positives, avec un discours sur les progrès de l’entreprise, le rôle de chacun...

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