Les réseaux sociaux d’entreprise poursuivent leur croissance, selon une étude Lecko que nous publions en exclusivité. Mais ils doivent se réinventer à tout prix.

Ceux qui prédisaient le déclin des réseaux sociaux d’entreprise (RSE) risquent d’être déçus : selon la dernière étude Lecko*, que Stratégies publie en exclusivité, 80 % des sociétés du CAC 40 disposent d’au moins un RSE en 2014, contre 70 % en 2013. Le mouvement d’adoption des RSE se poursuit donc. Et les trois quarts d’entre elles ont un outil transversal au groupe, accessible à tous les collaborateurs.

Il n’y a donc pas de désaffection, tout au moins en termes d’équipement-, pour ces réseaux d’entreprise, même si la plupart des salariés sont sur Facebook, qui a commencé à déployer son propre réseau professionnel,

FB@Work, en version bêta, pour une poignée d’entreprises. Pour autant, le taux d’utilisation s’accroît-il ? Sursollicités- par les Facebook, Twitter, Linked In, Viadeo, Instagram ou Snapchat, les salariés trouvent-ils encore le temps d’aller sur le réseau social interne de leur entreprise ?

Croissance au menu.

« Le nombre d’utilisateurs croît significativement sur les plateformes de notre panel, avec pour certaines une hausse allant jusqu’à 60 % (cela représente pour un groupe près de 10 000 nouveaux utilisateurs), note le directeur général de Lecko, Arnaud Rayrole. Et cela concerne tous les secteurs : industrie (Michelin, Renault, Technip, Total), luxe (L’Oréal, LVMH), banque-assurance (AXA, BNP Paribas, Société générale), télécoms (Orange)…»

Partie prenante.

L’engagement progresse également sur ces réseaux sociaux d’entreprise : il y a un accroissement du nombre utilisateurs actifs de 20 % environ. « Il y a quasiment un doublement du nombre d’utilisateurs, même si le turn-over (des personnes engagées d’un mois sur l’autre) est compris entre 15 et 50 %, ce qui montre que l’adoption n’est pas linéaire dans le temps, précise Arnaud Rayrole. En 2014, il y a eu de nombreux projets de modernisation de l’entreprise or le réseau social est toujours partie prenante de ces projets. » (lire encadré.)

Le bilan est plutôt positif pour Plazza, le réseau social interne d’Orange, qui fête ses quatre ans (lire ci-contre). « Plazza permet de co-créer des communautés en self-service, qui peuvent être fermées ou ouvertes », détaille Ziryeb Marouf, directeur applicatifs RH groupe et réseaux sociaux de l’opérateur et par ailleurs directeur de l’observatoire des réseaux sociaux d’entreprise. « Plazza s’inscrit dans le plan Conquêtes 2015 (axe humain), et fait partie des 13 chantiers portés

par le Comex
, précise-t-il. Par ailleurs, Plazza a un rôle important dans le programme stratégique de transformation de l’entreprise (Orange Digital Leadership Inside), piloté par le directeur général adjoint, Bruno Mettling. » Une réflexion en particulier sur le poste de travail des salariés de l’opérateur, dans laquelle Plazza occupe un rôle clé.  

Entre les lignes.

Si l’étude de Lecko est optimiste, il faut savoir y lire entre les lignes, comme le note, sous couvert d’anonymat, un exper-t des réseaux sociaux : « Certaines entreprises mettent leur annuaire sur le RSE pour doper leurs chiffres d’inscription et de fréquentation ».

Il y a aussi un problème de trop-plein : certains groupes comptent des plateformes différentes pour chaque filiale ou métier – jusqu’à 5 à 10 plateformes au sein d’une structure. Des millions d’euros sont parfois engloutis dans des solutions qui ne sont pas interopérables.

 « Certains réseaux sont allés dans le mur, souvent pour des raisons politiques, parce qu’il y avait plusieurs initiatives concurrentes, portées par différentes directions », décrypte, « off the record », un expert du sujet. à l’inverse, le directeur de l’observatoire des réseaux sociaux d’entreprise rappelle les conditions du succès : « Il faut que ce soit une démarche globale, sponsorisée par la direction générale et intégrée dans le plan stratégique du groupe. » 

«Du coup, on passe d’un engagement quantitatif à un engagement qualitatif, avec des communautés plus restreintes mais plus actives, par métier », note Jean-Noël Chaintreuil, directeur du laboratoire d’innovation RH « 231E47 ». « D’ailleurs, les RSE qui deviennent des réseaux de collaboration, en intégrant des espaces de travail collaboratifs ou d’innovation, fonctionnent bien. »

Ce que confirme David Bellaïche, président du groupe Althéa : « Les RSE prennent bien quand ils sont déployés par des directions métiers, comme par exemple pour la communauté commerciale, parce que les salariés comprennent tout de suite ce que cela peut leur apporter, et il y a un effet viral important pour l’adoption. Tout outil dans l’entreprise n’a de sens que s’il sert à travailler plus vite, à mieux collaborer. »

Les réseaux sociaux d'entreprise risquent aussi d’évoluer rapidemen-t sur la forme : « 90 % des réseaux sociaux d’entreprise sont aujourd’hui composés de texte », rappelle Jean-Noël Chaintreuil. L’usage de la vidéo va se développer. Une autre révolution à venir…

Le RSE d’Orange, Plazza, fête ses quatre ans

 

C’est l’heure du bilan pour le RSE d’Orange, qui fête ses quatre ans : « L’ambition était d’atteindre 60 000 utilisateurs (sur la base du volontariat), il y en a plus de 70 000, se félicite Ziryeb Marouf, directeur applicatifs RH groupe et réseaux sociaux de l’opérateur. Il y a 20 % d’utilisateurs d’actifs et nous sommes dans la moyenne car dans les autres RSE cela varie entre 10 et 30 %. » 80 % des communautés créées dans Plazza sont des communautés métiers et 20 % portent sur des passions. « Nous réfléchissons à ouvrir la plateforme, en créant un Plazza externe, tout en préservant la confidentialité des échanges sur le réseau », détaille Ziryeb Marouf.

 

Avis d'expert

Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko

 

« Les entreprises sont en pleine transformation numérique, cela a été un sujet phare en 2014 et va continuer en 2015. Or les RSE ont un rôle central dans cette transformation. Les entreprises doivent être capables de s’adapter et d’innover, de se réinventer par la base en impliquant chaque collaborateur.

Elle ne leur permet pas d’essayer des choses disruptives. Le premier apport des RSE est donc de rendre les entreprises plus agiles. Deuxième apport, cela peut permettre de fonctionner en réseau autour d’un écosystème (clients, partenaires…). Les collaborateurs sont mieux informés et gagnent en expertise. Les community managers qui animent ces réseaux s’organisent et se professionnalisent : le leadership apparaît nettement comme la qualité primordiale pour réussir à fédérer ses collègues et faire évoluer leurs pratiques de travail. Paradoxalement, s’il y a une progression des usages collaboratifs sur ces plateformes, la dynamique est lente par rapport à la vitesse fulgurante d’adoption chez les particuliers. Afin que ces pratiques se diffusent plus rapidement, et bénéficient à l’ensemble de l’organisation, il faut que les managers repensent leur façon de travailler, autour de ces outils collaboratifs. Le RSE pourrait ainsi permettre de répondre plus efficacement aux sollicitations des internautes et des clients en général. »

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