Relations publiques
Tribune. Les relations publiques ne se sont pas suffisamment adaptées à la révolution du web et des réseaux sociaux. Christophe Ginisty, organisateur de la conférence Reputation War appelle à une prise de conscience de la profession.

Dix ans. Cela fait presque dix ans que le monde de la communication a été percuté par la révolution du web social, que les marchés sont devenus des conversations, que les consommateurs se sont d'abord mués en «consom-acteurs» puis, plus récemment, en activistes. 

 

Dix ans aussi que les médias traditionnels ont vu leur influence régresser au profit d'une nouvelle génération d'influenceurs autoproclamés venus d'un peu partout et contribuant chacun à donner de la voix pour transformer les échanges d'information en un gigantesque vacarme planétaire.

 

Si tous les métiers de la communication et du marketing ont été bouleversés par ce tsunami, j'ai toujours été frappé par les réticences de nombreux professionnels des RP d'accepter ces nouvelles règles du jeu et de les transformer en opportunités de business. Car contrairement à ceux qui pensent que les RP sont sur le point de disparaître, je crois que l'avenir est radieux, que les besoins n'ont jamais été aussi importants, et que ce n'est pas prêt de s'arrêter. Le problème est que je ne suis pas du tout certain que ce sont les professionnels des RP qui, demain, feront ce métier.

 

Après avoir marginalisé ce qui se passait sur le web social en traitant les acteurs de médias sociaux avec une infinie condescendance, après avoir créé des départements «digitaux» au sein des agences en marge de l'activité principale (comme s'il y avait une frontière hermétique entre la consommation d'informations online et offline), les agences ont, pour certaines, loupé ce virage et ne se sont pas donné les moyens d'être compétitives. Des pans entiers de budget se sont échappés pour être confiés à des agences spécialisées dans le community management, la création de sites, l'événementiel, la publicité, le marketing digital, le CRM…

 

Je suis persuadé que ce n'est pas le marché des RP qui est morne et qui affiche des faibles croissances, mais que c'est le business confié aux agences du secteur qui ne progresse plus. Ce n'est pas tout à fait la même chose. En d'autres termes, je ne crois pas que ce soit un problème économique, mais une question de confiance et de légitimité avérée par une réelle expertise. Je ne prédis pas la mort des RP, mais l'éclatement potentiel de la fonction par la dispersion des budgets au profit d'autres professionnels du marketing et de la communication.

Je me souviens très bien d'une réunion, au printemps 2011, où notre client nous annonça avec un enthousiasme presque innocent qu'il avait mandaté une agence «digitale» pour prendre le relais des actions que nous menions déjà pour lui depuis des années auprès des médias traditionnels. Je me souviens du désarroi de mes équipes qui ne comprirent pas qu'on ne leur confiât pas ce budget complémentaire. Je pris pour ma part cet événement pour un coup de semonce.

 

Réaprendre le métier

 

En toute humilité, il faut que nous réapprenions notre métier si nous voulons continuer de maîtriser les relations des organisations pour lesquelles nous travaillons avec leurs publics. Il faut que nous étudiions attentivement le nouvel environnement au cœur duquel nous évoluons, que nous en comprenions les codes et les enjeux. Il faut que nous puissions faire face aux nouvelles vulnérabilités, lutter contre l'«infowar», la désinformation, que nous puissions nous protéger des expressions agressives, effectuer une écoute attentive des conversations pour anticiper les mouvements de l'opinion, passer d'une communication incantatoire au mode conversationnel respectueux de la sensibilité des parties prenantes.

 

Il faut que nous soyons suffisamment à l'écoute pour devenir des organisations inspirées par leurs communautés. Il faut enfin accompagner les organisations qui nous mandatent dans leur transformation digitale pour que leurs opérations soient compatibles avec le fonctionnement du web social.

 

Aller au-delà des relations presse et concevoir le travail sur la réputation de manière globale afin d'optimiser la confiance des parties prenantes vis-à-vis des organisations pour lesquelles nous travaillons: voilà l'enjeu. Il y a du boulot et il y en a pour tout le monde. Il y a là des ressources de business quasiment infinies, un truc à accrocher au compte de résultat des professionnels des RP une croissance à deux chiffres pour les dix années qui viennent. C'est un trésor encore inexploité et en devenir.

 

Mais si ces derniers continuent de vendre des envois massifs de communiqués de presse et des campagnes de relances téléphoniques à destination de journalistes incrédules et submergés, ce trésor passera dans les mains d'autres professionnels et la fonction RP se dissoudra dans toute une série d'autres professions.

 

Au cours des deux dernières années, j'ai beaucoup écrit sur ces transformations et j'ai rassemblé toutes mes notes dans un recueil que je viens tout juste de publier, PRmorphosis. Compilation d'interrogations, d'analyses et de conseils, ce petit livre blanc traite de l'avenir de nos métiers en tentant d'en dégager les principales opportunités.

 

Arrêtons de nous plaindre, la révolution du web social est la meilleure chose qui soit arrivée aux professionnels des RP et de l'influence. Sachons nous en approprier les codes pour écrire les nouvelles pages de ce métier plein d'avenir.

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