55% seulement des Françaises se déclarent féministes

Alors que les associations Osez le féminisme et Les Chiennes de garde se battent pour qu'on ne leur serve plus du «mademoiselle» et que l'affaire DSK, devenue affaire Banon, donne depuis quelques mois l'occasion aux mouvements féministes de dénoncer le «sexisme ordinaire», le harcèlement sexuel et le peu de réactivité de la société française face au viol, Harris Interactive a réalisé, en octobre 2011, pour le magazine Grazia, une étude sur le regard des Françaises sur le féminisme (l'échantillon est donc exclusivement féminin).

Il en ressort que si 79% trouvent les mouvements féministes utiles (91% des 18-24 ans), elles ne sont que 55% à se déclarer féministes (37% des 18-24 ans). Pour Mariette Sineau, chercheuse au Cevipof et auteur de Femmes et Pouvoir sous la Ve République, de l'exclusion à l'entrée dans la course présidentielle (Les Presses de Sciences Po), ce décalage s'explique par la connotation négative du mot féminisme. «Il renvoie aux années 1970, où il y avait de nombreux mouvements, notamment radicaux qui, contrairement à ce qui se passait dans d'autres pays, prônaient la révolution dans la révolution, explique-t-elle. Ils ne croyaient pas dans le système politique, aux partis. Ces mouvements s'intéressaient surtout au corporel: l'interruption volontaire de grossesse, la contraception, la libéralisation des mœurs, le viol, les violences…»

Il ressort également du sondage que celles qui se déclarent les plus féministes sont les 50-65 ans qui ont fait les beaux jours des mouvements féministes, les CSP+ plus portés sur ce type de sujet que les catégories populaires et les gens qui se déclarent de gauche. Mariette Sineau précise que, tout de même, «les Français sont pour l'égalité, mais que le souci est qu'ils ne mettent pas forcément l'égalité homme-femme derrière le mot féminisme. Elle fait ainsi la comparaison entre une enquête Sofres de 1974 qui montrait qu'environ 70% des Français étaient contre l'idée d'une femme présidente de la République, et un sondage 2011 de Mediaprism pour le Laboratoire de l'égalité, qui montre qu'ils sont 88% pour.

Quant à la partie de l'étude d'Harris Interactive portant exclusivement sur le combat d'Osez le féminisme et des Chiennes de garde pour la suppression du terme «mademoiselle», il semblerait que la mauvaise image du mot «féminisme» ne s'applique pas à lui. Seules 27% des femmes veulent sa disparition et seulement 33% des féministes. Il n'y a que celles se déclarant «très féministes», dont on peut penser qu'elles sont les plus radicales, qui se déclarent à 53% pour la fin de «mademoiselle».

On retrouve la même réticence pour la campagne d'Osez le féminisme intitulée «Osez le clito», prônant l'égalité des sexes dans le rapport sexuel. Elles étaient 45% à avoir trouvé la campagne nécessaire et seulement 29% à se sentir concernées. Cependant, 65% des 18-24 ans trouvaient la campagne nécessaire et 49% se sentaient concernées.

 

Parole d'expert

Janine Mossuz-Lavau, chercheuse au Cevipof et auteur de Guerre des sexes: stop! (Editions Flammarion)

«Paradoxalement, le féminisme a progressé dans l'esprit des gens, pratiquement tout le monde est favorable à l'égalité des sexes et a pris conscience des problèmes en la matière, alors que le mot lui-même fait encore peur. Il fait peur aux hommes, mais aussi à de nombreuses femmes qui disent «je ne suis pas féministe, mais…», énonçant une série d'énumérations prouvant qu'en fait, elles sont féministes. Le problème est que ce mot est associé à une image anti-homme, une image de conflit, d'agressivité. Dans une société accordant une grande importance à la séduction, un certain nombre de femmes ne veulent pas être qualifiées par un mot qui renvoie d'elles une image d'emmerdeuses, de faiseuses d'histoires, de femmes rejetant les hommes.»

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