Tribune
Le digital fragilise la réputation des entreprises, de quoi mettre à mal l'ouverture et les interactions qui ont longtemps été synonymes d'une communication réussie.

Depuis le début des années 2000, la publication du «Cluetrain manifesto» puis l’avènement de l’internet social, les mots clés d’une communication réussie étaient ouverture, interaction et communauté. On nous prédisait des marchés intelligents, une authentique sagesse des foules, la co-conception des produits et des stratégies d’entreprise. Les sociétés allaient devenir des fictions légales poreuses et diluées dans leur contexte.

Ce vocabulaire et ses référentiels n’ont que peu évolué depuis. En 2018, les buzzwords dominants tournent inlassablement autour de la transparence et de l’authenticité. Et pourtant, chaque jour, la digitalisation semble fragiliser la réputation des entreprises, notamment cotées. Ces dernières ont plus que jamais besoin d’assurer la sécurité de leurs flux d’informations corporate et financières pour maîtriser leur réputation et celle de leurs dirigeants. Dans un environnement de fake news, d’usurpation d’identité corporate et d’extrême volatilité de l’image, on peut se demander si la technologie ne favorise pas un retour vers davantage de contrôle plutôt que toujours plus d’ouverture et d’interactions entre l’entreprise et son environnement.

Culture du secret

C’est ce qu’on constate quand on observe la communication des GAFA. C’est un paradoxe. Les nouveaux parangons de la communication, de la «communauté mondiale» et de l’ouverture au monde grâce aux technologies, ferment les canaux de l’information. Les GAFA veulent assurer une étanchéité renforcée entre leur «dedans» et leur «dehors». Certaines assument cette culture du secret ; c’est le cas d’Apple. D’autres moins, comme Facebook ou Google, quand elles prétendent jouer la carte de la transparence et prônent «l’employee advocacy», tout en obligeant leurs collaborateurs au secret le plus strict. Comme l’enquête récente du Guardian en témoigne, la frontière est étroite entre la protection légitime de la propriété intellectuelle ou la prévention des délits d’initiés et une parano aiguë dérivant en surveillance généralisée de ses collaborateurs.

Les GAFA ont sans doute compris que leur réputation était fragile et que la meilleure maîtrise était un contrôle strict des flux d’information. Pour résumer: ne communiquer qu’en cas d’obligation légale (relations investisseurs) ou sous la contrainte (gestion de crise). Et ne communiquer qu’en mode univoque et descendant. Le compte Twitter d’Apple illustre bien le phénomène. En juillet 2016, dans Harvard Business Review, Cameron Craig, (ex-RP chez Apple) expliquait bien la culture RP de l'entreprise. En substance: «cultiver une relation privilégiée et maîtrisée avec le top 5 des journalistes et influenceurs pour assurer une visibilité efficace tout en contrôlant la réputation».

Chez les GAFA, c’est l’entreprise qui choisit avec qui, quand et sur quoi elle communique. En tout cas, elle essaie. Il aura fallu attendre plusieurs jours avant que Mark Zuckerberg succombe à la pression montante de ses actionnaires, des décideurs politiques et des médias pour s’exprimer sur l’utilisation des données des utilisateurs à des fins politiques. Que Facebook soit responsable ou pas des faits, la réactivité très relative de ses dirigeants témoigne d’une vision plutôt étanche de l’information.

Perte de contrôle douloureuse

Les réseaux sociaux sont devenus un grand déversoir. Prenez le phénomène des «cashtags» sur Twitter, par lesquels des (prétendus) actionnaires donnent leur opinion sur une entreprise cotée. Ces avis très personnels d’un échantillon peu représentatif peuvent avoir un impact sensible sur le cours de l’action. Juste avant les dernières élections présidentielles américaines, les supporters de Donald Trump ont appelé au boycott des produits Pepsi suite à une déclaration que son dirigeant n'avait en réalité jamais faite. Les ventes ont peu été affectées, mais le cours de bourse de la société a chuté. Même conséquence quand Vinci s’est faite «hacker» sa communication financière. C’est une perte de contrôle subie et douloureuse de l’information de l’entreprise. En fait, ces différents phénomènes peuvent conduire à une légitime, parfois illusoire, volonté de reprise de contrôle.

Avec Wiztopic, j’ai eu la chance de rencontrer bon nombre des dircom des grandes entreprises cotées. La technologie est souvent l’une de leurs sources d’inquiétude. Elle peut aussi être le moyen de mieux maîtriser la communication de leur entreprise. Elle permet aujourd’hui de gérer plus efficacement les informations, par exemple de sécuriser et authentifier les emails envoyés à la presse ou aux investisseurs. Elle améliore la performance des services de veille médias et digitale. Elle permet aussi de diffuser l’information en mode multicanal, rendant plus difficile l’usurpation de l’identité de l’émetteur. Ce n’est pas par la bunkerisation mais par un usage maîtrisé de la technologie que les entreprises reprennent le contrôle de leur communication. Des technologies au service d’un relationnel privilégié et mieux maîtrisé avec leurs parties prenantes.

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