Management
Contrairement aux idées reçues, la jeune génération sait faire appel aux autres, notamment avec le travail collaboratif. Et est plus attachée à un projet qu’à une marque ou une entreprise. Celles-ci doivent mieux la comprendre et saisir les opportunités qu’elle offre.

Les comportements et usages de la jeune génération n’ont jamais été autant analysés. On isole des tendances, on crée des groupes, des buzzwords: génération Y, Z, millennials, centennials…, assortis de jugements parfois plombants (individualisme, égocentrisme, irrespect, etc.) qui trahissent au mieux une angoisse, au pire un rejet de cette génération qui, clairement, ne ressemble à aucune autre. 

Alors, à ceux qui se posent des questions, je veux témoigner de mon expérience, celle d’un manager qui est chaque jour entrainé par ce souffle d’inspiration incroyable qui devrait déjà révolutionner le monde du travail. Et cela souffle fort quand on travaille dans un groupe médias composé de 120 personnes (moyenne d’âge de 27 ans), qui s’adresse à une audience du même âge en cinq langues  dans plus de vingt-cinq pays.

Les jeunes ont adopté le «co». Ils viennent au travail en covoiturage, plébiscitent les espaces de coworking, coconstruisent des projets… Et oui, la génération selfie travaille en équipe. Elle sait faire appel aux autres. Elle trouve de l’efficacité dans le travail collaboratif, car elle fonctionne au projet et s’affranchit des questions de territoires ou de politiques. Au fond, elle adhère à un projet plus facilement qu’à une marque ou une entreprise. Travailler sa marque employeur a toujours du sens, mais pour séduire un candidat ou retenir un collaborateur, c’est le projet proposé qui fera la différence. Ce ne sont plus des hauts potentiels qu’il faut chouchouter, mais des «intrapreneurs» qu’il faut soutenir. Dans une entreprise en croissance, c’est plus simple, mais ce souffle peut aider toutes les entreprises, même celles en difficulté.

L'entreprise n'accompagne plus, elle doit suivre

Quand on a intégré qu’on ne fera pas carrière au sein d’un seul groupe, que l’on devra rebondir, exister, il est important de cultiver sa curiosité. Les millennials savent qu’ils occuperont plusieurs postes au sein de plusieurs entreprises durant leur carrière. Chez Ohmymag et Gentside, on a toujours recruté des jeunes dès leur sortie d’école. Ils maîtrisent mieux certains codes que leurs ainés, les réseaux sociaux, la viralité, le vlog, etc. Et contrairement aux clichés, les millennials sont prêts à donner beaucoup à leur entreprise, s’ils devinent un intérêt, si le projet commun est clairement énoncé et s’ils y trouvent un bénéfice personnel. Résultat, certains de nos éditeurs se sont mis au montage vidéo avant même qu’une formation ne leur soit proposée. Ce n’est plus l’entreprise qui accompagne, mais souvent l’entreprise qui doit suivre.

Alors forcément, quand ça souffle comme cela, on peut décider de retirer les voiles pour ne pas être pris de vitesse et être sûr de bien tenir la barre. Ou bien on peut faire confiance, accepter de recruter et de voir grandir, hisser la grande voile, déployer un foc et prendre beaucoup de vitesse. Mais prendre de la vitesse ne veut pas dire se faire prendre de vitesse. La nouvelle génération découvre le monde du travail sans a priori, et avec spontanéité. Récemment, un collaborateur est venu me voir en m’expliquant qu’il avait fait le tour de son poste au bout de… quatre mois.

Enseignements transposables

Il y a beaucoup de parallèles entre la relation qu’ont les millennials avec l’entreprise et la manière de consommer des contenus. Finalement, pour comprendre nos équipes, nous regardons comment fonctionnent nos audiences. Et je pense que ces enseignements sont transposables dans toutes les entreprises qui comptent beaucoup de jeunes:

– comme nos audiences qui aiment s’identifier aux contenus qu’elles consomment, nos équipes aiment savoir que le projet sur lequel elles travaillent sera valorisable pour leur carrière et leur image dans la société;

– comme nos lecteurs dont les attentes ne sont jamais là où l’on croit, nos équipes sont boulimiques de pivots, de projets, de nouvelles technologies et codes. A charge pour nous, les managers, de retenir et accélérer les meilleurs d’entre eux. Fini le temps des études et benchmarks, il faut accepter de lancer de nombreux projets en parallèle et savoir identifier ceux qui vont réellement servir le modèle économique, car les équipes, elles, n’ont plus peur d’abandonner un projet et de rebondir; 

– comme nos audiences qui ne nous accordent que quelques secondes pour les convaincre de rester sur nos médias, nos équipes détestent les réunions et préfèrent discuter et décider en «one to one» sur un coin de table. Elles aussi veulent comprendre et avancer, vite;

– comme nos lecteurs qui aiment la spontanéité, le live et les images fortes, nos équipes aiment que leur entreprise leur fasse vivre des expériences, les pousse à relever des challenges. Nos audiences aiment le jeu, la gamification, les quizz, les tops. Et nos équipes sont toujours motivées par les hackatons et les défis;

– comme nos audiences qui aiment le divertissement, nos équipes font très attention à maintenir un niveau constant de fun. Lors de notre rachat par Prisma Media, la première question posée par les collaborateurs a été de savoir si le Cerise Day – notre séminaire annuel rendu mythique par le goût de la fête de nos équipes – serait maintenu.

Des collaborations incroyables

Alors, foncez. La génération selfie mérite d’être mise dans les meilleures conditions. Si, malgré les beaux projets que vous leurs proposez, ils quittent votre entreprise, ne les retenez pas. D’autres arriveront avec un souffle nouveau. Et de ce mouvement naîtra des collaborations incroyables. Certains seront vos futurs intrapreneurs, d’autres ne seront que de passage, mais cocréeront et deviendront vos prestataires, vos clients ou de si bons concurrents qu’ils vous rendront meilleurs. Et tous se distingueront par leur esprit d’équipe.
 
 

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