Quand Anne parle à Henri qui répond à Stéphane qui, lui, parle à Manuel, qui se retourne vers Alain qui boucle la boucle en (re)parlant à… Ce scénario peut paraître cinématographique. Pour autant, il jalonne chaque moment de la vie parisienne. Et depuis des lustres. Trop, peut être. Pourtant, quand on se remémore ses cours de latin, l'étymologie du mot – notre mot – «communication» vient de communicare… pour mise en commun. La communauté doit-elle être réduite à une portion congrue ou doit-elle, au contraire, être empreinte d'ouverture et de clarté?

L'Empire romain, la monarchie française, la transition napoléonienne, les Républiques du XXe siècle ont tous connu leurs secrets d'alcôves et autres intrigants. Les jeux d'influence faisant partie intégrante de l'exercice du pouvoir, qu'il soit économique ou politique. Mais, aujourd'hui, la parole publique ne trouve plus d'écho qu'à travers des voix souverainistes ou nationalistes. La parole économique est mal digérée ou perçue comme élitiste. Certains artistes populaires sont, enfin, considérés comme des enfants gâtés hors des clous du réel. Faut-il y voir une simple coïncidence ou la conjonction de plusieurs facteurs dont celui, majeur, d'un entre soi proéminent, irriguant chaque veine des pouvoirs du même sang?

Les conseils d'administrations de l'ensemble des entreprises du CAC 40 sont assez consanguins et rassemblent à peine plus d'un tiers de femmes. Les entourages ministériels ou présidentiels foisonnent d'une énarchie vilipendée, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, à longueur d’articles, de posts ou de tweets. L'univers des arts est régulièrement moqué pour un tropisme humaniste assis, par ailleurs, sur des fortunes inaccessibles au commun des mortels.

Quel peut être le rôle des agences ou des directions de la communication auprès des dirigeants et des organisations? A l'aune, entre autres, de la numérisation des échanges dans nos quotidiens et leur degré de partage sans limites, jamais vu jusqu'à aujourd'hui. La posture à endosser est une ouverture comparable au degré de la révolution subie. Or, il se passe, peu ou prou, l'inverse dans un prolongement de pratiques séculaires ou un aveuglement quant à la révolution en cours. Mais l'essentiel réside dans le fossé qui ne cesse de s'élargir entre tous les citoyens qui, désormais, savent et les autres qui tentent de prolonger un modèle antérieur.

Nous nous devons d'explorer et recommander, le plus souvent possible, l'ensemble des (nouvelles) ramifications médiatiques pour échafauder des processus de clarté, de régularité et d'échanges entre une entreprise, une organisation ou un dirigeant et son environnement relationnel. Biberonné, lorsque j'ai embrassé ce métier, au lait «pilhanesque» qui vantait les mérites de la rareté, il n'en demeure pas moins, aujourd'hui, que vivre caché ou maîtriser l'entièreté de la partition n'est plus possible. Qu'au contraire, devancer ou s'inclure dans les conversations permet de mieux maîtriser sa réputation ou sa notoriété. Qu'à l'inverse, pérenniser un entre soi pour préserver ce qu'on sait ou ce qu'on voudrait dissimuler mène dans le mur. Enfin, partager beaucoup peut, aussi, laisser penser que tout est dit…

Le dernier épisode de cette vie recluse, incarnée par l'arrimage d'Agnès Saal au ministère de la Culture après sa démission de l'INA, est la quintessence de cet entre soi d'un autre temps. Un temps révolu. Qu'on le veuille ou non. Un entre soi qui est devenu poison. Mortel poison.

A nous d'endosser un rôle transformatif – oserais–je dire politique – auprès des dirigeants publics et privés que nous conseillons. Pour infléchir ces pratiques et recouvrer une image qu'ils, et elles, méritent tant leurs investissements sont à des années lumière de la réalité perçue. Dans le cas contraire, nous les exposons, et nous avec, à des soubresauts de rues dont la France a le secret.

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