Une étude récente, organisée par le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), pose une bien étrange question: «Les gens de com’ sont-ils des gens normaux?» Si l’on saisit l’allusion de la formule qui fait bien com’, on est en droit de s’interroger sur ce qui motive une si curieuse problématique.

 

Il faut d’abord accepter l’idée que cette population est homogène, que le panel est représentatif d’un secteur aux contours pourtant assez flous. Cette hypothèse pose déjà problème. Mais admettons, pour voir, et mettons un terme au suspens au cas où, parmi les lecteurs normaux, parmi les vrais gens, certains seraient passés à côté de la lumineuse analyse. Eh bien, non! Les gens de com’ ne sont pas des gens normaux: ils vont davantage au restaurant, adorent les sushis, les cocktails et les expositions. So chic! Ils sont urbains, plus que ceux qui vivent à la campagne où, il est vrai, les agences et les médias ne sont pas légions… Ils se lèvent plus tard et utilisent plus que les autres les nouveaux outils de… communication. En voilà, une surprise! Là, c’est sûr, on apprend des trucs!

 

Vivant une vie plus asynchrone et plus rythmée (sic) que le panel «normal» analysé, les gens de com’ incarnent donc une espèce à part, nombrilocentrée, capable de décréter une normalité dont on peut supposer – si l’on s’en tient à la nature des questions posées – qu’ils se plairaient à s’en distinguer.

 

À quoi rime donc cette étude qui tourne sur elle-même? Quels enseignements utiles peut-on en extraire? En quoi les pratiques analysées relève d’une socio-culture originale? Comment dissocier le pouvoir d’achat de ces populations de leurs habitudes culturelles et sociales? Que dit cette tentative d’essentialisation de professions multiples arbitrairement rassemblées comme un ensemble cohérent?

 

Cette étude auto-réalisatrice, qui pose les questions formulées pour valider la spécificité d’un groupe social, ne vaut pas un clou. Elle est insuffisante et, non content d’enfoncer les portes ouvertes et d’ériger les clichés en données, est contre-productive. Elle révèle au fond la suffisance d’acteurs hors-sol, satisfaits d’eux-mêmes et de leurs valeurs. Elle insinue qu’il y aurait une façon d’être, propre aux gens de com’, sans préciser les nécessités et les conditions de l’exercice d’un métier dont une des caractéristiques consiste à suivre de près ce qui émerge, à se nourrir de l’actualité et des tendances. De ce fait, s’en tenant à des comparaisons un tantinet péjoratives, semblant les placer sur une orbite quotidienne éloignée de la vie de Monsieur Tout-le-monde, elle donne du grain à moudre à ceux qui voient dans ces métiers exigeants bien peu de profondeur, de l’arrogance et beaucoup de parisianisme futile et inutile. Non, les métiers de la communication ne se résument pas à une aptitude à dîner en ville. Mais, au fond, tout cela n’a pas grande importance, car cette étude est lue à 98% par des gens de com’.

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