Radio
À la tête de la matinale de France Culture, ce sociologue veut démontrer jour après jour la complexité du monde.

L’information ? Dans sa matinale, il la plie, la déplie, la replie, la déploie, l’étale… Guillaume Erner n’a rien de l’intellectuel froissé, ni du journaliste pressé. C’est l’homme qui prend le temps de « déplier les choses ». De « chercher où se trouve l’essentiel ». De vous parler aussi. Assis peu après 9h sur un canapé des couloirs de France Culture, il a encore la voix calme et liquoreuse des matins qui réchauffent. France Culture, c’est un peu la radio à son image. Élitiste ? Il concède volontiers que « l’intelligence le rassure » et qu’il préfère s’entourer des personnes qui l’éclairent. Mais ce serait aussi nier tout le travail que la fréquence violette a entamé depuis quelques années pour se rendre plus accessible. « Nous voulons parler à tous. Je veux prendre l’auditeur par la main, et veiller à ce qu’il ait appris quelque chose. La pédagogie, c’est aussi du journalisme », expose-t-il entre deux bâillements. La matinale, c’est un rythme complexe « mais j’en accepte les contraintes », admet ce père de trois enfants. Régulièrement, il se couche avant sa fille… Les efforts ne sont pas vains : l’émission gagne en audience chaque année, avec 192 000 auditeurs supplémentaires en 2018. 

Prêt-à-porter

La radio ? Il la découvre à 16 ans sur Cheap Radio, une fréquence libre du XIIème arrondissement, comme il en florissait en 1984. Il veut alors être journaliste. « Et comme dans la vie, on ne fait pas toujours que ce qu’on veut, je suis allé en sociologie », confie-t-il. Une discipline dont il obtient un doctorat en 2003, après une thèse sur l’antisémitisme. Puis il commence dans une agence de prêt-à-porter, dans le Sentier. « Je n’avais aucun engouement ni de vocation particulière pour la mode, assure-t-il. C’était un métier alimentaire. » La faillite de l’agence le mène vers d’autres aventures.

Stratégie de l'échec

Outre cinq ouvrages sur la mode et les tendances, que retient-il de ces années socio ? Une formation de l’esprit : « Problématiser les choses, se méfier des évidences, et acquérir des méthodes pour lire le réel, détaille-t-il. Et ne pas fuir les questions. Tous les sujets peuvent être abordés. ». Comme il le démontre dans son podcast Superfail, où il ne s’intéresse qu’aux échecs - sujet compliqué à l’heure de la communication. Mais cette complexité du monde, ce refus permanent de se limiter aux apparences, Guillaume Erner s’y attache avec férocité. Chroniqueur à Charlie Hebdo, et producteur d’autres émissions radios – sur l’œuvre de Jean-Claude Michéa ou l’histoire d’Emile Durkheim – il se passionne sur les raisons qui mènent les humains à agir. Et s’il n’était plus à la matinale ? Il continuerait à déplier les choses : rien de tel pour comprendre l'art du pliage.

Parcours :

1968. Naissance dans le 12e arrondissement. 

Années 1990. Travaille dans le prêt-à-porter pour financer ses études.

2002. Soutien sa thèse de sociologie sur l’Antisémitisme. 

2007. Commence sur France Inter dans l’émission Eclectik.

2015. Anime Les Matins sur France Culture et intègre Charlie Hebdo en tant que chroniqueur.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.