Presse
En souffrance en 2017, la presse haut de gamme trouve un nouveau souffle avec des offres éditoriales renouvelées. L’appétit des annonceurs reste aiguisé quand les titres sont créatifs ou savent se réinventer.

La presse raffinée n’a pas dit son dernier mot. En atteste l’arrivée de deux nouveaux titres dans cet univers qui intéresse les annonceurs haut de gamme : L’étiquette et Dim Dam Dom. Lancé le 18 octobre par So Press (So Foot, Society) et dirigé par Marc Beaugé, chroniqueur de M Le Monde et Quotidien, le premier est un semestriel siglé « guide de l’élégance masculine ». Il a dépassé les 60 000 exemplaires en moins de deux mois, selon son éditeur. « On va finir à 80 000 exemplaires, se félicite Marc Beaugé. Ce journal n’est pas un produit marketing pour les 500 personnes du milieu de la mode. On vise qualité et indépendance éditoriale pour séduire des lecteurs. Les annonceurs viendront ensuite. »



Style et vintage

Ils sont pourtant déjà 25 à avoir pris une page dans le premier numéro, malgré le refus de Marc Beaugé pour les petits arrangements du milieu. « On a dit non à des marques qui voulaient nous imposer de photographier des total look en échange de pubs. On a pioché des pièces anciennes qu’on préférait aux pièces de saison pour rester maître de notre stylisme. » Résultat : un journal  inspirant qui fait la part belle au style et au vintage plutôt qu’au business d’un milieu dont l’image s’est ternie auprès des lecteurs. « Trop de journaux de mode n’ont plus de sens, confie Marc Beaugé, car la mode y est achetée par les annonceurs. D’ailleurs, même eux en reviennent. »

Autre pari ? Dim Dam Dom, de Laurent Blanc, éditeur d’Idéat et de The Good Life. Son trimestriel au papier et à l’esthétique léchés est dédié au « slow living ». « Perdre son temps et prendre celui de lire un magazine écrit comme un bouquin, ce sont des luxes ultimes », explique l’éditeur, ravi de ses 430 000 euros net de pub pour le numéro 1. « Les annonceurs et les agences ont été top. C’est un carton plein avec des pubs Lancôme, Piaget ou Volvo faites sur mesure. Finalement, ça devient branché de sortir un magazine papier. On visait 250 pages pour le numéro 1, il en fait 338 grâce à 120 pages de pub. J’ai l’impression de rêver tellement c’est fou. Alors pourquoi pas Cartier et Rolex, qui boudent toujours les lancements dans notre numéro 2 qui sortira le 28 février. Avec So Press et d’autres, nous sommes une génération de petitséditeurs, loin des grands groupes qui sont aujourd’hui un peu en démantèlement. »

De quoi faire rêver l’ensemble des magazines haut de gamme, même si, comme le rappelle Sabine Desmarquets, directrice d’études chez Kantar Media, cette famille de presse n’existe pas en tant que telle. Elle a cependant identifié pour nous 35 titres. En termes d’investissements publicitaires, le print luxe est à − 6% entre janvier et septembre 2018 versus janvier et septembre 2017, comme l’ensemble de la presse. Il représente 10% des investissements publicitaires dans la presse mais 24 % dans la presse magazine. « Il y a une attractivité évidente des annonceurs pour ces titres : 30 % y sont présents », souligne Sabine Desmarquets.

 

La mode en patron

En termes d’insertions, le premier secteur est la mode (27% et − 4% en 2018 versus 2017), suivi par la beauté (13%, − 9% vs 2017), la culture-loisirs (12% et − 7%) et le design (9%, − 4%). Ces quatre secteurs représentent 61% du portefeuille. « Cela créé une surpression et une dépendance économique forte. » Dans le trio de tête des insertions, on trouve Lancôme, suivi de Dior et Chanel couture. En termes d’investissements, la mode représente 41% des revenus publicitaires bruts (contre 16% pour toute la presse) et la beauté 19% (contre 9% sur toute la presse). En revanche, le secteur de la banque est quasi-inexistant (0,4%) contre 5% pour la presse. Un territoire à explorer pour ces titres ? Enfin, les dix premiers titres de presse récoltent 76 % des dépenses et 67 % de la pagination du secteur. Reste donc moins d’un quart des investissements pour une kyrielle de titres de niche, dont le public aisé est aussi friand. Car l’affinité entre lecteurs de presse haut de gamme (11,2% des Français) et classe aisée est évidente.

De son côté, le groupe Le Monde, avec son magazine M, a tiré tout son parti d’un positionnement mode et style de vie qui séduit de plus en plus les annonceurs luxe. « Notre titre (50% lifestyle, 50% actu) s’est féminisé (+30%). Notre chiffre d’affaires publicitaire progresse encore en 2018 avec le secteur mode-accessoires en tête et de belles croissances en design, bijouterie-joaillerie et maroquinerie», souligne Elisabeth Cialdella, directrice générale adjointe de M Publicité. « Nos deux plus gros numéros annuels sont désormais les deux spéciaux mode femme avec plus de 60 pages de pub. Suivent les deux numéros dédiés à la mode masculine », ajoute Valérie Lafont, directrice luxe international à la régie M Publicité. Cette progression repose sur un positionnement singulier, adossé à une marque emblématique qui touche les hauts revenus. Pour les éditeurs, il reste donc à (re)trouver le bon format éditorial pour séduire à la fois les annonceurs et les lecteurs.

Le top 15 des titres (évolution de l’investissement, du nombre de pages et d’annonceurs)

 

                        PAGES

Évolution de

l'investissement

en euros

Évolution

du nombre

d'annonceurs
  2017 2018 Évolution
ELLE 2 148 2 182 2% -1% 2%
MADAME FIGARO 1 565 1 555 −1% 0% -1%
PROPRIÉTÉS LE FIGARO 1 696 1 429 -16% -42% -2%
GALA 1 101 1 033 -6% -6% -11%
VOGUE 964 899 -7% -5% -6%
IDÉAT 732 730 0% 1% -4%
MARIE CLAIRE 800 681 -15% -12% -9%
ELLE DÉCORATION 482 462 -4% 3% -5%
CONNAISSANCE DES ARTS 456 455 0% -1% -5%
COSMOPOLITAN 568 443 -22% -18% -4%
PSYCHOLOGIES 444 440 -1% -3% -6%
MARIE CLAIRE MAISON 383 401 5% 4% 0%
BEAUX ARTS 352 377 7% 3% 4%
DIAPASON 331 365 10% 6% -2%
GQ 429 325 -24% -24% -24%
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