Francophonie
La désignation de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’organisation internationale de la francophonie pose la question du rôle des médias francophones en Afrique.

Une ancienne professeure d'Anglais nommée secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie [OIF] : ce n'est pas le seul paradoxe de l'élection, le 12 octobre, de Louise Mushikiwabo à la tête de l’institution qui compte 61 États membres, et 27 observateurs. Pour diriger cette communauté de pays ayant le français en partage, et comprenant 300 millions de locuteurs, le principal bailleur de fonds, la France, a fait le choix de la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, pays du Commonwealth où la langue anglaise a remplacé le français comme langue d'enseignement.

Désamour envers les médias

Cette nomination fait craindre pour la défense de la liberté d'expression, qui relève des missions de l'OIF, sous la houlette de l'ex numéro deux d'un régime dirigé d'une main de fer par Paul Kagamé. L'OIF « va t-elle pouvoir favoriser le pluralisme des médias et la liberté de la presse, conformément à ses objectifs en matière de droits de l'homme, si elle est dirigée par l'une des principales dirigeantes d'un État qui piétine le droit à l'information et réprime les journalistes ? » interrogeait en juillet Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
« On est venu de très loin, rétorquait l'intéressée le 20 septembre sur TV5, surtout par rapport à la liberté de la presse où pendant très longtemps, même jusque très récemment, il y avait beaucoup de confusion entre la pratique normale, classique des médias, et la politisation des acteurs médiatiques au pays ». Le Rwanda, 156e sur 180 dans le classement de RSF, qualifié par l'organisation de « l'un des pires systèmes de répression à l'égard des médias », s'est doté d'un nouveau code pénal qui prévoit deux ans de prison pour tout outrage à un parlementaire ou un agent public et cinq à sept ans d'emprisonnement en cas d'injure ou de diffamation envers le chef de l'État. En clair, la caricature du président y est interdite.

Francophonie de conquête

Emmanuel Macron a parlé sur RFI de « francophonie de conquête ». Son pari ? Que Kagamé se sente obligé par les valeurs de l'OIF – et par la France -, comme il l'a montré en libérant 2000 prisonniers politiques. « Quand la francophonie est un club très fermé, où quelques-uns donnent des leçons aux autres, cela ne produit aucun résultat », a-t-il lâché. Pour lui, la francophonie doit prendre sa place aux côtés de l'anglais, langue des affaires, et se concentrer sur la dimension économique plutôt que politique. Message reçu 5 sur 5 par Louise Mushikiwabo qui s'est déclarée à l'AFP « frustrée de ne pas voir assez le secteur privé francophone organisé » et soucieuse de « l'emploi des jeunes » qui touche à la fois à la « question de la migration » et à « la problématique de la radicalisation ».
Quid de la question médiatique ? Le programme « médias » de l'OIF est passé depuis 2004 de 2 millions d'euros de budget - sans compter 1,3 million pour les radios communautaires - à 680 000 euros. On n’y trouve pas de grand département des nouveaux médias, au-delà du soutien à des journaux ou à la numérisation des archives. Et l’idée d’une grande plateforme de SVOD francophone reste dans les limbes. Enfin, « que fait-t-on dans les pays autoritaires ? On défend de simples vecteurs de la langue française ou des instruments des droits de l'homme ? » interroge un haut fonctionnaire de l'OIF.

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