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Avec l’arrivée, en test, de vidéos d’auto-promotion entre deux épisodes, Netflix a ravivé la rumeur d’une intégration de la publicité. Pour les observateurs du marché, il y a fausse alerte.

Qu’est-ce que Netflix n’a pas fait! En pleine torpeur d’août, la plateforme du streaming a réveillé les aficionados avec l’intégration d’auto-promo entre deux épisodes.

Pour certains, sortis du bois pour l’occasion sur Reddit et Twitter, ça y est, la pub débarque. Un bad buzz lié à une confusion qui oblige Netflix à réagir: ce n’est qu’un test visant à promouvoir son catalogue. Mais la question reste posée: est-ce là une façon de préparer le terrain à la pub, la vraie? Il existe des arguments pour. Primo, elle aiderait à combler le tassement du recrutement d’abonnés (1,05 million d’inscrits de moins qu’attendu au deuxième trimestre, pour un total à 130 millions), ce qui a conduit les investisseurs à sanctionner le titre de 14% la même journée. En triant les annonceurs sur le volet, en calibrant les contenus promotionnels et en en dosant le volume, une intégration pourrait ne pas trop perturber les séances de binge watching.

Secundo, il s’agirait d’une autre source de revenus pour la plateforme toujours plus gourmande en productions originales (8 milliards de dollars en 2018) pour résister à Amazon, Apple et bientôt Walmart. Pendant ce temps, le site de streaming de jeux Twitch (Amazon) a annoncé l’arrivée de publicité dans son offre Prime, pourtant facturée 5,99 euros par mois. Alors?

  • Nicolas Reffait, associé spécialiste des médias chez BearingPoint: «Laisser le gratuit à d’autres»

«Ce que cherchent à valider les investisseurs, c’est que Netflix est la plateforme la plus attrayante et satisfaisante, et que cela se traduise par de la conquête et de la rétention d’abonnés. Netflix investit continuellement sur l’expérience client, et ces auto-promos en font partie car elles aident à accéder au catalogue. Les investisseurs veulent plutôt voir Netflix monter en gamme, et pas qu’il dédise son modèle économique pour se risquer à la publicité, préemptée par quelques gros acteurs, contrairement à Amazon qui aurait intérêt à le faire pour créer des ponts avec l’e-commerce. Ce qu’on gagnerait en digital dollars avec la pub, on le perdrait en vrais dollars en raison d’un risque de désabonnements. Netflix a réussi à bâtir un modèle payant, il laisse le modèle gratuit à d’autres.»

  • Philippe Bailly, président de NPA Conseil: «Ne pas lâcher la proie pour son ombre»

«Les analystes évoquent régulièrement l’arrivée de la pub sur Netflix mais j’ai du mal à y croire à court terme car la pénétration ne me semble pas suffisante dans tous les pays. On l’estime à 20% des foyers par exemple au Royaume-Uni. Avec le ralentissement de la hausse du recrutement au deuxième trimestre, la publicité risquerait d’amplifier le phénomène. Enfin depuis plusieurs années, Netflix a envoyé des signes de premiumisation avec des hausses tarifaires notamment. Netflix ne doit pas lâcher la proie pour son ombre. L’enjeu pour la plateforme est vraiment de faire connaître ses productions originales. Alors que la page d’accueil est devenue trop petite aujourd’hui, l’auto-promo est une réponse. Si Netflix veut encore augmenter ses prix, il doit s’assurer que ses abonnés ont conscience de la richesse du catalogue. C’est la raison pour laquelle il doit le promouvoir.»

  • Philippe Bigot, head of media video chez Havas Media: «Une source de fuite d’audience »

«Je ne pense pas que la publicité soit un objectif de Netlix car ils prendraient trop de risques. L’arrivée de l’auto-promo en revanche est plutôt positive car la plateforme possède une telle offre qu’il est devenu extrêmement difficile de faire un choix. Or Netflix a basé aussi son modèle sur sa capacité à recommander ses contenus. Du côté des annonceurs, il y a certes un intérêt de leur part, mais comme pour tout ce qui donne la possibilité de contacter ses clients potentiels. Et puis il faudrait pouvoir mesurer l’audience, or on ne sait pas grand-chose à ce jour. Pour l’instant les annonceurs voient plutôt Netflix comme une source de fuite d’audience des canaux classiques!»

 

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