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La presse sensationnaliste britannique a joué un rôle dans Le Brexit. «Ils ont le pouvoir et l’influence pour définir l’agenda sur les réseaux sociaux.», explique Darren Lilleker, professeur à l'université de Bournemouth.

«Kevin Spacey a flashé sur un barman britannique de 19 ans, avant de lui donner sa montre à 5000 livres pour acheter son silence». Avec une diffusion de 1,5 million d’exemplaires, le Sun réussit, avec ce genre de titres, à s’imposer chaque jour comme le leader des tabloïds. Il devance le Daily Mail (1,3 million), suivi du Daily Mirror (564000), du Daily Star (370000), du Daily Express (340000) et du Daily Record (129000). Au total, en mai, 4 millions d’exemplaires ont été vendus quotidiennement par les six tabloïds britanniques.
La presse sensationnaliste fait mieux que l’information gratuite prête-à-consommer (3,4 millions d’exemplaires quotidiens imprimés pour The Evening Standard, Metro et City AM) et que la presse de qualité (un peu moins de 1,5 million d’exemplaires vendus pour The Times, The Guardian, The Daily Telegraph ou The Financial Times).

Donald Trump et le Brexit, deux séismes démocratiques

Le gras, le sexe et le scandale, se portent donc toujours très bien au Royaume-Uni. Les smartphones et les réseaux sociaux ont fortement érodé la base du lectorat payant, mais l’influence de ces journaux reste majeure, comme cela a pu être constaté lors du vote britannique sur la sortie de l’Union européenne, en 2016.
C’est à cette époque, avant même l’élection de Donald Trump, que les concepts de fake news et de post-vérités ont commencé à être précisément décrits. L’erreur commune a été de désigner les réseaux sociaux comme les principaux responsables des deux tremblements de terre démocratiques de cette année-là, en oubliant que les jeunes générations, très friandes des nouveaux médias, ont fait des choix souvent diamétralement opposés aux générations plus âgées, ferventes lectrices des tabloïds. Une certaine presse a porté une lourde part de responsabilité.
Selon Darren Lilleker, professeur à l’université de Bournemouth et auteur de Political Campaigning, Elections and the Internet: Comparing the US, UK, France and Germany, les tabloïds ont autant surfé sur cette vague algorithmique qu’ils l’ont entretenue. «Les contenus des tabloïds sont parmi les plus partagés, et ils font partie des producteurs de contenus qui contribuent au dysfonctionnement de la démocratie. Ils ont le pouvoir et l’influence pour définir l’agenda sur les réseaux sociaux.»

Les fake news, produites par «l'autre camp»

La presse dite de qualité semble être tombée dans le même piège, avec une approche opposée, consistant à «désintoxiquer» leurs lecteurs. Paradoxalement, le fact-checking constitue une extraordinaire caisse de résonance des contenus extrêmes, qui rythment ainsi l’actualité, sous des formes très diverses.
«Les fake news sont produites par “l’autre camp”, poursuit Darren Lilleker. Plus une société est polarisée, plus un camp va s’appuyer sur des biais pour déterminer la véracité d’un contenu. Les titres qui semblent le plus souffrir de cette prise de conscience sur les fake news sont ceux des médias mainstream. Ils inspirent de moins en moins confiance, notamment chez les plus jeunes.» La voie est étroite entre la presse à scandale, plus aspirée et inspirée que jamais, et, de l’autre côté du spectre, le journalisme binaire, qui véhicule l’idée qu’un contenu est soit vrai, soit faux.

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