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La presse à scandale a vécu. Pour Jean-Marie Charon, sociologue des médias, ce sont désormais internet et les réseaux sociaux qui se retrouvent au cœur de la révélation des scandales.

Comment se porte la presse à scandale en France ?

Jean-Marie Charon. Comme beaucoup de magazines, c’est un secteur qui a été particulièrement éprouvé ces vingt dernières années, même si le recul est moins sensible pour les magazines des têtes couronnées (essentiellement Point de vue et Gala) que pour les titres davantage positionnés sur le scandale au sens large. En 1997, Voici diffusait à 614000 exemplaires, aujourd’hui, 234000. Entre 2007 et 2017, la diffusion de Closer a reculé de 48% (à 243000 ex.), celle de Public de 63 % (à 159000 ex.). Pour les titres people davantage positionnés sur le faux scandale ou l’info romancée, comme France Dimanche et Ici Paris, cette baisse a été amorcée il y a pas mal d’années déjà. Cette dégringolade est évidemment à mettre en perspective avec ce qui se passe sur internet, notamment le rôle pris par les réseaux sociaux et l’apparition de sites parodiques comme le Gorafi. Le côté second degré de la presse people que les lecteurs aimaient a aujourd’hui migré vers les réseaux sociaux. L’importance prise par la vidéo a aussi démonétisé ce que la photo pouvait occuper comme place dans ces journaux.

 

Quel est aujourd’hui le média du scandale ?

Une grande partie des scandales politico-financiers de la vie française aujourd’hui s’est déportée de la presse vers internet, avec notamment la place prise par Mediapart. Dans les années 1990, c’était plutôt les quotidiens, les newsmagazines et le Canard enchaîné qui étaient en pointe pour révéler les affaires politico-financières. Au début des années 2000, il y a eu une saturation, un épuisement, voire une déception quant à l’issue de ces affaires, dont beaucoup ont débouché sur des procès décevants et des condamnations marginales. Ces titres ont alors mis de côté l’investigation, voire ont démantelé leur cellule. Après un temps de latence, certains journalistes ont eu le sentiment qu’on n’avait pas opéré cette vérification de la vie politique durant ces années. C’est dans ce contexte qu’Edwy Plenel a lancé en 2008 Mediapart, dont la force de frappe (une vingtaine de journalistes au départ) a permis de sortir beaucoup d’affaires.

 

Qu’est-ce que le numérique change à la circulation des affaires ?

Avec le développement d’internet et des réseaux sociaux, il devient extrêmement facile d’avoir accès à une diffusion. Les témoins d’un événement ou même les personnes qui ont entendu parler de quelque chose peuvent facilement faire circuler l’information. Avec la généralisation des smartphones, les personnes ordinaires ont aussi une grande capacité à capter des informations, en son ou en images, ce qui peut donner une crédibilité supplémentaire à des révélations. Enfin, pour les scandales qui atteignent les politiques, avec un réel impact sur la vie publique, comme lors de l’affaire Fillon, les réseaux sociaux jouent un rôle d’amplificateur.

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