Grand Prix Stratégies médias
Au-delà du buzz, cette opération, récompensée par le Grand Prix des stratégies médias, est le reflet d’une très bonne coordination entre les agences qui travaillent autour d’Intermarché.

Avant, la distribution, c’était ennuyeux. La communication se réduisait souvent à deux choses : des promotions pour attirer le chaland, et des valeurs martelées ici ou là dans des films à l’esprit corporate. Mais depuis deux ans, les choses ont changé. La guerre des prix est arrivée à son terme. Les marques ont compris qu’elles ne pouvaient continuer à se battre à coups de chiffres et à se targuer de quelques centimes de mieux sur un paquet de chips. Elles rentrent alors dans une bataille émotionnelle, une communication plus inspirée, allant chercher chez leurs clients des sentiments plus profonds, pour mettre en avant de vraies utilités. La quête du bon insight a remplacé les bonnes vieilles habitudes, et le goût du risque a pris le pas sur le marketing d’école. Pour certains... Résultat ? Les Grands Prix Stratégies récompensent deux distributeurs cette année. Et si Intermarché a gagné le prix de la publicité 2017 pour la campagne «L’amour L’amour», il se voit décoré du prix des stratégies médias douze mois plus tard, pour la campagne sur les bons légumes. « Nous sommes en pleine transformation, et nous opérons depuis plus d’un an maintenant une évolution de notre stratégie de communication, qui s’accompagne aussi d’une nouvelle approche de la stratégie médias », décrit Caroline Puechoultres, la directrice marketing qui tient la baguette de ce changement.



« Les Bons Légumes » est le résultat d’un trio d’organisation qui s’entend particulièrement bien. Entre Romance, l’agence créa, Zenith, l’agence médias, et Intermarché, c’est, à les écouter, une idylle de création, dans le ciel de la confiance, du respect et de la bonne communication interpersonnelle. « On a eu un coup de foudre pour Romance, raconte Pascale Miguet, la patronne de Zenith. Ils ont tout de suite eu un parti pris pour parler différemment d’Intermarché, et on a complètement adhéré. Pour émerger, il faut marquer sa singularité. Leur ligne éditoriale était totalement en rupture avec ce qu’on avait vu. Et elle nous a emballés. » Il ne faudrait pas croire que « Les Bons Légumes » est un coup d’un soir, mais plutôt l’aboutissement d’une mécanique de travail entre les trois entités. « Ce n’est que la partie émergée. Même si elle a fait le buzz, ce n’est qu’une toute petite part de ce que nous faisons sur Intermarché », résume Romain Roux, cofondateur de Romance en charge de la stratégie.

 

Émotion et raison

Depuis un an, Intermarché s’est davantage concentré sur la cible des familles. Une reconquête prioritaire dans un marché où tout le monde cherche à garder ses clients. « Les familles sont une cible très fidélisante. Quand les enfants arrivent, on trouve un nouvel équilibre, et donc on reste plus loyal à ses produits et à son enseigne », argue Romain Roux. Un point de vue qui irrigue toute la communication. « En télévision, nous nous appuyons sur deux jambes : une jambe émotionnelle pour renforcer la marque enseigne en affirmant le combat du mieux manger, et une jambe rationnelle pour défendre l’image qualité-prix, sans pour autant délaisser les médias historiques, comme la radio par exemple », détaille Vincent Bronsard, adhérent du groupement des Mousquetaires responsable de l’offre. « Ce nouveau territoire de marque que nous construisons nous a portés vers de nouveaux médias, ou des médias délaissés jusqu’alors, comme le cinéma ou l’affichage, ajoute Caroline Puechoultres. Vers de nouveaux formats, aussi, plus longs, qui permettent d’exprimer l’émotion et de faire le buzz. » Alors, quand Romance est venu présenter cette idée de faux bad buzz intitulé « Les Bons Légumes », l’enseigne n’a pas sourcillé. « Nous avons toute de suite été convaincus. Il s’inscrivait dans la tonalité de notre communication », raconte la directrice marketing.



L’agence s’est appuyée sur un ancien programme, lancé en 2006. Dans les écoles primaires, Intermarché délivre un kit pour faire découvrir les fruits et légumes de saison aux élèves. « Intermarché est la plus légitime des enseignes pour s’approprier ce secteur de communication, car les Mousquetaires sont à la fois producteurs et commerçants. C’est une force supplémentaire. On ne peut pas avoir une bon message pédagogique si on n’a pas la bonne culture pour expliquer d’où viennent les produits », insiste Pascale Miguet. « Nous n’étions pas au départ dans une logique de visibilité, mais vraiment de pédagogie, pointe Romain Roux. L’idée est ensuite née de deux insights différents : un enfant qui mange bien aujourd’hui sera un adulte qui mangera bien plus tard, et ensuite le fait que bien manger, ça s’apprend. » Le trio avait alors tout pour réussir : un annonceur qui a le goût du risque, des actions dans les écoles pour la crédibilité, une agence créa qui pétrit la marque depuis un an et une agence médias réactive. « Depuis le début de cette transformation, Intermarché nous a lancé beaucoup de défis en termes de mediaplanning », assure Pascal Miguet. Mais l’agence était déjà rompue au secteur particulier de la distribution, qui demande une veille sectorielle des plus précises, et une vivacité à toute épreuve.



Réveiller l'esprit moqueur des réseaux sociaux

« Nous avons ensuite mis en place une mécanique créative particulière, en organisant pour Intermarché un bad buzz volontaire », raconte Romain Roux. Pour la lancer, quoi de mieux que les bons vieux haters de Twitter ? En créant des affiches portant des noms de légumes désaccordés avec les photos, la marque a réveillé l’esprit moqueur et donneur de leçons du réseau social. Et ça n’a pas raté. Très vite, les remarques pleuvent. Et comme souvent, beaucoup plus vite que l’agence ne le pensait. Mais pour révéler la supercherie, Romance avait préalablement réalisé un film mettant en scène des enfants, face aux légumes, priés de les nommer. Évidemment, patatras… Les bambins n’y connaissent rien ! La marque délivre alors son message : « Mieux manger, c’est comme tout, ça s’apprend. » 



« L’avantage du numérique, c’est que l’on peut recibler », explique Romain Roux. Notamment les internautes qui avaient interagi négativement avec la marque. Tout cela en posts sponsorisés pendant vingt-quatre heures sur les réseaux sociaux. Dans cet intervalle, le film fait 1,5 million de vues. Mais la mécanique de partage fonctionne, et le film en réalisera au total 3,7 millions. « L’engagement a tourné autour de 5%, quand en moyenne une marque est à 1% », détaille Romain Roux. Emballé par la qualité du film, et avant même l’opération, Intermarché a décidé de le passer en télévision, ce qui multipliera l’impact de la campagne. En interne, très peu de personnes ont été mises au courant de l’opération.



Pourtant, en parallèle, elle se décline en magasin. Loin de se limiter à une vidéo d’enfants attendrissants – l’erreur d’un enfant touche toujours au cœur celui qui sommeille dans l’adulte –, la marque a concrétisé son approche dans les rayons « avec des sachets de légumes origine France préremplis et estampillés “Les Bons Légumes", relate Vincent Bronsard. Ils étaient accompagnés de l’histoire des légumes et d’une idée de recette. » C’est cette mécanique sociale, affichage, télévision et point de vente, que le jury a tenu à récompenser. Mais aussi et surtout une mécanique d’agences qui fonctionne à merveille. Et les chiffres s’en ressentent. Intermarché ne cesse de progresser depuis un an, avec désormais 14,6% de parts de marché selon Kantar Worldpanel. Des clients plus fidèles, et un panier moyen en augmentation de 2,2 euros en avril dernier…

Entretien

 

« Notre communication est placée sous le signe de l’audace »

 

Caroline Puechoultres, directrice marketing et stratégie d'Intermarché

Vincent Bronsard, directeur de l'ensemble de l'offre Intermarché

 

Faire un bad buzz, même contrôlé, pour une marque, n’est-ce pas dangereux ?

Certes, il y avait une prise de risque avec la fausse campagne d’affichage et les faux posts Facebook contenant des erreurs, mais c’est ce qui donnait tout son sens à la campagne, et permettait justement son émergence. Depuis le lancement de « L’amour L’amour », notre communication est vraiment placée sous le signe de l’audace. C’est important pour nous de continuer à surprendre, quitte à prendre parfois, en effet, quelques risques. 



Quels sont ces risques ?

Avec le digital, tout va très vite. Et l’enjeu réside dans la bonne maîtrise du timing pour ménager les effets. Nous avons été extrêmement attentifs aux réactions sur les réseaux sociaux. Tout l’équilibre, c’est de laisser le temps à la mayonnaise de prendre auprès du grand public avant la révélation au plus grand nombre.



Le risque est-il plus complexe à approcher dans un groupement d’adhérents ?

Au contraire, le risque fait partie de notre histoire, puisque nous sommes un réseau d’entrepreneurs. Mais nous arrivons à le maîtriser collectivement avec la force du groupe.

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