Audiovisuel public
On attendait des coupes claires dans les budgets de l’audiovisuel public et l’édification, à marche forcée, d’une présidence unique. Mais c’est une chaîne de moins et des offres numériques qui émergent du scénario d’anticipation voulu par le gouvernement.

Pas de réforme sans méthode. Celle de Françoise Nyssen consiste à convoquer « une conférence de presse » le 4 juin où s’expriment tous les présidents de l’audiovisuel public et à s’éclipser très vite sans répondre aux questions des journalistes. Avantage, tous les médias peuvent se concentrer sur les offres numériques communes esquissée par la ministre sans traiter de sujets qui fâchent comme l’organisation, le financement ou la régulation audiovisuelle.  

Ce sera le rôle des trois chantiers législatifs qui n’aboutiront pas avant « courant 2019 » : la réforme de la gouvernance, la nouvelle redevance et la loi de transposition de la directive SMA [service des médias audiovisuels].

Devenir « champion du numérique »

Oubliés, donc, les 500 millions d’euros d’économies demandées par le gouvernement, tel qu’anticipé dans la presse ? « C’est trop », a commenté Françoise Nyssen à C News, assurant que le montant final serait « plus près de 300 » en 2022. Certes, la suppression du canal hertzien de France 4, voire de France Ô – si la concertation engagée avec l’Outre-mer aboutit en ce sens –, supprimera des frais, notamment de diffusion, mais le triplement de l’offre de programmes régionaux – de deux à six heures par jour – requiert des investissements. Certes, les matinales communes entre France 3 et France Bleu, qui seront expérimentées dans deux villes, permettront, à terme, de mutualiser l’offre régionale de la radio et de la télé (sept offres thématiques conjointes ont aussi été annoncées par Sibyle Veil, PDG de Radio France).  Mais la ministre veut bâtir un « champion industriel du numérique » en prévoyant dans ce domaine un investissement supplémentaire de 150 millions d’euros par an d’ici 2022. Avec 3 % des ressources, le digital ne représente encore que 11 % du budget numérique de la BBC. 

Pour ce qui est des plateformes en ligne annoncées, la plupart sont des reformatages en commun d’offres existantes. Ainsi, le « nouveau média pour les jeunes », tourné vers les 13-30 ans, reprendra les contenus de Mouv’, de Slash, de Mashable ou de Studio 4, même si des formats innovants et des web-séries sont aussi annoncés. « Manquer cette génération, c’est manquer les suivantes », a avancé la ministre, en rappelant qu’un tiers des jeunes échappent au service public.

Toucher la Génération « quand je veux »

Outre un « média des arts et de la culture », dès la fin juin, une plateforme éducative sur la base d’Educ’Arte ou un espace « vrai ou fake » de décryptage des fausses nouvelles sur Franceinfo, une offre délinéarisée pour enfants se substituera, sous une marque unique et « sans publicité », à France 4. La BBC, qui a supprimé le canal hertzien de sa chaîne pour jeunes adultes BBC Three, est citée en exemple pour la valorisation de ses œuvres sur internet. L’objectif de Françoise Nyssen est ainsi de toucher les « digital natives, la génération du quand je veux ». Pour y arriver, la ministre attend « gains d’efficience », « synergies » et bien sûr « des économies pour financer les priorités »

Une mission de concertation se penchera jusqu’à mi-juillet sur les enjeux des Outre-mer, l’audiovisuel extérieur et la coopération entre France TV et Radio France autour d’une offre de proximité. Son animatrice ? Catherine Smadja, « qui a passé plus de dix ans à la BBC ». La BBC, encore et toujours…

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