Presse
Dans un rapport prospectif sur la transformation digitale de la presse publié l’an dernier, le New York Times préconisait une implication plus forte du lecteur. En France, certains l’expérimentent déjà avec succès.

Le lecteur d’aujourd’hui est sans conteste un homme nouveau. Connecté et créateur de contenus, il vit l’information, la relaie, la commente, avec une implication sans failles. Ce nouveau contrat relationnel, des journalistes comme Jean-Guillaume Santi, responsable des éditions Snapchat Discover pour Lemonde.fr, le ressentent au quotidien : « Nos jeunes lecteurs se sont totalement approprié le média. Les mordus d’actualité nous interrogent comme un moteur de recherche, les autres sur des sujets de société qui peuvent cacher une angoisse plus personnelle, comme le harcèlement à l’école par exemple. Nous répondons à chacun en apportant l’information journalistique nécessaire ou en orientant vers les bons interlocuteurs. » Loin de contester ce dialogue d’égal à égal, Jean-Guillaume Santi lui reconnaît des vertus nouvelles : « Sentir le pouls de son lectorat brise une sorte d’entre-soi et permet de mieux cerner les attentes en termes d’information. » 

Pour certains magazines, c’est dans cette richesse inattendue que se trouve probablement le modèle de demain, et les expérimentations se multiplient. Marianne, par exemple, a souhaité remettre le « mariannaute » au centre de son offre éditoriale, notamment sur le pendant numérique. « Nous observions que nos lecteurs étaient engagés et nombreux à souhaiter s’exprimer, en proposant leur témoignage ou en rédigeant de longues contributions sous les articles, relate Delphine Legouté, rédactrice en chef du site. Il était important de les encourager en leur offrant un espace de débat dédié. » Depuis la refonte du site, une dizaine de contributions par semaine et quelque 50 000 commentaires par mois sont scrutés et remontés en conférence de rédaction, pour aller parfois jusqu’à la publication. Un élan que le magazine compte bien amplifier rapidement. 

Aller plus loin

Récemment, Ebdo et son directeur de la stratégie numérique Maxime Guedj ont poussé d’un cran l’expérience : « Nous avons un parti pris très fort, qui consiste à diffuser exclusivement notre contenu sur papier pour ne consacrer notre site qu’au renforcement de notre proximité avec nos lecteurs. » Pour ce faire, deux rubriques phares : « La Fabrique », qui lève le voile sur le quotidien de la rédaction, et surtout « La Source », espace où l’abonné peut proposer sa contribution. Celle-ci pouvant ensuite être utilisée pour réaliser certains papiers sociétaux, le principe induit de nouvelles manières de travailler : « Le numérique nourrit la rédaction, l’inspire et la pousse à se remettre en question », explique Maxime Guedj. Preuve en est le mois dernier, quand Ebdo n’a pas hésité à publier quelques-unes des 200 remontées les plus significatives du lectorat sur l’affaire Nicolas Hulot pour y répondre point par point. Loin des critiques politiques et médiatiques, seuls ces avis semblaient finalement compter. Le dialogue comme nouveau mode de traitement de l’actualité, le pari est osé, mais la tendance est bien là. D’autres titres suivront-ils ?

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