Audiovisuel
De nouveaux formats vidéo émergent, boostés par le succès des pure players. Les groupes de télévision s’en emparent aussi, pour combiner le meilleur des deux mondes.

En se réunissant, haut débit, réseaux et smartphone ont fait émerger l’usage de la vidéo en mobilité. Une pratique en constante augmentation, souligne Gilles Galud, directeur général de Studio + (Canal +) : « La durée moyenne de visionnage de vidéos était inférieure à dix minutes il y a deux ans, elle est aujourd’hui de quinze minutes pour 60 % des internautes et elle va sans doute arriver à vingt minutes dans un an. » Une opportunité qu’a su saisir une nouvelle génération d’opérateurs, tels Brut, NowThis ou PlayGround, en introduisant de nouveaux formats, courts et incisifs, qui font mouche sur les réseaux sociaux.
Ces nouveaux venus n’inquiètent pas pour autant les acteurs traditionnels. « Les pure players viennent élargir le paysage, injecter de la créativité, de l’expérimentation et enrichir les pratiques, commente Antonio Grigolini, directeur programmes et social TV de France Télévisions. C’est un phénomène positif pour le public et plus une stimulation qu’une concurrence frontale. Nous avons d’ailleurs collaboré avec eux. » Pour capter ces 15-40 ans ancrés dans leur mobile et les réseaux sociaux, les acteurs historiques n’hésitent pas à créer de nouveaux formats et à investir de nouveaux champs narratifs. Alors que TF1 joue sur le vertical pour ses contenus diffusés sur Facebook, France Télévisions lance des documentaires au format 10 x 10 minutes et des fictions interactives utilisant des casques de réalité virtuelle. Des choix qui tiennent aussi au contenu.


Le 10 x 10 minutes en tête

Pour Studio +, le format 10 x 10 minutes va clairement s’imposer. « De nombreux grands studios américains sont en train d’acquérir ce nouveau savoir-faire en se rapprochant de petits acteurs, très digital natives, observe Gilles Galud. C’est le cas de Warner Digital, NBCUniversal et Snapchat, ou d’autres comme Jeffrey Katzenberg, qui a quitté DreamWorks pour ne faire que des fictions 10 x 10 avec sa nouvelle structure. Nous sommes en pleine révolution des usages, des modèles de création, de production et de distribution. »
Un mouvement général dont les acteurs du PAF comptent également profiter. France Télévisions mise ainsi sur « deux plateformes, avec Studio 4, dédiée à la fiction et l’animation ; et IRL, qui porte un regard d’auteur particulier, engagé sur la société actuelle et future, avec #DataGueule, La Barbe ou Cam Clash », détaille Pierre Block de Friberg, directeur des nouveaux contenus et de l’innovation.
Le groupe TF1 fait lui le pari que les audiences peuvent passer d’un écran à l’autre grâce au contenu. D’où l’introduction par exemple de pastilles créées par Lolywood sur NT1. « Avec ses 1,7 million d’abonnés, sa communauté forte et engagée, Lolywood avait sa place sur la chaîne, explique Céline Nallet, sa directrice générale. Ils ont des sketchs très écrits, comme en télévision, et se démarquent de la production habituelle dans le digital. » Ce premier pas s’inscrit dans une stratégie globale. « Nous allons soutenir le développement de MinuteBuzz et continuer à activer les passerelles, poursuit Nicolas Capuron, directeur transformation digitale, data et marketing digital de TF1. Nous devons renforcer la phase amont pour mieux combiner diffusion antenne et digitale, mais aussi avoir plus de production digitale qui puisse irriguer l’antenne. »


Un générateur de lien social

Comment tirer le meilleur parti de ce nouveau champ des possibles ? Studio + mise sur l’évasion visuelle, les personnages atypiques et l’intégration des coûts dès l’écriture. « Le coût moyen d’une minute revient à 10 000 euros, contre 120 000 dollars pour Game of Thrones », précise Gilles Galud. Avec 34 fictions réalisées depuis deux ans, la filiale de Vivendi revendique déjà 5,6 millions d’abonnés dans le monde. France Télévisions mise, pour sa part, sur une approche « service public », assure Pierre Block de Friberg, en « s’attachant toujours à parler de la différence, de la famille et des évolutions de la société ». Pour IRL, le groupe travaille ainsi actuellement à des séries documentaires sur les fake news ou sur le quotidien des avocates commises d’office.
Une approche qu’Antonio Grigolini rattache à une ambition spécifique : « Dans notre société qui a tendance à s’atomiser, nous devons prendre en compte des attentes spécifiques, mais en gardant cet objectif de générer du lien social à travers nos contenus. Ce n’est pas simple, mais c’est possible. » TF1 mise de son côté sur un développement tous azimuts. « Ce qui nous différenciera, explique Nicolas Capuron, ce sont les moyens et la qualité de production, la capacité à diffuser et nos talents. Nous allons aussi développer des chaînes comédie, évasion-voyage, mode-beauté, gaming et food. »
Avec un élargissement rapide de l’offre, les acteurs traditionnels affichent surtout un double objectif : maximiser leur présence sur les réseaux et l’agréger à l’audience de leur antenne traditionnelle.

« Attention à la question de la valeur »

Christophe Brossard, CEO de MEC Global France 

Quel regard portez-vous sur les évolutions en cours ?
La première réponse aux enjeux actuels pour les médias historiques est d’établir une feuille de route pour l’innovation avec un plan d’action et un budget. C’est une démarche que nous ne voyons pas assez souvent. La seconde est de vérifier si ces nouveaux formats et usages présentent une viabilité économique de long terme. Il faut faire attention à la question de la valeur. Dans le cas des nouveaux acteurs social natives, la data et la relation avec les utilisateurs restent la propriété des plateformes.
Quel intérêt présentent ces nouveaux usages pour une agence média ?
Nous sommes très attentifs au niveau d’engagement et de partage avec ces nouveaux acteurs social natives qui émergent, puisque nous avons moins de benchmarks que pour les acteurs plus établis. Nous avons testé les dispositifs proposés par Brut ou MinuteBuzz pour plusieurs clients et les résultats sont positifs. Ils avancent sur des territoires différents, ils inventent et ils « tapent » plus juste et plus vite. Mais il y a des éditeurs encore plus traditionnels que les chaînes TV, à l’instar du Guardian, qui lancent des innovations très impressionnantes comme récemment l’utilisation de la réalité virtuelle pour le journalisme de qualité.

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