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La revue, qui vient de passer d'un rythme semestriel au trimestriel, explore le passé proche des années Pompidou et VGE. Elle est destinée aux «vieux de 27 à 87 ans».

A partir de quel moment devient-on un croulant, un fossile, une vieille peau? Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie: selon Schnock, qui se présente comme «la revue des vieux de 27 à 87 ans», on aborde le rivage des gérontes dès l'âge canonique de 27 ans.

Ce «mook» (contraction de magazine et de book) a été lancé il y a un an par deux journalistes pourtant dans la fleur de l'âge, Laurence Remila et Christophe Ernault. «L'idée nous est venue de manière très informelle, au fil de discussions, qui pouvaient commencer à l'heure de l'apéro et finir tard dans la nuit...», raconte Laurence Rémila, qui officie dans un magazine plutôt jeune et branché, Technikart.

Dans chacune de ses livraisons, Schnock se choisit pour figure tutélaire un personnage fort en gueule, un peu anar, un peu cossard qui ne rime pas a priori avec branchitude: après Jean-Pierre Marielle et Amanda Lear, Jean Yanne se voit consacrer 50 pages du dernier numéro, paru le 23 mai.

«Nous nous sommes rendu compte que ce qui nous intéressait le plus, c'était souvent les articles "hors actu": des enquêtes qui paraissent souvent l'été. Quand tel journaliste partait sur les traces de Jean-Paul Sartre au Havre, par exemple. Ou encore les articles fleuves de Vanity Fair, avec un Sam Kashner qui enquête, plus de quarante ans après les faits, sur les coulisses de la production de la comédie Les Producteurs de Mel Brooks.»

Postulat de départ: offrir aux lecteurs la possibilité «d'échapper à l'hystérie de l'époque en faisant un pas de côté et en tournant poliment le dos au jeunisme ambiant». En ouvrant grand les bras, en revanche, aux égéries, célèbres (John McEnroe, «Un dangereux gaucher») ou obscures (Bernard Dumaine, ce «Soldat inconnu du cinéma français») des années Pompidou, VGE et Mitterrand.

L'on y apprend par exemple la genèse du lapin de la RATP, qui fête ses 35 ans, par son auteur, Serge Maury. On y découvre aussi les endroits où l'on peut encore trouver une espèce en voie de disparition: les buveurs de Suze, apéritif star des années 1980 tombé en désuétude. «Pour notre première couverture, Jean-Pierre Marielle incarnait une sorte d'idéal Schnock, un peu grivois et un peu caustique, certes – mais surtout avec une œuvre derrière lui digne de réexploration», explique Christophe Ernault.

Lorsque les deux fondateurs ont commencé à démarcher les maisons d'édition, on leur opposait des termes bien peu pompidoliens: «Certains éditeurs nous demandaient un business plan. Nous sommes partis en courant». C'est finalement la maison d'édition La Tengo qui sort le premier numéro, au départ semestriel et distribué par UD Diffusion (Flammarion).

Fort de ventes au numéro (vendu 14,50 euros) autour de 12 000 exemplaires (selon l'éditeur), et d'un accueil enthousiaste de la critique, des libraires et des lecteurs, Schnock est passé à un rythme trimestriel dès son deuxième numéro. «Cela nous a permis de nous professionnaliser un peu plus rapidement que prévu», expliquent Laurence Rémila et Christophe Ernault.

Avec une vingtaine de contributeurs, journalistes, romanciers, critiques rock et photographes, et une mine, celle de la nostalgie abrasive, quasi-inépuisable, la question de passer en mensuel se pose. Mais les fondateurs ne sont pas particulièrement désireux de quitter leur circuit de distribution pour être distribués en kiosque, ni d'accélérer le rythme, ni de «courir après la publicité». Il faut bien que vieillesse se passe.


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