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Longtemps contesté, persécuté par la justice, Denis Robert a finalement conquis une légitimité à la suite de l'affaire Clearstream. Il n'est pas pour autant tenté de retrouver les salles de rédaction.

Son dernier courrier a été pour François Hollande. «Je lui ai juste donné un chiffre: 30 000 milliards d'euros. C'est le montant que Clearstream et Eurostream ont dans leurs caisses». Denis Robert le déplore: «Les hommes politiques prétendent tous vouloir s'attaquer à la finance, mais ils n'ont aucune culture de tout cela. Lorsqu'ils disent qu'ils vont combattre les paradis fiscaux, cela ne veut rien dire: on ne peut pas lutter contre des leurres.»

On l'a conspué, taxé d'affabulations, poursuivi sans relâche: 62 procès, 300 descentes d'huissiers au compteur. Denis Robert a longtemps endossé le rôle du paria. «Aujourd'hui, j'ai la carte, je suis invité partout, même si je ne vais nulle part.» Le journaliste d'investigation, présent le 23 mai lors d'une conférence organisée par l'Association du prix Albert Londres intitulée «Presse et pouvoir: le pot de terre contre le pot de fer», a payé au prix fort son statut de franc-tireur. En 1995, il quitte Libération. «A la fin des années 80, Libération était le journal le plus cool de France», se souvient-il, non sans une certaine émotion. J'y ai pourtant rencontré les plus grandes difficultés. J'ai dû affronter les Diafoirus de la presse, qui m'accusaient de faire monter le FN en dénonçant les politiques véreux.»

Comme l'ex-ministre Gérard Longuet, bénéficiaire de largesses de la Compagnie générale des eaux, grâce auxquelles il avait financé sa villa tropézienne. «A Libé, il fallait tout judiciariser», lâche-t-il. Dans le cas Longuet, je me suis arrangé pour faire diffuser les informations dans le circuit judiciaire... On a fini par publier un article titré “La justice s'intéresse à la villa de Gérard Longuet”, ce qui évitait le procès en diffamation».

A l'époque, raconte l'écrivain - auquel on prête un ego conséquent -, «Je pouvais faire démissionner des ministres, j'étais constamment sollicité par les télévisions et la radio». Un beau miroir aux alouettes, dont Denis Robert choisit de s'arracher. «J'étais dans l'écume des choses. J'avais l'impression de me renier. J'ai voulu quitter ce journalisme-là.» Avec vingt ans d'avance sur l'explosion de la blogosphère et de l'ère du «personal branding», il décide de devenir son propre média, et effectue un virage vers l'édition, aux côtés de son ami Laurent Beccaria, fondateur des Arènes. «Les livres relataient ce que les journaux ne racontaient pas», estime-t-il. Le fait de ne plus être journaliste, de ne plus être dans la captation d'informations m'a permis d'avoir un accès privilégié à des sources financières ou judiciaires». Son livre Pendant les affaires, les affaires continuent révèle Denis Robert au grand public en 1996. «Là encore, on m'accusait de vouloir faire de l'argent...», grince-t-il.

Le destin de Denis Robert porte le nom d'Ernest Backes. La rencontre de l'écrivain avec le cadre de la chambre de compensation Clearstream, au Luxembourg, le plonge dans ce qu'il appelle «mon pic de Dante à moi», l'affaire Clearstream, qui donnera lieu à la parution de Révélation$. «Lors de la deuxième affaire Clearstream, j'ai été pris dans un shaker politique, coincé entre deux cabinets noirs... Il était plus facile de me battre contre les financiers que de me retrouver dans ce combat de chiens entre deux types, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, avides de pouvoir.

Aujourd'hui, Denis Robert tourne un documentaire qui suit pendant un an des étudiants en journalisme. «La première chose que je leur dis, c'est les dissuader de faire ce métier!» Et il envisage désormais l'avenir avec sérénité. Sa quiétude financière est assurée par le succès d'un de ses ouvrages, sorti en 2000, traduit en 14 langues et prochainement adapté au cinéma. Un livre érotique, intitulé Le Bonheur...

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