Etude
Le livre blanc «Valeurs de la presse, ses audiences, sa data», publié par Weborama et Ipsos, montre que si le média a subi la révolution digitale par son impact sur ses revenus publicitaires, il peut tirer parti de la data pour qualifier son audience.

Tout est encore possible! La lecture du livre blanc «Valeurs de la presse, ses audiences, sa data» de François Mariet, professeur à Paris-Dauphine en gestion des médias, publié par Weborama et Ipsos, donne la mesure des atouts, mais aussi des difficultés auxquelles est confrontée la presse dans un monde digital. Pourtant, les atouts ne manquent pas. Couvrant tous les domaines d’intérêt de ses lecteurs, la presse informe, éduque, divertit et son «rayonnement social et intellectuel (…) est tel qu’elle est le principal média de référence des autres médias: c’est dans la presse que se positionnent les dirigeants de la radio, de la télévision, du web et de la publicité extérieure.»

Mais comment tirer parti de ces atouts dans un monde digitalisé qui a rebattu les cartes et bousculé les frontières? Le papier est désormais relégué à l’arrière-plan, supplanté par le mobile, qui a capté 71% du trafic internet en 2016, et la profusion d’images ou de vidéos, dont la presse tente elle aussi de tirer parti en créant des contenus ad hoc. La notion traditionnelle de lectorat est brouillée. «Au sens strict, [il] n’est plus qu’une partie de l’audience de la presse», constate François Mariet.

Les géants du Net posent d’autres défis redoutables. En y exposant leurs contenus, les éditeurs risquent de perdre la maîtrise de leur image de marque et de voir leur notoriété diluée. Autre risque plus grave, la presse risque de contribuer à tarir ses propres ressources: selon une étude Pivotal Research portant sur les investissements dans le digital (hors Chine), citée par Avertising Age en octobre 2016, «Google et Facebook détiennent ensemble 72% des revenus publicitaires mondiaux et bénéficient d’une intrication féconde avec les plus grands des annonceurs,parfois intégrés aux départements marketing et toujours étroitement alignés. Pourtant, les contenus qui génèrent de l’audience proviennent essentiellement de la presse.»

Agréger la data pour «remembrer» l’audience

Est-il encore possible pour les éditeurs de tirer leur épingle du jeu? Oui, en faisant évoluer les modes de production journalistique, comme le prouve The Washington Post de Jeff Bezos, qui a créé Heliograf, le robot-rédacteur qui a couvert les JO de Rio, ou Arc Publishing, un CMS commercialisé auprès d’autres éditeurs.

Mais l’enjeu vital est celui de la data, souligne François Mariet: «Il faut une collecte large et continue qui va permettre de “qualifier” l’audience et ensuite de personnaliser le contenu et le ciblage des articles. Il faut procéder à une révolution technologique, mais aussi de l’état d’esprit, car c’est un enjeu stratégique.» Elle seule permettra d’effectuer un «remembrement» d’une audience encore émiettée et dispersée. Il sera alors possible de déterminer sa valeur réelle, préalable à une juste rétribution et un rééquilibrage des relations avec les géants du web dont François Mariet rappelle l’ambition déçue de devenir des médias à part entière.

Si l’intelligence artificielle n’a pas encore su combler leurs attentes, le futur reste ouvert. La presse doit donc accélérer sa mue et maîtriser sa data pour devenir un acteur capable de valoriser correctement sa contribution à l’économie digitale.

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