Dossier Publicité extérieure
Tout en entreprenant un travail de fond pour une meilleure qualification de leurs audiences, les acteurs de la communication extérieure ouvrent le chantier du programmatique.

C'est une start-up bordelaise qui a déjà levé 850 000 euros en octobre qui pourrait uberiser l'affichage. Displayce opère grâce à une DSP («demand side platform») qui revendique un inventaire de 28 600 panneaux digitaux et la possibilité de toucher 21 millions de contacts par jour. Sa particularité? Elle assure des ciblages très fins grâce à la data et automatise l'achat. Et elle a introduit dans l'univers de l'affichage digital une solution technologique qui vise à rendre ce média accessible à l'ensemble de l'écosystème programmatique, avec ses DMP («data management platforms»).

Offre enrichie

Programmatique. Le mot est lâché. «Chacun doit réfléchir à cet avenir dans notre secteur», estime Albert Asséraf, directeur général stratégie, data et nouveaux usages de JC Decaux. «On assiste à la mise en place des outils et des plateformes pour intégrer le programmatique», observe Alexandra Rieublan, directrice générale d'Adcity France (Havas). «Le programmatique est un projet groupe qui arrivera en France en 2018», assure Philippe Baudillon, président de Clear Channel France. «J'espère lancer la première campagne programmatique avant l'été"», affirme Valérie Decamp, directrice générale de Mediatransports. Pour cette dernière, deux conditions doivent être posées: le strict respect de la loi Sapin, dans une logique de transparence vis-à-vis des annonceurs – pour les agences médias qui achètent et revendent de l'espace – et la non destruction de valeur d'un parc digital qui n'est pas dans une démarche d'invendus à déstocker à bas coûts. «C'est une logique d'offre enrichie ou augmentée, complète celle qui préside aux destinées de Métrobus. Il s'agit de proposer aux annonceurs une réponse aussi “multicritérisée” que possible: telle femme de 30 à 60 ans fait-elle du sport, etc.»

Pour cela, la maîtrise de la data est bien sûr primordiale. La marque a la possibilité d'apporter ses données qu'elle greffe à celles de l'afficheur ou à celles d'un acteur tiers. «On avance dans une démarche expérimentale, complète la dirigeante. Nous avons entamé des discussions avec Orange pour avoir un partenariat pour la data.» Mais pas question pour Métrobus ou Mediarail de laisser aux agences et annonceurs les clés de leur inventaire publicitaire. Le respect de la loi Evin et de ses engagements de ne pas afficher de messages à caractère politique ou religieux auprès d'entreprises publiques comme la RATP et la SNCF en dépendent. Exterion Media, de son côté, est allé assez loin en lançant en avril sa plateforme Oohtimizer, qui se propose justement de «donner le pouvoir aux agences». Ou comme le dit Jean-François Curtil, le président d'Exterion Media: «Nous sommes les seuls à mettre à disposition des agences tous nos actifs et à donner le tarif net à la face.» Heureux de ne pas imposer de réseaux tout faits, mais des solutions sur mesure, cet afficheur propose 15% de son parc dans sa plateforme automatique d'optimisation. Il espère pouvoir générer un dixième de son chiffre d'affaires par son intermédiaire à la fin de l'année. Pour l'heure, les annonceurs n'ont pas d'accès direct à la solution. «Certains clients nous poussent à l'ouvrir, ne serait-ce que pour “challenger” leur agence», observe le PDG, qui se réserve la possibilité d'un tel élargissement.

En direct et en temps réel

Au cœur de cette nouvelle industrie programmatique en construction, une nouvelle qualification des audiences. Assurées par Affimétrie, celles-ci reposent sur un panel de 5 500 individus, essentiellement sur le mobilier extérieur, et apportent des données quantitatives. Or, l’océan de data qu’apportent les marques, concédants et partenaires offre de quoi mieux les qualifier grâce à la prise en compte d’une meilleure granularité dans la connaissance du consommateur en mouvement. Via la SNCF et la RATP, Mediatransports a ainsi développé des échantillons portant sur 300 000 individus, constitués des usagers passant le portillon d’une station, par exemple. Avantage: la qualification de l’audience se fait alors par station et gare. Valérie Decamp a l’ambition que ces données soient agrégées à Affimétrie en 2018. L’idée est de modéliser des parcours voyageurs qui tiennent compte non seulement des profils sociodémographiques, mais aussi des points de contact.

Dans le métro de Londres, Exterion Media a passé un accord avec l’opérateur mobile Telefonica pour délivrer des audiences extrêmement qualifiées grâce à des données collectées en temps réel. La synchronisation de leur recueil avec les smartphones des voyageurs se révèle donc précieux. «Ceux qui ne sont pas capables de délivrer de la donnée ne sont pas dans les plans médias», note Jean-François Curtil.

Clear Channel, qui gère les métros de Lille et de Lyon, est aussi dans une démarche de «réchauffement» de ses données, pour l’heure essentiellement constituées de son programme Cast («consumer audience smart tracking») mis en place en 2012. «Nous voulons être un data provider de la rue, explique Philippe Baudillon, le patron de Clear Channel France. Nous avons des balises, que sont nos mobiliers. La prochaine étape est d’obtenir des données en temps réel, en direct.» A Lille, où il dispose des contrats du métro, des abris voyageurs et des panneaux digitaux, l’afficheur a installé un lab pour rapprocher la donnée de la réalité immédiate, des flux en temps réel. «On se rapproche du programmatique, note-t-il. Des annonceurs souhaitent pouvoir déclencher leurs campagnes en fonction d’un certain niveau de KPI [indicateurs clés de performance] Après des affiches qui s’adaptent à la météo pour Transavia ou Volvic, Clear Channel a ainsi développé un outil «Play» qui permet de gérer en temps réel le déclenchement d’une campagne en fonction de la présence d’un smartphone.

La combinatoire mobile-affichage

Cette donnée en temps réel que permettent d’amasser les opérateurs mobiles, mais aussi les bornes wifi ou de géolocalisation, est d’autant plus aisée qu’il s’agit d’écrans numériques. Avec ses 2 000 totems digitaux, le groupe américain estime avoir un temps d’avance pour vendre de la «qualité d’audience» et non plus simplement de la «qualité d’endroit». C’est notamment très important sur la cible des millennials, plus difficile à toucher à travers le web en raison de ses 36% d’ad-blockers. Avec le mobile, l’affichage est le moyen de les atteindre. Les stratégies de rebond entre DOOH («digital out of home») et mobile sont d’ailleurs au cœur d’un nouvel outil d’Havas Adcity, baptisé Moohbile. «L’idée est de ne plus partir de ce qui est pré-packagé par les réseaux d’affichage, mais d’être en mesure de toucher une audience qualifiée pour nos clients à travers la combinatoire mobile-affichage en fonction de l'endroit où se trouvent les cibles», détaille Alexandra Rieublan, directrice générale d'Adcity France. Tenant compte des besoins de clients, comme Leroy Merlin, particulièrement intéressé par les hommes propriétaires de maisons individuelles, Adcity Solutions est en mesure, grâce à un partenariat avec Experian, de fournir le «cluster» (un ensemble) de cible spécifique avec la volumétrie suffisante.

Les clusters sont aussi au centre de la proposition de JC Decaux dans les aéroports. Ces segments d'audience établis sur des critères sociodémographiques et géocomportementaux permettent de répondre finement aux briefs en proposant des solutions de communication pour les annonceurs. «Nous avons reconsidéré nos dispositifs publicitaires avec des tags [marqueurs] en fonction de la cible», explique Isabelle Fourmentin, directrice générale déléguée de JC Decaux Airport et JC Decaux Advertising. Coconstruits avec les marques, ces clusters permettent, par exemple, de cibler les touristes chinois, les passionnées de nouvelles technologies ou, pour Commerzbank, les hommes d'affaires allemands. Lors de leur parcours dans l'aéroport, la connexion des écrans assure aux annonceurs de choisir les emplacements les plus en affinité avec leur cible avec des contenus adaptés («dynamic content»). Grâce aux bases de données de Paris Aéroport, les 650 écrans de Roissy et d'Orly ont ainsi été marqués. «Cela permet de rentrer dans la publicité géolocalisée, adressée et en temps réel», complète Isabelle Fourmentin.

L'ère de l'audience planning

Comme le rappelle Albert Asséraf, directeur général stratégie, data et nouveaux usages de JC Decaux, cette nouvelle ère de l'audience planning prend sa source dans l'outil référent du groupe, Smart Brics, qui, depuis trois ans, offre de sélectionner les bons emplacements en fonction de la requête du client. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une personnalisation du message, mais d'une sélection de petits groupes affinitaires pour lesquels les écrans digitaux – à La Défense, Levallois ou encore Neuilly – sont en mesure d'assurer des spots de dix secondes toutes les cinq minutes. On le voit, l'affichage se mue de plus en plus en gestion d'un flux digital. Le programmatique ne peut être que la prochaine brique de l'édifice, dès lors que ce métier industriel et de plus en plus technologique aura intégré sur ses plateformes la dimension transactionnelle.

La contribution de l'affichage

Selon le Syndicat national de la publicité extérieure, l'affichage représente «15 000 emplois directs et indirects, 300 millions d'euros de redevance versées aux villes, 50 millions d'euros de taxes locales, le financement de 200 offices HLM, 100 000 abribus entretenus à 100% par les opérateurs, près de 50 monuments historiques restaurés dans Paris en trois ans et l'équivalent d'un treizième mois pour 200 000 particuliers à travers les baux».

 

Le casse-tête du mobilier urbain à Paris

Le Conseil d'Etat se prononcera en principe en juillet sur le pourvoi en cassation déposé par JCDecaux après l'annulation de l'appel d'offres pour le mobilier urbain de la capitale par le tribunal administratif de Paris, suite à un recours déposé par Clear Channel et Exterion Media. La présence de 15% de panneaux digitaux sur les 1 630 mobiliers proposés n'a pas été jugée conforme au règlement local de publicité pour ce contrat de cinq ans à 25 millions d'euros annuellement.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.