Télévision
Confronté à la désertion de ses abonnés, le groupe Canal met en place une stratégie d’infiltration auprès des foyers non abonnés grâce à la mise à disposition de la chaîne Canal+ auprès des fournisseurs ADSL. Il espère doubler son nombre d’abonnés en un an.

L’Odyssée d’Homère semble avoir été la lecture estivale des dirigeants de Canal+. En effet, c’est grâce à la tactique du cheval de Troie que le groupe part à la conquête de nouveaux abonnés. La ligne de conduite de la nouvelle stratégie commerciale du groupe repose sur l’infiltration, dans des foyers non-abonnés, de Canal+, «la meilleure chaîne payante du monde», selon Maxime Saada, directeur général du groupe Canal. Fini, donc, la logique d'autodistribution qui amenait le groupe à distribuer lui-même ses chaînes. Free et Orange disposent d'ailleurs depuis peu de leur bouquet By Canal de 66 à 75 chaînes.

A partir du 15 novembre, Canal+ deviendra la porte d’entrée de tout l’univers Canal. La chaîne payante sera la base obligatoire de l’ensemble des nouvelles offres commerciales. Ce sera le «socle», comme l’ont défini Maxime Saada et Frank Cadoret, directeur de la distribution du groupe, lors d’une conférence de presse, jeudi 13 octobre, au siège de Canal+, à Issy-les-Moulineaux.

L'offre de base moins chère

La double offre d’abonnement reposant sur Canal+ et ses déclinaisons, d’un côté, et Canalsat et ses chaînes thématiques, de l'autre, laisse la place à une nouvelle stratégie commerciale sous la marque ombrelle Canal, qualifiée de «rupture» par Maxime Saada. Canalsat disparaît et la chaîne Canal+ devient ainsi le «produit d’appel» avec un coût d'accès rabaissé à 19,90 euros mensuels, pour un engagement de 24 mois (contre 24,90 euros actuellement). A ce prix, l’abonné profite aussi de Canal+ Décalé et My Canal, le site de rattrapage du groupe, dont la dimension va clairement changer.

Pour 10 euros de plus par mois, soit 29,90 euros, une autre offre de base familiale est proposée, avec 60 chaînes jeunesse ou documentaires. Une fois abonné, le client Canal pourra, s’il le souhaite, ajouter un ou plusieurs packs thématiques. L'un, qui porte la facture mensuelle à 49,90 euros, regroupe toutes les chaînes de sport (dont Be In Sports) tandis que l’autre, à 39,90 euros, rassemble l’ensemble de l’offre cinéma et séries et Canal Play, le service de vidéo à la demande.

Mettre le pied dans la porte

Moins de 20 euros mensuels pour accéder à Canal+, c’est donc la stratégie «d’accessibilité» mise en place par Canal. Une réponse économique au recul inquiétant d'un demi-million d'abonnés depuis 2012. Le but est de déployer au maximum la diffusion de Canal+ en «mettant le produit en main». «55% des Français n’ont jamais eu Canal+ dans leur foyer», assure Frank Cadoret qui lorgne ainsi sur ces foyers qui paient déjà un peu pour recevoir un bouquet de chaînes thématiques. Selon lui, le potentiel est énorme: «Ils sont 5 millions à débourser entre 10 et 20 euros mensuels pour des chaînes payantes, et autant à mettre plus de 25 euros», avance le dirigeant.

Le prix d’appel raisonnable de Canal+ doit opérer un premier travail de séduction. Une manière pour les dirigeants du groupe de mettre le pied dans la porte. «Ces foyers pourront goûter à Canal+, se réjouit Frank Cadoret. Pour nous, c’est très important d’accéder à ces clients [potentiels]. Ainsi, nous aurons ensuite la possibilité de leur faire des propositions ciblées, d’autant que maintenant nous avons les outils pour le faire. Hier, nous gérions des abonnements de Canal+ et de Canalsat. Aujourd’hui nous gérons des abonnés.»

Offres délinéarisées pour les plus jeunes

Canal+ passe à l’offensive et place très haut la barre de sa stratégie de conquête. «Notre ambition est de doubler le nombre d’abonnés», déclare Maxime Saada. «Et cet objectif pourrait même être atteint dès 2017», ajoute Frank Caduret. Ainsi, le nombre d’abonnés, en France, du groupe Canal pourrait passer de 5,2 millions en additionnant Canal+ et Canalsat, à plus de 10 millions! «Il y a énormément de potentiel en France, assure Maxime Saada. Grosso modo, Canal+ est à 20% de part de marché, quand Sky, en Grande-Bretagne, est à 44%. C’est pareil pour le marché de la télévision payante dont le taux de pénétration est de 25% en France alors qu’en Grande-Bretagne il est proche de 60%.»

Le groupe compte aussi sur ses nouvelles offres sans engagement, visibles uniquement sur ordinateur ou smartphone, pour séduire les moins de 35 ans, un public dont la consommation audiovisuelle se détourne du téléviseur.

Enfin, le dernier outil de conquête est l’application My Canal. Le service de rattrapage du groupe va, d’ici à décembre, évoluer vers un portail de chaînes, en incluant notamment C8 et C Star. Ce sera le moyen de référencer tous les nouveaux clients de Canal+… et de les recontacter directement pour leur proposer d’évoluer dans leurs offres. Dans la mythologie grecque, Ulysse avait gagné la guerre grâce à la ruse. L’objectif de Canal+ est le même. Mais ni Achille ni Brad Pitt ne sont de la partie.

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