Presse
L’OJD, qui certifie la diffusion des titres de presse, et Audipresse, qui publie les études d’audience One et One premium, ont scellé leur union le 8 décembre, donnant naissance à l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Explications avec Pierre Conte, son président, et Stéphane Bodier, son vice-président.

Lorsqu’il l’avait annoncé en avril 2015, à l’occasion du 25e Observatoire de la presse, Pierre Conte, alors président d’Audipresse, avait déjà présenté cette fusion comme l’«une des conditions de reconquête du secteur de la presse dans le marché publicitaire». Huit mois plus tard, l’acte de naissance de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), qui réunit les organismes de certification de la diffusion de la presse (l’OJD) et de mesure de l’audience des titres et marques de presse (Audipresse), a été signé au cours d’une assemblée générale de l’OJD. Celle-ci a validé l’absorption d’Audipresse et acté les nouveaux statuts de l’ACPM, qui sera opérationnelle début janvier.

Comme l’OJD, l’ACPM a le statut d’association, avec une assemblée générale, un conseil d’administration composé de représentants des éditeurs, des agences médias et des annonceurs, ainsi qu’un président, Pierre Conte, un vice-président, Stéphane Bodier, et les deux directeurs généraux de l’OJD et d’Audipresse, Philippe Rincé et Nicolas Cour, qui resteront tous les deux en place durant trois ans. L’ACPM compte également deux comités – audience et diffusion – ainsi qu’un think tank, qui sera chargé de réfléchir aux besoins du marché en termes d’études.

 

Qu’est-ce qui vous a conduit au rapprochement de l’OJD et d’Audipresse?

Pierre Conte. C’est compliqué d’avoir deux maisons, qui livrent au marché des chiffres de nature différente, des données de dénombrement avec la diffusion et des chiffres d’audience, basés sur un panel. Trois grandes motivations nous ont poussés à ce rapprochement: tout d’abord une volonté de rationalisation économique, que ce soit sur le coût des études, les collaborateurs, les mètres carrés et, surtout, le temps consacré par nos membres ou associés, avec beaucoup de réunions qui doublonnaient. Ensuite, il existe déjà des liens entre les chiffres de dénombrement et d’audience, la meilleure illustration étant la mesure hybride internet que Médiamétrie fait avec l’OJD. C’est une piste que nous voulons creuser davantage. Enfin, nous voulions renouveler notre approche prospective avec la mise à disposition du marché d’outils contemporains, et ouvrir notre spectre vers les autres médias, comme le pratique déjà l’OJD.

Stéphane Bodier. Avec l’accélération de la part du digital dans les grandes marques médias, on se retrouvait de plus en plus avec des chiffres qui n’étaient pas les mêmes, mais qui voulaient dire un peu la même chose. Il y avait donc une volonté d’éviter la confusion. Et surtout, les annonceurs nous ont dit à plusieurs reprises durant l’été 2014, à travers l’Union des annonceurs, qu’ils voulaient bien nous aider, mais qu’ils ne pouvaient pas participer à tout et qu’il fallait donc que nous travaillions à un projet d'unification afin qu’ils ne soient pas obligés de jongler de conseils en conseils sans que cela soit vraiment efficace.

 

Quel sera le premier chantier de l’ACPM?

S.B. Nous avons réussi à mobiliser l’ensemble des grands éditeurs, annonceurs et agences médias sur le projet, mais aussi sur la nécessité de se reposer des questions. L’état du marché publicitaire [–7,9% pour la période janvier-septembre 2015, selon l'Irep] nous oblige à nous demander ce qui marche ou pas. Nous avons un devoir d’inventaire. C’est pour cette raison que nous allons mettre en place un think tank où agences médias, annonceurs, éditeurs et personnalités qualifiées vont discuter, échanger, travailler à ce que pourraient être les mesures d’efficacité, de contrôle et de connaissance des médias demain. Ce travail commencera par une grande étude quanti et quali pour savoir ce qui est utilisé et ce qui devrait l’être à l’avenir. Dans le contexte de morosité actuel, il y a une nécessité de se bouger positivement.

P.C. Cette nouvelle maison pourrait contribuer à une Reconquista des marques de presse sur le plan publicitaire. Nous avons un peu le sentiment que la presse joue le jeu de la transparence et de la modernité et que, pour autant, elle n’en a peut-être pas pour son argent. D’où l’importance de davantage faire connaître ce que produit cette maison. Je ne pense pas que nous nous orientons vers l’arrêt de telle ou telle étude, mais nous pouvons avoir une réflexion sur leur réglage. Cela peut porter par exemple sur un accroissement de la périodicité de la sortie des chiffres d’audience, même s’il faut faire attention à ce que trop de chiffres ne tuent pas les chiffres. De plus, seule une petite quarantaine de titres sortiraient statistiquement en audience mensuelle. C’est typiquement le type de sujet sur lequel devra débattre le think tank.

 

Allez-vous lancer de nouvelles études?

P.C. Il faut être pragmatique: nous avons envie d’apporter de nouveaux outils, de nous développer, d’être prospectifs, mais le contexte actuel nous impose un devoir de raison. Le contrôle des budgets investis par les éditeurs est très important, d’où un budget pour l’ACPM – de 10 millions d’euros en 2016 – de 5% moins élevé que celui de l’OJD et d’Audipresse réunis. Notre business plan est agrémenté de développements, comme la vente de services, d’outils ou d’études à d’autres que les seuls éditeurs de presse. Ceci devrait nous permettre d’investir dans de nouveaux outils.

S.B. Dans le cadre de ce rapprochement, le contrôle OJD va coûter aux éditeurs de presse payante 15% de moins dès le 1er janvier 2016. C’est difficile pour un éditeur de participer toujours aussi massivement quand sa diffusion est en baisse de 10% ou 15%. Dans ce contexte, l’OJD doit toujours trouver de nouvelles sources de revenus, comme nous l’avons fait en contrôlant les sites, les applications, les webradios et peut-être demain les newsletters, l'e-mailing ou la vidéo.

 

Faut-il s’attendre à un rapprochement des chiffres de diffusion et d’audience en presse, comme l’a fait Médiamétrie avec l’audience internet hybride (Médiamétrie-OJD)?

P.C. C’est presque le Graal. Il existe évidemment des connexions entre la diffusion et l’audience. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait lors des derniers Observatoires de la presse, en essayant de trouver une logique, une articulation entre ces chiffres. Il faut que la communication soit un peu orchestrée. De là à aller jusqu’à de l’audience hybride, je ne sais pas. Il faut laisser ça aux experts, mais c’est un vrai sujet.

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