Fact-checking
Samuel Laurent, responsable de la cellule fact-checking du Monde.fr, Les Décodeurs.

La couverture médiatique des attentats du 13 novembre à Paris.

Les médias d'information en continu ont été plus prudents qu’en janvier dernier. Cependant, on peut toujours reprocher aux chaînes de télévision d’en montrer toujours trop. Notamment de diffuser des sons qui peuvent heurter la sensibilité. Mais la question de la narration de l’horreur est compliquée pour les journalistes. Comment raconter sans cacher les faits ou modifier la réalité… La Une de Libération montrant le visage souriant d’Abdelhamid Abaaoud a choqué certains lecteurs. Pourtant, ce visage, aussi insupportable qu’il soit, fait partie de la réalité. Nous [Les Décodeurs] avons reçu beaucoup de documents, d'images, que nous avons choisi de ne pas montrer.

 

La circulation de fausses informations sur internet.

L'épisode des attentats de janvier dernier avait duré trois jours, avec une cavale et une prise d’otages. La traque des frères Kouachi et la mobilisation extrême des médias avaient favorisé un climat de panique sur les réseaux sociaux. Aux Décodeurs, nous avions repéré de très nombreuses rumeurs. Les attaques du vendredi 13 novembre étaient en comparaison beaucoup plus ramassées dans le temps. Nous avons remarqué une volonté des internautes de mieux s’informer, de rechercher des infos fiables. Le phénomène de théories du complot a également été moindre que durant les attentats contre Charlie Hebdo, où des personnes avaient tenté de démonter les informations officielles.

 

Le rôle des réseaux sociaux dans la délivrance des informations.

Les attentats nous placent dans une situation de besoin d’informations extrême. Les réseaux sociaux, et leur dispositif de publication instantanée, sont devenus les médias du temps réél, les premiers consultés. Parce que le site du Monde est tombé en panne vendredi soir, à cause d’une surcharge de connexions depuis le mobile, les Décodeurs ont été très actifs sur les réseaux sociaux. Cela nous a permis de mener des opérations de pédagogie et de transmettre les bonnes pratiques: pointer tel compte, tel tweet, et indiquer comment et où vérifier les informations. Dans l'urgence, même certains journalistes relayaient des informations non-sourcées. Il faut redoubler de vigilance.

 

Le gouvernement demande à Twitter et Facebook de censurer certains contenus.

Facebook joue un double jeu. D’un côté, il met à disposition des Parisiens son outil «Safety check» - une opération marketing à peu de frais -, mais de l’autre côté, il laisse s’exprimer les pro-djihadistes sans modération… Facebook doit choisir son camp. En vérité, ce réseau social a les moyens de mettre des bâtons dans les roues de l’Etat islamique. Mais cela lui demanderait de s’engager politiquement… Les réseaux sociaux sont confrontés à la question de leur neutralité.

 

La séance de fact-checking sur France Inter qui confronte Marine Le Pen à ses contre-vérités.

Il ne faut pas donner l’illusion que le fact-checking peut être facilement opérable en direct. Patrick Cohen avait préparé le piège à l’avance. Le fact-checking suppose précisément de prendre du recul sur l’information en direct. Pour vérifier un chiffre, une déclaration, il s'agit de retrouver le bon document pour amener des preuves. Malgré tout, c’est positif que les journalistes s’essayent à cet exercice. Le rôle des médias, noyés dans la multitude de nouveaux prescripteurs de messages, c'est de lutter contre les rumeurs.

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