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Le regard de Marie-Laure Sauty de Chalon (Au Féminin), Marc Feuillée (Figaro), Rolf Heinz (Prisma Media) et Cédric Siré (Webedia) sur la recréation de valeur publicitaire dans les médias, à l'occasion de la journée de l'Udecam, intitulée "D Day for value", le 3 septembre,

En 2014, avec 10,375 milliards d'euros de recettes nettes en France, le marché des médias historiques (+internet et mobile) était encore en baisse de 1,5%, prouvant par la même que la nouvelle économie numérique ne parvenait pas à compenser la destruction de valeur publicitaire opérant sur les médias mûrs, à commencer par la presse. Pourtant, le recul était déjà beaucoup moins important qu'en 2012 (-3,4%) et même en 2013 (-3,1%). Assiste-t-on en 2015 à une recréation de valeur pour les médias ? A l'occasion de la journée de l'Udecam, intitulée "D Day for value", le 3 septembre, Stratégies a posé la question à quatre patrons de groupes médias connus pour leur dynamisme publicitaire. Quatre regards sur la recréation de valeur dans la publicité médias.



Marie-Laure Sauty de Chalon, PDG du groupe Au Féminin : "Les opérations d'engagement ont fait remonter la valeur"

 

Comment faire face à des contacts médias qui se sont multipliés et banalisés au point de se déprécier ? La patronne d’Au Féminin constate que tout ce qui a été dupliqué a toujours perdu de la valeur. Il en ira ainsi pour le mobile, dont Au Féminin tire la moitié de ses audiences en France, comme il en a été pour le display si l'on se borne à reproduire en miniature des bannières ou des bandeaux. Pour Marie-Laure Sauty de Chalon, seules « les opérations d’engagement ont fait remonter la valeur » (habillages, opérations spéciales…). « Pour le mobile, la grande surprise c’est que la session est de 25 pages quand elle est de 4 pages sur le Web, constate-t-elle. Et cela augmentera encore quand il sera plus facile de se connecter dans les transports ». Face à l’augmentation du trafic liée aux réseaux sociaux, la question est aussi de savoir comment recréer de la valeur sur des plateformes tierces : une chaîne Au Féminin Beauté sur Youtube par exemple. L’expérience de My Little Paris montre aussi qu’avec une faible audience (200 000 VU), on peut dégager beaucoup de rentabilité sur des opérations drive to store avec des marques. Exemple : une carte des meilleures bières à tester à Paris ou des séances de maquillage qui renvoient vers des boutiques. Toute l’offre publicitaire doit être selon elle native, notamment pour résister aux ad-blockers.  Elle estime aussi qu’il faut « réapprendre le serviciel » en se mettant au plus près des problématiques d’un directeur commercial qui cherche à booster ses ventes. Illustration: des vidéos de bons plans à l’occasion de l’opération « les recettes à 3 euros » de Carrefour. « Le consommateur a l’impression qu’on lui rend un service », dit-elle. Autre motif d’espoir : la courbe d’expérience aux Etats-Unis montre le CPM remonte via le programmatique pour peu que les espaces soient convoités (une série à forte audience par exemple). Les enchères fonctionnent aussi à la hausse…

 

 

Marc Feuillée, directeur général du groupe Figaro : « Notre CPM net sur le digital augmente en 2015 »

 

 

« L’originalité de notre proposition réside dans la capacité à adresser simultanément l’audience sur une multiplicité de canaux, avec des formats différents centrés sur une marque unique », explique Marc Feuillée, directeur général du groupe Figaro. Avec des audiences massives - 13 millions de VU - le groupe offre à ses annonceurs la « garantie d’un impact maximal et spectaculaire », selon le dirigeant. Grâce à sa récente offre data, il propose des contacts spécifiquement qualifiés et une palette de solutions qui vont du brand content aux formats innovants dans le quotidien en passant par des prolongements sur les réseaux sociaux, la vidéo et le mobile. Des opérations à 360 degrés, donc, qui ont permis à sa régie de recréer de la valeur. La preuve ? « Notre CPM net sur le digital augmente en 2015 », assure Marc Feuillée. Il est vrai que la logique premium des « chaînes verticales » (« 2 millions de VU sur Madame et Eco ») plaît aux annonceurs et aux agences à la recherche de qualité éditoriale et d’engagement des internautes. En 2015, le CA digital du groupe (hors Classified et e-commerce) sera encore en hausse de 12%, à 35 millions d’euros. Pour Marc Feuillée, « il y a une idée reçue selon laquelle le programmatique tue la valeur. Au contraire, s’il y a une vraie qualification et du premium, cela tend à augmenter la valeur ». De quoi l’inciter à réfléchir au développement, en interne, d’une plateforme programmatique « super-premium » au-delà de La Place Média.

 

 

Rolf Heinz, PDG Prisma Media : "Je suis convaincu que le mobile peut créer de la valeur"



La première priorité du patron de Prisma est de créer de la valeur pour le consommateur. En découle des services, des contenus qui répondent à des attentes et, in fine, de la data qui est ensuite utilisée à des fins de personnalisation. On peut notamment acheter des produits dans un contexte éditorial. « Ce développement personnalisé, qui intègre services et contenus, crée des communautés, collecte des informations sur nos utilisateurs et permet de proposer aux annonceurs des cibles cohérentes en termes de comportements et de centre d’intérêt. Cela crée de la valeur : c’est un cycle vertueux », explique Rolf Heinz. Le mobile, qui draine la moitié des usages mais très peu de recettes publicitaires, est selon lui le défi du moment : « Je suis convaincu que le mobile peut créer beaucoup de valeur », dit-il. A condition, précise-t-il, d’avoir une commercialisation et des formats adaptés. Mini-site, appli, « hors-série virtuel ».. Il ne s’agit pas seulement de profiter de la géo-localisation ou de la vidéo mais de développer de la créativité, un esprit événementiel et des produits publicitaires dédiés au mobile. Le balayage de droite à gauche ou le déroulement de haut en bas offrent, selon lui, la possibilité d’organiser des sous-sujets publicitaires et de les visualiser. Sur le plan des formats, le native advertising crée de la valeur « en termes de prix et pas seulement de volume ».  Enfin, l’éditeur media qui s’apprête à adapter le site Business Insider en France, insiste sur la nécessité de proposer des « formats publicitaires ciblés, créatifs, respectueux de l’utilisateur et qui apporte de la valeur ajoutée ». Les opérations spéciales et le brand content, qui ont vu leurs équipes renforcées au sein de la régie Prisma Media Solutions, permettent de faire le lien avec un intérêt. « Nous sommes dans cette logique qui intègre un native advertising reconnu, accepté et souhaité », ajoute le patron en se félicitant que sa régie soit en tête en termes de capacité d’innovation selon une étude menée auprès des agences et des annonceurs par Limelight Consulting.

 

Cédric Siré, CEO Webedia : "La valeur de l'audience très affinitaire est restée très forte"



Comment recréer de la valeur ? Le patron de Webedia (Allo Ciné, Pure People…), qui affiche 130 millions d’euros de CA et une progression à deux chiffres en 2015 au niveau mondial (à un chiffre en France) a ses recettes. « La valeur de l’audience très affinitaire, du dernier kilomètre avant la décision d’achat, est restée très forte », explique Cédric Siré, son patron. Pour lui, cela passe par la verticalisation des contenus et l’hyper-ciblage que permet la qualification de la base de données via une plateforme programmatique. Un internaute d’Allo Ciné est-il un spectateur occasionnel ou assidu, quels films l’intéressent, etc.? Webedia consacre plusieurs millions d’euros par an dans les technologies de la data afin d’accroître sa pertinence commerciale.  Les vecteurs d’avenir de valorisation de la publicité ? D’abord, le native advertising conçue de façon quasi-industrielle et avec une garantie d’audience. « Cela coûte moins cher que l’opération spéciale », constate le patron. L’éditeur média cite aussi l’association des marques et des influenceurs (Cyprien, un chef étoilé, etc.), baptisé aussi marketing de l’influence, qui a le vent en poupe. Quant à logique owned media, qui consiste à transformer les marques en médias (pour L’oréal, Schweppes…), elle assure déjà 20% des revenus de Webedia. Cédric Siré, qui se définit comme un « platisher », contraction de « platform » et « publisher », se félicite d’avoir maintenu la valeur de son espace premium et d’avoir tiré profit du programmatique pour monétiser son fond d’inventaire.  Toutefois, dans les enjeux de valorisation publicitaire, il importe selon lui de mieux prendre en compte la migration de l'audience des sites de destination vers des chaînes sur les plateformes tierces (Facebook, Youtube...). "Il faut arriver à rendre les choses plus normées et concevoir des produits publicitaires qui suivent cette évolution du publisher, qui soient bien pris en compte par les KPI", conclut-il.

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