Jérôme Fenoglio deviendra-t-il bien le sixième directeur du Monde depuis le changement d’actionnariat en 2010? Réponse attendue dans les prochaines heures. Choisi par les actionnaires du journal, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, au détriment des trois candidats qui s’étaient déclarés, celui qui est entré au Monde en 1991 au service des sports devra recueillir plus de 60% des voix des salariés pour succéder à Gilles van Kote au poste de directeur du quotidien du soir pour un mandat de six ans.
Actuel numéro deux de la rédaction, diplômé de l'Ecole de journalisme de Lille, Jérôme Fenoglio ne devrait pas rencontrer de difficultés, sauf surprise, en sa qualité de «pur produit» du Monde. Agé de 48 ans, le journaliste a passé 24 ans au sein du quotidien, d’abord aux sports, puis aux services société en pleine époque Plénel-Gattegno, puis aux sciences et au Monde 2 avant de prendre la direction du Monde.fr de 2011 à 2013, puis la direction des rédactions en mai 2014 suite à la démission de Natalie Nougayrède de la direction du journal. Il est appelé à remplacer Gilles van Kote, qui avait été nommé directeur par interim et pourrait se voir confier le déménagement du journal en 2017 près de la gare d'Austerlitz, selon Presse News.
Jérôme Fenoglio, toulonnais d'origine, barbe de trois jours et lunettes rectangulaires, est aussi un littéraire passionné par les sciences. «Il a un peu toutes les cordes, il a été à tous les niveaux, tous les échelons, du sol au plafond», analyse un journaliste cité par l’AFP. «C'est une plume qui sait aussi diriger», résume un autre. Et même s’il ne vient ni du service étranger, ni du politique comme nombre de ses prédécesseurs, il a un atout de taille: il est «l'un des rares, dans la maison, à avoir exercé des responsabilités côté print et côté web», souligne un journaliste de la rédaction numérique.
Une motion soumise au vote
Mercredi, les quelque 400 salariés du Monde, qu’ils soient journalistes, cadres ou employés, s’exprimeront à bulletin secret en fin de journée, pour un résultat annoncé dans la foulée.
Auparavant, une motion sera discutée et soumise au vote des salariés, un texte qui dénonce le processus de désignation du candidat au poste de directeur du journal adopté par les actionnaires.
«Depuis 2010, nous avons connu six directeurs du Monde - par intérim ou pas - et un seul directeur général, qui est aussi président du directoire et directeur de la publication. Le manque de continuité au poste de directeur entraîne un déséquilibre dommageable pour notre collectivité, pointe le texte de la motion. Nous souhaitons que s'ouvre au plus vite avec les actionnaires un débat sur la gouvernance du Monde et la meilleure façon de sélectionner son directeur. »
Dans son projet pour le journal, qu’il a présenté aux salariés le 5 mai et qu’il a résumé dans un courriel envoyé le 11 mai, Jérôme Fenoglio s’engage, s'il est élu, «à veiller scrupuleusement au respect de ce principe [d’indépendance éditoriale] à protéger la rédaction de toute intervention, de tout jeu d'influence».
Côté projet et stratégie, l'actuel directeur des rédactions propose «d'amplifier le succès» du choix du freemium, qui mêle services gratuits et payants. Si le quotidien «restera encore longtemps la colonne vertébrale de nos offres payantes», le futur directeur entend développer les nouveaux supports, particulièrement le mobile, comme avec l’application La Matinale, lancée le 11 mai. «Il va falloir redoubler d'efforts, dans les mois qui viennent, pour basculer dans l'univers du mobile first. La couverture de la campagne présidentielle de 2017 sera conçue autour de ce principe», insiste-t-il.