Mobile
D’année en année, les prix montent pour cet objet devenu définitivement indispensable à notre quotidien. Jusqu’où grimperont-ils ?

Il n’y a pas que le prix du diesel qui augmente. Le 12 septembre dernier, dans sa keynote annuelle, Apple a dévoilé ses trois nouveaux iPhone, le XS, le XS Max et le XR. En dehors de quelques nouveautés gadgets, c’est le prix, toujours plus élevé, qui a marqué les esprits. Le XS Max, le haut de gamme, démarre à 1259 euros. La version 512 gigaoctet, la plus chère, s’élève, elle, à 1659 euros. À titre de comparaison, 41 % des salariés français ne gagnent pas un tel salaire net mensuel selon l’Observatoire des inégalités… Pour un produit – un smartphone – devenu un incontournable de la vie quotidienne actuelle, et qui ne revendique pas non plus un positionnement de luxe, les prix deviennent de plus en plus prohibitifs. Depuis le premier iPhone en 2007, les étiquettes des produits Apple ont bondi de 132 %, avec une inflation qui s’est accélérée depuis 2017. Côté Samsung, les prix ne sont pas restés collés au siège non plus. Le dernier Samsung S9, présenté en octobre, grimpe à 959 euros. Au total, le fabricant coréen a fait grimper ses prix de 92 % depuis la sortie du premier né de sa gamme Samsung. Même le Pixel 3, dernier né de chez Google, se retrouve au prix de 959 euros, avec une version à plus de 1000 euros, pour une marque habituée à des prix accessibles. 

Prise de conscience

De nombreux paramètres peuvent expliquer ces hausses de prix : l’inflation, la hausse des matières premières, les salaires des ouvriers chinois, qui ont nettement progressé ces dernières années, l’amélioration technologique des produits, y compris la baisse du dollar… Mais tout de même ! « D’autant plus que d’année en année, les innovations technologiques ne justifient pas de telles hausses de prix », explique Julien Miniconi, expert télécoms, pour le cabinet Wavestone.

La question, c’est de savoir jusqu’où ils pourront monter. Le portable devient-il malgré lui un produit de luxe ? « En réalité, il y a tout un raisonnement économique derrière tout cela, clarifie Julien Miniconi. Le problème, c’est que les constructeurs se confrontent aux ralentissements du taux de renouvellement des produits, et à la vitesse de renouvellement. » Par le passé, lorsque l’on profitait de son portable inclus dans l’abonnement, on changeait de modèle automatiquement à la fin de la période d’engagement. « Mais l’arrivée de Free en 2012 a changé cette philosophie avec des forfaits sans terminal. Et la fin du modèle subventionné a vu le jour dans beaucoup de pays ces dernières années », continue le spécialiste.

Et la tendance s’est répandue comme une trainée de poudre. À peine six ans plus tard, les portables non subventionnés comptent pour 66 % des portables en fonction… Ce succès a permis aux consommateurs de voir la réalité du prix de leur mobile. Et donc d’espacer les achats, car l’investissement est plus lourd.

Fans inconditionnels

« Face à cela, les fabricants ont été très stratégiques. Ils se sont recentrés sur la base de fans de leur marque, très élastique au niveau du prix. Ceux qui, coûte que coûte, achèteront le nouveau modèle », détaille Julien Miniconi. Une base restreinte, passionnée, mais prête à mettre la main au portefeuille. Les fabricants augmentent ainsi leur prix, mais vendent moins en termes de volume. « Et l’opération, non seulement arrive à compenser la perte de chiffre d’affaires due à l’augmentation du taux de renouvellement, mais également à faire croître le business », s’exclame le consultant. Apple d’ailleurs, refuse désormais de communiquer sur les volumes de vente, pour ne plus avoir à s’expliquer sur la stratégie. Car outre le fait de vendre des appareils plus chers, agrémenter sa gamme chaque année d’un produit plus premium, augmente le panier moyen, selon un effet psychologique bien connu en marketing : lorsque l’appareil le plus cher de la gamme coûte 100 euros, le milieu de gamme « psychologique de référence » est à 50 euros. Or, le consommateur ancre son choix selon l’étendue des prix de la gamme. Ainsi, sans changer aucune étiquette, ni modèle, rien qu’en ajoutant dans le catalogue un produit à 200 euros, les marques décalent l’étendue de la gamme, et le consommateur se réfère à un milieu de gamme plus élevé – ici 100 euros. C’est ainsi que d’année en année, le prix moyen des smartphones peut augmenter, sans que les produits les plus chers ne soient les plus vendus.

Le choix du reconditionné

Mais cette hausse de prix a un autre effet : le marché des produits reconditionnés explose, avec 2 millions de téléphones reconditionnés de vendus en 2017. La société Smaaart, spécialisée dans le reconditionnement des produits électroniques, s’est mis au recyclage des smartphones il y a deux ans. Cette activité tient désormais pour 70 % du chiffre d’affaires. Et la marque teste un pop-up store dans Paris, avant de peut-être ouvrir ses boutiques. Selon un sondage Ifop que la marque a réalisé, le principal moteur d’achat de smartphone reconditionné, c’est le prix. Les reconditionnés sont entre 20 et 50 % moins chers. La sensibilité au prix commence donc à se ressentir. Il ne manquerait plus que les contrefaçons pour que l’on soit vraiment sur un produit de luxe…

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