Expérience client
Rencontré au salon One to One de Biarritz, Stratégies a échangé avec Thomas Husson, le vice-président du cabinet Forrester, sur la tendance du conversationnel.

Selon une étude que vous avez menée, vous vous étonnez du fait que les deux tiers des marques en France ont lancé ou envisagent de lancer un chabot sur leur propre site. Ça fait beaucoup ?

Oui c’est beaucoup, surtout au regard des usages, qui restent encore très confidentiels. Il y a une vraie décorrélation entre les projets des marques qui investissent à tout va, et la réalité des consommateurs, qui ne le consomment finalement encore que très peu. On retrouve le même constat sur les enceintes vocales. L’engouement des marques est trop fort par rapport à la réalité. 70 % des usages du vocal se font encore sur les smartphones…

Et c’est un problème ?

D’une part, une grande partie de l’argent investi est mal dépensé. Mais surtout, cela questionne la cohérence des décisions. Certaines entreprises ont 60 projets de bots, éparpillés partout, sans que les équipes ne communiquent entre elles, et qui répondent à un seul besoin. On pourrait sûrement rapprocher certains bots… Attention aux effets de mode ! On a l’impression que les entreprises lancent des chatbots pour lancer des chatbots sans vraiment réfléchir. Il est essentiel pour les directeurs marketing d’évaluer la maturité de leurs marques et celle de leurs clients, à engager des conversations à travers des chatbots ou des assistants vocaux comme Alexa ou l’assistant Google. Sans compter que beaucoup de projets de chatbots sont des versions édulcorées, comme de simples arborescences, mais n’ont rien de conversationnel. Elles constituent un canal supplémentaire mal intégré. Tout cela peut être très décevant pour le client. Ça abîme la marque, voire l’expérience des chatbots en général. Et donc à terme, leur pénétration.

D’où cela vient-il selon vous ?

Selon moi, beaucoup de ces projets émanent du service client, ou des call centers, mais ne sont pas travaillés dans une logique marketing... et donc ne sont pas l’expression de l’expérience client. Or, cette vision est la seule chose capable de délivrer des promesses de marques et de cadrer avec les attentes des utilisateurs. Ainsi, on prend les mauvais indicateurs de mesure, par exemple. On ne mesure pas la fidélité, on ne fait pas de cross-sell, plus généralement, on ne mesure pas l’aspect émotionnel. Mais on se borne à des mesures relatives au projet dans son périmètre.

Ça dépasse l’ergonomie, donc. Faut-il revenir à une expérience client plus large ?

Oui. L’expérience client n’est pas assez présente dans la culture des entreprises, pas assez répandue, du moins. C’est un état d’esprit à diffuser partout. Elle doit embarquer tout le monde, à tous les niveaux, et surtout, les dirigeants, qui doivent aller voir sur le terrain, s’impliquer. On a mené des projets où le président appelle le call center, en anonyme, pour voir comment ça se passe, et faire des retours aux équipes ensuite. Le but est de faire changer les comportements, de faire participer tout le monde autour de ces questions. Que les employés s’intéressent au produit et aux services. Il n’y a pas de bonne expérience client sans bonne expérience employé.

C’est primordial, car le constat, c’est qu’en France, les consommateurs sont sévères avec les marques sur l’expérience client, et que nous accusons beaucoup de retard là dessus par rapport au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.

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