Transport
Alors que les services de VTC vivent la concurrence à cent à l'heure, une nouvelle application de chauffeurs femmes à destination d'une clientèle exclusivement féminine voit le jour. Certains y perçoivent un signe de sécurité, quand d'autres parlent de discrimination.

Femmes au volant, mort au tournant? Les préjugés persistent sur les routes. Pourtant, selon un sondage de l’Ifop, les hommes conduisent plus dangereusement que les femmes. 92% des conducteurs impliqués dans des accidents mortels avec un taux d’alcoolémie positif sont des hommes, et 93% des conducteurs pris à circuler sans permis sont des hommes. En 2012, la Sécurité Routière avait mis en place une campagne pour rappeler des chiffres lourds de sens: 75% des morts sur la route sont des hommes. Le slogan «tant qu’il y aura des hommes pour mourir sur la route, il faudra des femmes pour que ça change» prônait le rappel des consignes de sécurité par des femmes.

Inégalités chez les chauffeurs de VTC

Concernant les chauffeurs de VTC [Voiture de transport avec chauffeur], les inégalités sont tout aussi accablantes. Seuls 6% des conducteurs sont des femmes, selon la plateforme d’analyse EureCab. La raison? Un sentiment d’insécurité lié aux passagers agressifs ou violents durant les courses nocturnes. Vient ensuite la contrainte de garde des enfants. Pourtant, même si leur participation est encore petite sur le marché, les femmes obtiennent un taux de fidélisation supérieur (95%) à celui des chauffeurs hommes (79%). Pour faire changer les choses, quitte à stigmatiser le secteur, Kolett, dernier-né des plateformes VTC, a lancé en région parisienne depuis le 12 septembre, un service proposant des conductrices à destination de clientes uniquement. Mais est-il bien nécessaire de féminiser les VTC? 

Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat SCP-VTC
« Ce service répond à un besoin »
« Le service a à peine commencé qu’on s’attaque déjà à lui ! Pourtant, des services de chauffeurs privés créés uniquement pour des femmes ont déjà vu le jour en France. En tant que syndicat, nous avons déjà tellement à faire avec les problèmes de plateformisation et du comportement prédateur du système, que nous encourageons toutes les initatives : pour les femmes, les hommes, les copains... J’ai souvent entendu des femmes de différents milieux avouer qu’elles se sentaient plus à l’aise à l’idée de se faire transporter par des femmes. Si ce malaise existe, il faut y remédier. Ce service répond à un besoin. S’il respecte les règles mises en place et que cela reste dans une petite proportion, je ne vois pas où est le problème. Si sur le long terme, nous observons des dérives, nous les traiterons. »

 

Julien Levilain, directeur général de Buzzman.

« Séparer les genres risque de poser un problème »

« Pour moi, c'est davantage une opportunité marketing - habile ou cynique, chacun jugera - qu'une avancée sur un problème de société. Avec le digital, il doit être possible de traquer les chauffeurs aux conduites problématiques ou déviantes. Si la solution consiste à séparer les genres, ça risque de poser un problème. Ce serait un coup médiatique déguisé, de la part d'un des acteurs des VTC ou des taxis pour sensibiliser l’opinion ou pour avoir une action concrète sur les chauffeurs, je comprendrais. Mais voir Kolett comme un business pérenne, j’en doute. Cela voudrait dire qu’on pourrait, à terme, ouvrir un supermarché pour les femmes, des rames de métro qu’avec des femmes… Ce n’est pas forcément une idée mal placée, si ce n’est de créer une différenciation entre hommes et femmes qui n’a pas lieu d’être. »

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