Dossier Automobile
En plein boom, les assistants conversationnels qui envahissent les habitacles des voitures offrent une expérience d’utilisation de plus en plus humaine. Le passage à la 5G pourrait encore accélérer leur développement.

Une machine capable de ressentir, à la simple tonalité de votre voix ou aux mouvements de votre visage, si vous êtes triste, frustré ou heureux, et qui s’adapte alors à votre humeur ? Ce n’est pas de la science-fiction, mais la dernière innovation présentée début septembre par Nuance Communications, l’un des leaders de l’intelligence artificielle. Il s’est associé à la société Affectiva pour développer une fonctionnalité qui pourrait rapidement s’inviter dans les habitacles de nos voitures. Ceux-ci ne peuvent résister à l’arrivée en force de ce qu’on appelle les assistants automobiles, devenus un argument de vente majeur. « Aujourd’hui, la principale préoccupation chez les plus jeunes, c’est de rester aussi connectés dans leur voiture qu’ils le sont à l’extérieur. La voiture ne peut plus être une cage de Faraday, une zone protégée où l’on a du mal à rester en lien avec tout ce que l’on peut avoir de connecté sur son smartphone », remarque Stéphane Boutier, directeur du marketing de Mercedes.

L'homme créa l'assistant à son image

Il explique que « l’objectif de ces nouvelles technologies, en plus de commander toutes les fonctions de la voiture, est d’offrir un accès aussi simplement que sur un iPhone aux playlists, contacts et favoris ». Depuis mai dernier, le constructeur allemand propose ainsi sur sa Classe A, qui s’adresse en priorité à cette cible, une technologie baptisée MBUX, pour Mercedes Benz User Experience. « Par le passé, il fallait adapter son vocabulaire à l’assistant vocal pour que la voiture comprenne ; maintenant, c’est la voiture qui est capable de comprendre votre langage », explique le constructeur. Vous n’êtes donc plus obligé de dire en articulant « Merci de baisser la température d’un degré » pour régler la climatisation, mais « Hey Mercedes, il fait chaud », et la voiture comprend qu’il faut la régler sur 21°C.

Arrivés sur le marché il y a moins de trois ans, ces assistants automobiles se sont imposés naturellement dans les habitacles grâce à la commande vocale. Elle seule permet de garder les mains libres et de rester focalisé sur la route. Déjà, les fabricants travaillent sur les prochaines générations de ces intelligences artificielles. « Nous allons développer des assistants multi-utilisateurs », annonce Eric Montague, directeur du marketing de Nuance. Car une voiture, ce n’est pas qu’un conducteur. Les assistants devraient bientôt être en mesure de répondre aux besoins des autres utilisateurs en identifiant qui lui parle. « Si à l’arrière du véhicule quelqu’un dit “j’ai froid”, il faut changer la clim’ à l’arrière, pas à l’avant », remarque Eric Montague, qui évoque aussi le développement d’expériences dans lesquelles il suffira, sans même avoir à appuyer sur un bouton ou à prononcer un mot clé, de dire que l’on a chaud pour que l’assistant comprenne que vous vous adressez à lui et baisse la température. Dans la même veine d’expériences toujours plus humaines, il sera bientôt possible, comme on le fait dans la vraie vie, d’interrompre l’assistant sans avoir à attendre la fin du message, promet-on chez Nuance.

Communion

Mais la voiture communicante, ce n’est pas seulement une voiture capable de dialoguer avec son conducteur, ou ses passagers, mais aussi une voiture capable d’interagir à la fois avec les autres véhicules, les piétons et les infrastructures. Ce sont les pistes sur lesquelles travaille notamment Continental Automotive, la branche « connectivité » de l’équipementier automobile et acteur majeur du secteur. « Nous sommes en train de mettre au point ces solutions et nous serons en mesure de les proposer à nos clients dans 18 à 24 mois, y compris pour le marché de masse », promet Gilles Mabire, son PDG, responsable aussi de toutes les activités Continental en France. Ainsi, en cas de ralentissement, les véhicules équipés seront capables de communiquer entre eux de manière à ce qu’une voiture arrivant dans un bouchon puisse anticiper le freinage.

Dans ce domaine, l’étape ultérieure est tributaire du passage à la 5G, qui augmentera la capacité d’échange de contenus, avec une bande passante plus élevée, et permettra de développer le véhicule autonome. « Ces technologies permettront de positionner le véhicule de façon extrêmement précise sur la route et d’avoir la rapidité de réaction et de communication nécessaire avec les infrastructures », anticipe-t-on chez Continental. L’échéance de la 5G est à deux ou trois ans, ce qui permettra de développer ensuite des véhicules autonomes dits de niveau 4 (avec encore de la conduite dans certaines situations). La révolution du véhicule totalement autonome, dite de niveau 5, une sorte de navette sans conducteur, devra, pour sa part, encore attendre.

Toutes ces technologies devraient enfin fournir des opportunités aux marques de profiter de cet écosystème de voiture connectée avec l’extérieur. Une enseigne de restauration sur autoroute pourra par exemple communiquer son menu du jour aux véhicules passant à proximité, ou une station-service offrir un petit café à ses habitués. « Ces nouvelles technologies sont la porte ouverte à la créativité des marques et des fabricants », remarque Sébastien Brame, senior manager chez Clarion, un équipementier qui a, par exemple, développé des solutions de parking, où la voiture, au travail ou au domicile, reconnaît sa place habituelle et va s’y garer toute seule. « Nous, on rend les choses possibles avec la technologie, après, c’est aux constructeurs de mettre en place leur démarche commerciale », conclut Gilles Mabire.

Google or not Google ?

Tous les constructeurs ont compris qu’ils devaient se doter d’un assistant vocal. Reste à savoir comment. Deux choix s’offrent à eux : nouer un partenariat avec Google et son Google Assistant, ou bien créer leur propre assistant. Renault-Nissan-Mitsubishi a choisi la première voie en annonçant un accord pluriannuel mondial avec Google pour équiper les véhicules du groupe. Dans le premier cas, il devient alors difficile de se démarquer de ses concurrents. Dans le second, il est nécessaire, comme personne ne peut fournir l’ensemble des fonctionnalités, de créer des produits hybrides faisant appel à la fois à des éléments d’une plateforme telle que Nuance, par exemple, et à des solutions développées par Microsoft ou IBM.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.