Commerce connecté
Aux États-Unis, la grande distribution a axé l’expérience client sur la réduction du temps d’attente, un critère devenu essentiel sous l’impulsion d’Amazon et qui concerne maintenant d’autres secteurs.

La file d’attente est-elle en voie de disparition ? C’est l’objectif affiché par la grande distribution américaine, dont les enseignes misent sur le tout-automatique. Amazon d’abord, l’un des premiers à avoir investi dans les nouvelles technologies afin de faciliter l’expérience client. « Ni caisse, ni file d’attente », promet le géant de l’e-commerce dans son magasin Amazon Go, qui a ouvert à Seattle le 22 janvier dernier. Dès l’entrée de cette supérette, le client utilise son téléphone relié à son compte Amazon via une application mobile. Chaque produit placé dans le caddie est enregistré par un logiciel et, en fin de shopping, une caméra munie d’un système de reconnaissance d’images scanne le tout, puis le montant total des courses est débité en ligne. Ce qui permet de diminuer le temps d’attente pour le consommateur et d’économiser du personnel pour l’entreprise. 

Mais Amazon n’en est pas à ses débuts. Dès 2012, le géant rachète, pour 775 millions de dollars, Kiva, une entreprise de robotique, afin d’automatiser ses centres de distribution. Résultat : une économie de 22 millions de dollars par an et par entrepôt, selon un rapport de la Deutsche Bank, et l’objectif de livrer un jour les clients en trente minutes chrono, comme l’espère le PDG Jeff Bezos. Son service Amazon Prime, qui permet déjà de se faire livrer sous vingt-quatre heures en un clic, aurait conquis 64 % des ménages américains selon Shep Hyken, spécialiste indépendant du service et de l’expérience client. Aujourd’hui, « les marques tentent de rattraper leur retard face au modèle de référence de l’e-commerce, commente Nancy Georges, consultante en stratégie marketing et digitale. Car une fois que le client a goûté à une certaine expérience, il veut la retrouver partout. »



Magasin sans caisse

Et si Amazon envisage d’ouvrir d’autres magasins automatiques cette année, ses concurrents ne sont pas en reste. Walmart investit aussi dans l’intelligence artificielle, afin d’empêcher Amazon – qui s’est imposé sur internet – de dominer le marché des points de vente physique. D’abord avec son application Scan & Go, disponible dans plus de 100 magasins aux États-Unis, qui permet de scanner et de payer les produits avec son smartphone, avant de présenter, à la sortie du magasin, la preuve d’achat. Mais l’enseigne espère même aller plus loin avec un magasin sans caisse, baptisé « Project Kepler », sorte de réplique d’Amazon Go. Ensuite, Walmart entend s’imposer par la voix. Depuis quelques mois, ses clients qui sont équipés de Google Home peuvent faire leurs achats depuis chez eux par commande vocale. Une technologie qui s’attaque directement à l’assistant vocal d’Amazon, Alexa, lancé dès 2014 avec la borne Echo.

De son côté, le groupe de supermarchés Kroger a installé en 2012 « QueVision », une technologie qui enregistre chaque entrée grâce à des capteurs infrarouges. Les employés peuvent savoir combien de clients sont présents dans le supermarché, et ainsi adapter le nombre de caisses pour éviter les longues files d’attente. « Le temps aux caisses est passé de quatre minutes en moyenne à moins de trente secondes », affirme l’entreprise, qui aurait aussi économisé 250 millions de dollars en main-d’œuvre. Mais elle ne compte pas s’arrêter là et proposera d’ici à la fin de l’année, dans 200 de ses magasins, « Kroger Edge », des étiquettes intelligentes. À la place des étiquettes classiques, Kroger souhaite installer un écran où défileront prix, indications nutritionnelles et offres spéciales. Avantage : proposer plus de promotions que les concurrents et faire gagner du temps à son personnel. 

Target, cinquième groupe de distribution aux États-Unis, mise quant à lui sur les beacons, des petits émetteurs Bluetooth à basse consommation qui, via l’application de l’enseigne, permettent de géolocaliser ou d’envoyer des notifications, comme des promotions par exemple, sur les smartphones présents dans un certain périmètre. Target a aussi récemment ajouté une carte sur son application : les clients peuvent désormais suivre sur un plan leur propre déplacement dans le magasin, cliquer sur les produits désirés et être guidés jusqu’à leur emplacement, sans jamais faire appel à un employé. 

 

D’autres secteurs concernés

Cette course aux nouvelles technologies ne se limite pas à la grande distribution. Dans la chaîne californienne de fast-food Eatsa, on commande et paie sa salade sur une borne tactile, avant de la récupérer dans un casier automatisé en quelques minutes. Pas de caissiers, ni de serveurs. Une façon là encore de gagner du temps pour le consommateur et d’économiser du personnel pour l’entreprise. Dans un magasin new-yorkais de la marque de mode Reformation, les clientes ne font plus appel aux employés pour essayer les vêtements. Elles sélectionnent directement les articles sur un écran tactile, les placent dans l’onglet « dressing room », avant de les enfiler dans une cabine d’essayage équipée d’un autre écran tactile, d’une prise USB pour brancher leur téléphone et d’une enceinte pour écouter de la musique. 

Investir dans les nouvelles technologies reste donc la meilleure option pour fidéliser ses clients grâce à une expérience personnelle, tout en faisant des économies. Même si la connaissance du client passe aussi par la collecte de données personnelles, ce qui peut en refroidir certains. « Mais aujourd’hui les marques n’ont plus le choix, conclut Shep Hyken, elles ne se distinguent plus en fonction du prix ou du produit mais par la qualité de l’expérience qu’elles proposent aux clients. »

Aller plus loin avec la réalité augmentée 

 

Nancy Georges, consultante en stratégie marketing et digitale, l’affirme : « Les nouvelles technologies minimisent les risques pour les marques et pour les consommateurs. » Grâce à la réalité augmentée, les consommateurs peuvent essayer avant d’acheter, et éviter de renvoyer les articles. Chez Wayfair, spécialiste américain de l’ameublement en ligne, une application permet ainsi de déposer virtuellement un meuble, aux dimensions réelles, dans une pièce. Le client peut donc – sans prendre de mesures – aménager son logement avec son smartphone. « Grâce à l’innovation, explique Wayfair, nous pouvons nous concentrer uniquement sur les besoins du client et réduire les préoccupations liées à la logistique. » La livraison et le montage des meubles étant coûteux, il est en effet préférable de limiter les retours. 

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