Humanitaire
Prix Nobel de la paix en 1997 pour son combat contre les mines, Handicap International devient Humanité & Inclusion à l’international pour adapter son image aux attentes des pays anglo-saxons. Décryptage avec Sylvain Ogier, directeur général adjoint.

Pourquoi changer de nom à l’international?

Sylvain Ogier. À l’occasion de nos 35 ans, nous avons mené une grosse réflexion stratégique pour mettre à jour nos ambitions, ce qui a conduit à identifier plusieurs problèmes dans notre communication. Parmi eux, il y avait le nom. Handicap International ne décrit qu’une partie de nos missions, alors que nous intervenons aussi auprès de personnes blessées, déplacées et réfugiées, et pas seulement handicapées. Il nous était parfois difficile d’agréger des partenaires car nous étions perçus comme une association de niche, dont l’image d’Épinal est liée aux enfants victimes de mines antipersonnel, notre premier combat. L’autre raison importante est qu’à l’international et notamment en anglais, le mot handicap est péjoratif, tous les gens un minimum «éduqués» le rejettent. Il est proche du terme infirme en français. C’était un vrai frein pour une association qui prétend défendre les personnes.

Que souhaitez-vous véhiculer avec Humanité & Inclusion?

Ce nom est l’expression directe de nos valeurs. L’inclusion désigne notre action en faveur des plus vulnérables. Cette notion n’est pas très familière pour le grand public en France mais elle l’est beaucoup dans les pays anglo-saxons, où l’on en parle dans les milieux scolaires. C’est une valeur universelle. L’humanité, elle, exprime l’approche que l’on met dans nos actions comme la modestie et l’empathie.

Pourquoi ne pas changer votre identité en France?

C’est un choix que nous faisons aussi en Allemagne, Belgique, Suisse et au Luxembourg, des pays où notre implantation est ancienne et le nom, très bien accepté. Notre taux de notoriété assistée globale est très bon avec 69% en France, 76% en Wallonie et même 79% au Luxembourg – où l’on peut faire des campagnes de marketing par diffusion de courriers non-adressés dans toutes les boîtes du pays.

En quoi le nouveau nom va vous rendre plus audible?

Un sondage Opinionway mené en Allemagne, Belgique, France et au Royaume-Uni nous a montré le gain que l’on pouvait en attendre. Alors que 8% des Britanniques appréciaient Handicap International, le chiffre montait à 44% pour Humanity & Inclusion, ce qui reflète l’impopularité du mot «handicap». Ce changement devrait aider à débloquer le potentiel de l’association dans les pays anglo-saxons, dont les États-Unis et le Canada, en attendant l’Inde. C’est une carte de visite plus attractive que renforce notre ambassadeur, le footballeur Neymar. Il nous apporte une visibilité sans commune mesure avec notre force de frappe. Son dernier post Instagram a par exemple été vu par 5,2 millions d’internautes.

Quel est le sens de votre nouveau logo?

C’est d’abord un facteur de cohérence pour notre réseau mondial alors qu’avant, on se souciait moins de notre identité visuelle. Ce logo est une main représentant à la fois un salut amical et un stop, stop aux bombardements, aux mines… Nous l’avons testé dans 17 pays, dont 9 où nous intervenons, il a eu le même accueil positif partout. En Irak comme au Cambodge, les gens interrogés avaient la même compréhension du logo et de sa dualité, tout comme en Europe, ce qui nous a rassurés sur sa lisibilité.

Vous sortez aussi un film. Quel plan média lui est associé et pour quel montant?

Cela faisait cinq ans qu'Handicap International n'avait pas créé de clip. Nous avons été aidés par l’agence montréalaise Cossette à titre gracieux car une chose est claire: nous avons une tradition de frugalité. En 2017, pour 50000 euros investis en frais techniques, nous avons bénéficié de l’équivalent de 5 millions d’euros d’achats médias. Pour cette campagne, cela se chiffre aussi en millions. Nous sommes soutenus par JCDecaux à New York, Vancouver, Genève, par Clear Chanel, par tous les cinémas UGC de France, etc. Pour rassurer les donateurs, nous avons calculé que la campagne ne leur coûtait que 37 centimes.

Avez-vous choisi Cossette pour mieux toucher l’Amérique du Nord?

Parmi les 20 agences que nous avons consultées, 17 ont répondu, 13 ont déposé un dossier complet, 7 sont arrivées en deuxième phase et 3 en finale: l’agence new-yorkaise Brand Union, l’agence de Publicis Carré Noir, et Cossette. Elle nous a convaincus par sa méthodologie et sa capacité à consulter toutes les parties prenantes chez nous, et son unité spécialisée en communication ethnique.

Arrivez-vous à toucher les millennials?

Ce public est peu donateur en valeur absolue, mais rapporté à ses moyens, il est généreux. On sait que les millennials sont très exigeants, ils ont besoin de garanties, de probité, de sens. Par conséquent, nous affichons davantage nos valeurs, l’inclusion des personnes fragiles, ce qui nous oblige à repenser notre discours de fond. C’est ce que l’on illustre avec la campagne où l’on aide les gens à écrire un nouveau chapitre de leur vie en célébrant leurs spécificités, plutôt que de faire des call-to-action… Nous allons aussi nous entourer de nouveaux ambassadeurs pour les réseaux sociaux cette année.

Quels sont les objectifs de cette campagne?

Ils sont d’abord qualitatifs : changer d’image et relever la présence à l’esprit. Visuellement, le pari est déjà gagné, comme nous l’a montré une fondation familiale qui a soutenu ce mouvement de façon sonnante et trébuchante, nous donnant 25000 euros. Humanité & Inclusion doit se faire connaître comme l’organisation qui prend en compte les besoins de tous les groupes les plus vulnérables.

Et la pyramide de chaussures [opération lancée en 1995 pour frapper l'opinion sur les mines antipersonnel], a-t-elle toujours de l’impact?

Elle est surtout connue en France et au Luxembourg, et quelques capitales d’Europe, mais nous allons repenser son modèle. Sa vocation initiale – créer un lien avec le terrain – évolue grâce au digital avec, par exemple, la possibilité de s’immerger en réalité virtuelle dans une ville bombardée en Syrie.

Chiffres clés :

5 millions d’euros. Valorisation du budget médias en 2017, offert gracieusement.
152 millions d’euros. Budget du réseau Handicap International

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