Grandes entreprises
Oubliés les films soporifiques avec de belles images accompagnées d’une voix off débitant des platitudes sur ces « hommes et femmes qui construisent le monde de demain ». La communication institutionnelle se régénère en adoptant de nouveaux codes.

Sur internet, la communication institutionnelle descend de son piédestal. « Avant, l’autorité, le respect, la confiance reposaient sur la rareté et le sérieux de la prise de parole, mais aujourd’hui cette retenue n’est plus de mise, qu’il s’agisse des dirigeants politiques ou des grandes entreprises, observe Manuel Lagny, coprésident de l’agence de communication corporate Epoka, résultant de la fusion de Meanings et 4ventsgroup. Ces dernières s’expriment plus fréquemment et misent sur l’humour ou l’émotion pour toucher les cibles jeunes. »

Autre tendance, les marques privilégient les formats courts, sauf quand il s’agit de faire le show, comme on le voit pour les défilés de mode ou les lancements de produits iconiques en direct. Ce format demeure en effet plus économique, facile à concevoir et à inscrire dans une série d’épisodes qui vont progressivement monter en puissance sur les médias sociaux. Parce qu’elle s’assigne des objectifs d’image, la communication corporate sur internet dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour créer des contenus attractifs. Ce qui permet de générer du trafic organique via les partages et économise d’autant sur les budgets d’achat d’espace. 

Dans leur stratégie de brand content, les annonceurs font de plus en plus appel à des youtubeurs, humoristes et autres talents du web. La bonne vieille reality pub y vit un nouvel âge d’or, de vrais consommateurs et de vrais salariés étant sollicités pour les tournages. Cette quête d’authenticité pousse à des traitements plus directs, émotionnels, engageants ou humoristiques. Ce faisant, la marque et l’entreprise s’humanisent. Revue de détail.

•  La SNCF aborde les sujets qui fâchent

Avec son ambitieuse campagne intitulée « SNCF 24/24 », orchestrée par TBWA, ZenithOptimedia et ici Barbès, et démarrée en mai 2015 (130 spots à ce jour), la compagnie ferroviaire s’est lancée dans la communication en quasi-temps réel, via une série de mini-reportages sur ses métiers, qui empruntent les codes du journalisme. Les images sont tournées le matin, montées dans la journée et diffusées le soir sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à la télévision lors d’un rendez-vous hebdomadaire. « L’objectif était de sortir la SNCF d’une posture distante, résume Stéphane Chery, directeur de la communication externe et de la marque du transporteur. Nous avons donc pris en compte les problèmes et questions que nous soumettent les clients et nous avons impliqué nos collaborateurs en montrant leur engagement au quotidien à les résoudre ou à y répondre. Nous nous sommes placés davantage dans le registre de l’information que de la communication. » 

Lors d’une grève en 2016, l’entreprise a ainsi montré comment elle s’y prenait pour gérer la pénurie d’agents et réduire la gêne occasionnée. Grâce à cette approche, la SNCF a pu toucher un large public (près de 70 millions de vues) et générer un impact élevé. Le post-test TNS Sofres (troisième vague, 3 juillet 2016) révélait que 43 % des internautes se souvenaient de la campagne, 81 % l’aimaient et 85 % disaient qu’elle améliorait l’image de la SNCF.

•  Orange joue la carte de l’humour

Dans les dix vidéos conçues avec Publicis et mises en ligne en septembre dernier, le pire des stagiaires d’Orange demande au client qu’il vient dépanner de lui servir un café. Agace son responsable en imitant des bruits d’oiseaux. Disparaît au moment inopportun. Stresse ses collègues par ses remarques absurdes. Bienvenue dans le monde loufoque de Greg, un spécialiste du canular à qui Orange a proposé de se glisser dans la peau d’un stagiaire le temps d’une journée. Par ce détour humoristique, que l’on peut visionner via YouTube, Twitter et LinkedIn, Orange fait découvrir au grand public ses métiers et missions de manière 100 % digitale et décalée. 

Avec cette campagne qui a généré en une semaine un million de vues en organique sur la chaîne YouTube de Greg, l’opérateur suscite de l’enthousiasme auprès de ses salariés et de la proximité avec ses clients. Tout « en évitant l’écueil de l’ennui dans lequel tombent souvent les marques qui se livrent à cet exercice », se réjouit Quentin Delobelle, directeur de la communication commerciale et de la création d’Orange France.

• BNP Paribas fait l'événment avec un youtubeur

À l’occasion du salon de l’innovation VivaTech de juin dernier, où BNP Paribas tenait un stand, la banque se confrontait à trois enjeux : communiquer de façon engageante sur sa présence, se positionner comme un acteur majeur de l’innovation et de la transformation digitale auprès des millennials, et valoriser son rôle auprès des créateurs d’entreprise. 

Pour y répondre, BNP et son agence Elephant at Work ont sollicité un youtubeur célèbre chez les millennials, Akim Omiri (270 000 abonnés). Celui-ci a tourné quatre vidéos humoristiques et pédagogiques sur le thème de l’innovation, signées du hashtag #DésoléAkim. Diffusées sur Facebook, YouTube et le réseau interne de BNP Paribas, ces vidéos mettent en scène Akim, qui pense avoir trouvé une idée révolutionnaire, mais en réalité déjà inventée par une start-up présente au salon. En bonus, la banque organisait un concours en live sur Facebook, la Mystery Box, engageant aussi bien les personnes présentes physiquement à VivaTech que les internautes à en deviner le contenu, en rapport avec une des start-up innovantes soutenues par BNP Paribas. 

Résultat ? En trois jours, les vidéos sur la page Facebook « Ma banque BNP Paribas » ont fait plus de 2 millions de vues, aidées par un peu de sponsoring, et elles ont suscité plusieurs milliers d’interactions (commentaires, partages, likes). « La communauté d’Akim est venue réagir sur le hashtag #DésoléAkim et la page BNP Paribas a gagné de nouveaux membres, plus jeunes et connectés. Les start-up soutenues par la banque ont également bénéficié d’une mise en avant », pointe Anaïs Berno, responsable marketing d’Elephant at Work.

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